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seraient réellement à craindre si l'on n'apportait aucun remède aux maux dont souffrent les habitants de la Macédoine.

Dès que vous aurez l'occasion de vous entretenir de cette affaire au Ministère impérial des Affaires étrangères, vous ne laisserez pas ignorer quelle est mon impression à ce sujet et vous me ferez connaître les vues du Gouvernement russe.

DELCASSÉ.

N° 34.

M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères,

à M. de la Boulinière, Ministre plénipotentiaire, Chargé de l'Agence et Consulat général de France à Sofia.

Paris, le 30 octobre 1902.

J'ai l'honneur de vous accuser réception de votre dépêche du 20 octobre dernier, dans laquelle vous m'aviez fait part des dispositions prises par le Gouvernement bulgare pour assurer la tranquillité dans la principauté, et pour faire disparaître les Comités macédoniens de Bulgarie. C'est avec la plus grande satisfaction que j'ai reçu avis de la ferme intention du Cabinet Danef de contribuer, dans la plus grande mesure possible, au rétablissement de la tranquillité en Macédoine et à la cessation des désordres qui, depuis trop longtemps, sévissent dans cette province de l'Empire ottoman. Vous connaissez trop bien, d'après les instructions que vous avez déjà reçues à ce sujet, la manière de voir le Gouvernement de la République pour qu'il soit nécessaire d'insister de nouveau sur le prix que j'attache à ce que le Gouvernement princier se pénètre des conseils de prudence et de circonspection que nous n'avons cessé de lui donner.

On ne saureit nier, d'autre part, que, si l'action modératrice du Gouvernement bulgare est indispensable, elle ne peut suffire et que la coopération de la Porte est non moins nécessaire. Vous m'avez indiqué l'utilité que présenterait dans ce sens une action concertée des Puissances en vue d'imposer au Gouvernement ottoman, un plan de réformes destiné à garantir le maintien de l'ordre en faisant disparaître, dans la mesure du possible, les causes des troubles actuels. J'ai déjà eu l'occasion d'en parler avec l'Ambassadeur de Russie à Paris et de lui exprimer mon désir de voir son Gouvernement se mettre d'accord avec nous sur ce point.

N 35

DELCASSÉ.

M. Bapst, Chargé d'affaires de France à Constantinople,

à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères.

Péra, le 4 novembre 1902.

Les nouvelles qui sont parvenues ici de Macédoine, dans ces derniers jours, concordent à dire qu'avec les premières manifestations de l'hiver l'activité des bandes insurrectionnelles s'est beauconp ralentie et que, dans peu de temps,

la neige obstruant toutes les voies, un calme apparent régnera sur tout le pays. Mais il est acquis aujourd'hui que le mouvement de cette année a été de beaucoup le plus sérieux de tous ceux qui se sont produits depuis les guerres de 1876-1878, et qu'il autorise à présager pour le printemps prochain des troubles plus étendus et plus graves.

Au moment où il se déclara, il fut désapprouvé d'une manière presque universelle par les Bulgares sensés : « Que font ces malheureux ? disait-on ; ils sacrifient leurs vies sans profit pour la cause nationale; au contraire même, ils nuisent à celle-ci; ils seront écrassés par les Turcs et attireront sur leurs compatriotes des maux pires que ceux dont ils se plaignent aujourd'hui ; les choses finiront en Macédoine comme elles ont finit en Pologne, en 1863 ». Comme aucun appui n'était à attendre de l'étranger, comme la principauté de Bulgarie était contrainte à l'inaction, comme le Comité macédonien lui-même était en dissension et qu'une fraction seule de ses membres était d'avis d'encourager les insurgés, il semblait, en effet, que ceux-ci allaient vite succomber, Les évènements ont prouvé que les prévisions des sages n'étaient pas justes. Non seulement les bandes n'ont pu être détruites par les Turcs et restent presque intactes a la fin de la saison, ayant gardé tous leurs chefs, mais, sur tout le territoire qu'elles ont parcouru, elles ont rencontré les sympathies de la majeure partie de la population et ont été aidées par elle dans leur lutte contre les Turcs.

Il est certain que la question des réformes en Macédoine redevient d'actualité. En 1896, sous la pression des Ambassades, le Sultan avait promulgué un plan de réformes pour les vilayets de Roumélie; M. Cambon le transmit au Ministère le 30 avril 1896; mais les évènements qui suivirent, la guerre de Thessalie surtout, permirent à la Porte d'éluder ses engagements, et le décret de 1896 resta lettre morte. Votre Excellence, dans le courant du mois dernier, a invité l'Ambassade à recommander à la Porte l'introduction des réformes en Macédoine. Je sais que plusieurs autres Ambassades out reçu des instructions semblables et que M, Zinovief, notamment, doit, dès son retour de Livadia, presser vigoureusement le Gouvernement ottoman de donner sur ce point satisfaction au désir des puissances.

Dans un rapport en date du 28 octobre envoyé à la fois au Département et à l'Ambassade, notre Consul à Salonique indique, comme les améliorations les plus urgentes, l'organisation d'une gendarmerie locale, qui remplacerait avantageusement le système des garnisaires, et la suppression de l'affermage des dîmes, adjugé le plus souvent à des musulmans influents qui pressurent la population chrétienne en extorquant d'elle plus qu'elle ne doit régulièrement payer. « D'autres points importants, tels que l'admission plus large de l'élément chrétien dans la magistrature et l'administration, pourraient, ajoute M. Steeg, être ensuite examiné avec plus de loisir ».

Si je reproduis ces suggestions de M. Steeg, c'est qu'avec la Porte, si l'on veut obtenir un résultat, il faut préciser exactement ce que l'on désire d'elle; lui demander d'une manière générale des « réformes », sans déterminer en quoi elles doivett consister, n'aurait pas d'utilité pratique; car, laissée libre de juger celles qui conviennent à l'état du pays, elle n'en ferait que d'illusoires.

Tel est le sentiment que m'a exprimé, entre autres personnes, l'Ambassadeur de Russie, et j'ai ainsi lieu de croire qu'il rapportera de son voyage à Livadia un programme défini.

N° 36

BAPST.

M, Bapst, Chargé d'affaires de France à Constantinople,

à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères.

Pera, le 19 novembre 1902.

Depuis le 4 novembre, date de ma dernière dépêche sur la Macédoine, la situation de cette région ne s'est pas beaucoup modifiée. L'hiver, en s'établissant, empêche l'insurrection d'être très active; mais celle-ci subsiste et, malgré la blessure et la retraite d'un de ses chefs, Zontchef, dans la Principauté de Bulgarie, ellc s'est encore affirmée, dans le courant de cette quinzaine, par de petits engagements, à la suite desquels un convoi de seize soldats turcs blessés est arrivé à Constantinople. C'est la seconde fois depuis un mois que pareil fait se produit et il est la preuve qu'à Serrès et dans les autres villes rapprochées du lieu des hostilités, les locaux disponibles sont déjà remplis de blessés.

Le Gouvernement ne pense plus à faire mystère de la force de résistance opposée par les bandes insurrectionnelles puisqu'il permet aux journaux illustrés de Constantinople de publier des dessins représentant des soldats turcs blessés dans les derniers engagements. D'autre part, le Ministre de la Guerre laisse assez clairement entendre qu'il prend des dispositions en vue d'une explosion générale en Macédoine au printemps prochain.

Il est certain, en effet, que les préparatifs pour une insurrection plus étendue que les troubles de cette année se poursuivent sans relâche. L'ambassadeur d'Angleterre me disait ces jours derniers que, d'après ses renseignements, les importations d'armes en Macédoine allaient toujours croissantes, et il ajoutait que si l'Europe voulait empêcher la conflagration présagée par tant de signes, il était temps d'apporter des améliorations à la situation de cette région.

L'Ambassadeur d'Autriche-Hongrie pense qu'il suffirait, pour ramener un calme relatif en Macédoine, que les tribunaux et la police y fissent correctetement leur devoir; le jour où la population, libérée des principaux abus dont elle souffre, ne prêterait plus main-forte aux agitateurs, ceux-ci, livrés à eux-mêmes, seraient très vite réduits à l'impuissance; cette réformation des pratiques actuelles s'opérerait tout simplement, si les Puissances prenaient les mesures nécessaires pour assurer aux tribunaux et à la police le payement régulier de leurs traitements.

J'aurais aimé pouvoir joindre à cet exposé des vues des Ambassadeurs d'Angleterre et d'Autriche-Hongrie, un aperçu de celles de l'Ambassadeur de Russie; M. Zinovief, qui vient de conférer avec son Souverain, doit avoir aujourd'hui une ligne de conduite bien déterminée; mais c'est seulement hier qu'il est rentré à Constantinople.

BAPST.

N° 37

M. Bonnardet, Gérant l'Agence et Consulat général de France à Sofia,

à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères.

Sofia, le 19 novembre 1902.

Depuis le commencement du mois, les bandes insurrectionnelles font leur rentrée en Bulgarie. Les premières neiges sont tombées, barrant les sentiers des montagnes et enlevant aux insurgés leurs refuges ordinaires. Le Gouvernement Bulgare fait désarmer les bandes et maintient leurs chefs en arrestation pendant quelques jours. La population fête chefs et soldats, les acclame, leur donne des vivres.

Parmi les personnages rentrés, figure le Général Zontchef, qui est assez sérieusement blessé. Le Gouvernement l'a mis aux arrêts dans son domicile. On a annoncé qu'aussitôt rétabli il serait poursuivi devant les tribunaux. Je ne sais si ces poursuites seront réellement exercées. Ce qui est bien certain, c'est que le Ministère n'a pas encore mis à exécution son projet de dissoudre les Comités macédoniens pour ne pas soulever l'opinion publique.

Le récit des souffrances des frères macédoniens abandonnés aux vengeances turques excite une certaine émotion. On dit même qu'une agitation se manifesterait parmi les officiers bulgares d'origine macédonienne, au nombre de mille environ. Ils songeraient, dit-on, à démissionner en masse, ne voulant pas rester l'arme au pied quand la vie de leurs proches est en danger. Je doute fort qu'une pareille menace se réalise. Quoi qu'il en soit, le nombre des réfugiés qui franchissent la frontière est considérable. M. Bakhmeteff m'a dit que son Consul à Philippopoli, envoyé en mission du côté de Dubnitza et Kustendil, avait compté plus de six cents personnes inoffensives, vieillards, femmes, enfants, fuyant devant les Turcs. Il en arriverait, tous les jours, des centaines et, d'après M. Bakhmeteff, leur nombre dépassera le millier avant la fin du mois.

L'avis de mon collègue russe est qu'il faut étudier un programme de réformes et le discuter ensuite avec les Puissances qui, n'en ayant pas, se trouveraient, par le fait même, portées à adopter une partie de celui qu'on leur proposerait. Quand l'accord serait fait, on devrait imposer aux Turcs les réformes décidées.

Si j'en juge par ce que Votre Excellence a bien voulu mander à M. de la Boulinière dans sa lettre du 30 octobre dernier, ce programme se concilie parfaitement avec le sien. Mais il est bien certain qu'il est d'une réalisation difficile et que plus on étudiera la question de près, plus considérables paraîtront les difficultés. Pourtant, de l'avis de tous, l'insurrection recommencera au printemps avec une force nouvelle.

BONNARDET.

N° 38

Le Marquis de Reverseaux, Ambassadeur de la République française à Vienne,

à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères.

Vienne, le 20 novembre 1902.

L'agitation croissante en Macédoine et la nouvelle donnée par les télégrammes de Sofia, de la démission de nombreux officiers bulgares qui passent à l'insurrection, causent à Vienne de vives appréhensions, non pour le moment présent, les approches de l'hiver rendant impossible l'ouverture des hostilités, mais pour le printemps prochain.

Ici, on s'en montre très préoccupé et on considere la siluation comme alarmante. Si les Puissances ne parviennent pas à imposer au Gouvernement et au Prince de Bulgarie une résistance plus ferme et plus nette aussi bien qu'au Gouvernement ottoman de sérieuses réformes dans le choix de ses fonctionnaires et dans les procédés administratifs appliqués jusqu'à ce jour, il y a à craindre un soulèvement sérieux qui 'mettrait le feu aux Balkans et l'Europe dans une situation des plus critiques. On espère que les Puissances s'entendront pour imposor un remède à un danger aussi redoutable.

REVERSEAUX.

N° 39.

M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères,

à M. Boutiron, Chargé d'affaires de France à Saint-Pétersbourg.

Paris, le 27 novembre 1902.

Je vous ai entretenu, sous la date du 30 octobre dernier, de la préoccupation que devaient nous causer, non plus sans doute pour le présent, mais pour un avenir vraisemblablement assez prochain, les affaires de Macédoine.

Depuis lors, j'ai reçu un rapport de notre Consul à Salonique, en date du 28 octobre, indiquant nettement l'étendue et le caractère des derniers mouvements insurrectionnels qui dépassent en importance tous les précédents. Une dépêche de notre Chargé d'affaires à Constantinople, en date du 4 novembre, confirmait à son tour les appréhensions de M. Steeg, en montrant les Bulgares surpris des succès des révolutionnaires et ceux mêmes qui s'étaient tenus à l'écart décidés à soutenir, au printemps prochain, la reprise de l'insurrection. Par un second rapport, notre Représentant à Constantinople vient de me transmettre, à la date du 19 novembre, des informations qui méritent de retenir toute notre attention; il en résulte que, même en cette saison d'hiver, les troubles persisteraient en dépit des prévisions, et que les autorités militaires ottomanes s'attendraient au printemps à un soulèvement général. En même temps que M. Bapst, notre Chargé d'affaires à Sofia, me signale l'impression. produite en Bulgarie par l'arrivée des réfugiés macédoniens, les sympathies qu'ils éveillent dans l'armée bulgare et toutes les causes qui, réduisant à

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