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Le représentant monténégrin a aussi fait entendre ses plaintes. Il était impossible qu'après le Bulgare, le Serbe, le Monténégrin, la Russie ne parlât à son tour, et ne tînt pas un langage digne de la plus grande attention du Sultan. J'ajoute que les Comités slaves ont commencé ici des souscriptions et envoyé des secours non seulement à Sofia, mais en Macédoine, et que les journaux russes reçoivent de correspondants particuliers, voyageant dans la province turque, des informations capables d'émouvoir l'opinion publique.

BOUTIRON.

N° 45

M. Bapst, Chargé d'affaires de France à Constantinople, à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères.

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Péra, le 9 décembre 1902.

Je me suis occupé de faire passer au sultan une communication reproduisant le sentiment du Gouvernement de la République sur la nécessité d'améliorer sans retard la condition des populations de la Macédoine et indiquant nettement que les mesures à prendre doivent être sérieuses et efficaces.

Votre Excellence trouvera ci-joint le texte du pro memoria que j'ai remis au Ministre des Affaires étrangères.

Pour la rédaction de cette pièce, j'ai tenu à marquer nettement qu'elle n'avait pas été composée avant la promulgation des dernières « instructions » du Sultan; il importait donc de ne pas mentionner la nécessité de réformer la gendarmerie, puisque ces instructions promettent cette réforme; la question financière seule était à signaler. De cette manière, on ne pourrait pas m'opposer la défaite de me dire que je parlais de choses déjà réglées.

Edmond BAPST.

'ANNEXE

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Le Gouvernement français considère qu'il est absolument nécessaire d'améliorer sans retard la condition des populations de la Macédoine, afin de prévenir des complications que tous ces renseignements font prévoir prochaines et qui peuvent avoir des conséquences graves.

Le Chargé d'affaires de France a l'ordre de déclarer au Gouvernement ottoman que les mesures à prendre dans le but sus-indiqué doivent être sérieuses et efficaces.

Le Gouvernement français signale particulièrement au Gouvernement ottoman la nécessité d'appliquer en Macédoine les principes d'une bonne administration financière, afin d'y assurer le payement régulier des troupes et des fonctionnaires et d'exclure la continuation des exactions dont les populations ont actuellement tant à souffrir.

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M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères,

à M. Boutiron, Chargé d'affaires de France à Saint-Pétersbourg.

Paris, le 11 décembre 1902.

Je viens de recevoir la visite de l'Ambassadeur de Russie. Le Comte Lamsdorff a mis sous les yeux de l'Empereur le résumé de ma dépêche du 27 novembre sur la Macédoine, que vous lui aviez fait tenir. Il a chargé le Prince Ouroussoff de me dire que l'Empereur a été très heureux de constater la parfaite conformité de nos vues, et il m'a fait remercier de l'appui que nous sommes résolus à prêter au Gouvernement Impérial pour arracher à la Porte une amélioration réelle du sort des populations macédoniennes. L'accord est donc bien établi entre nos deux Cabinets.

N° 47

DELCASSÉ.

M. Bapst, Chargé d'affaires de France à Constantinople, à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères.

Péra, le 15 décembre 1902.

Le Palais, la Porte, et d'une manière générale tout le monde turc, affectent de croire que les «< instructions » du Sultan, dont j'ai envoyé le texte à Votre Excellence, règlent définitivement la question macédonienne, et que, depuis leur promulgation, la situation s'est beaucoup améliorée. Cet état d'esprit ressort notamment d'un communiqué officiel publié ces jours derniers par les journaux turcs de la capitale.

Mais la réalité est loin de correspondre aux dithyrambes des officieux turcs. D'après tous les renseignements que je reçois et qui concordent avec ceux des autres Ambassades, jamais les exactions et les brutalités n'auraient été plus nombreuses de la part de la gendarmerie et de la troupe régulière. Des colonnes volantes sillonnent le pays pour rechercher des armes et les saisir; pendant leurs perquisitions, elles sont logées chez l'habitant et profitent de cette circonstance pour dévaliser celui-ci. Le directeur du chemin de fer de Salonique-Monastir me disait avant-hier que, les jours de paye, les employés de la Compagnie étaient régulièrement dépouillés par les soldats chargés de garder la voie.

L'Ambassadeur de Russie m'a entretenu de ce redoublement de persécution contre les populations macédoniennes : il constate que les violences des Turcs affolent la population macédonienne qui émigre en foule dans la Principauté de Bulgarie ; le Gouvernement princier est impuissant à contenir le sentiment de colère que l'afflux de ces malheureux excite contre les Turcs; si d'ici peu le calme et la sécurité ne sont pas rétablis en Macédoine, on ne saurait prévoir ce qui peut advenir.

Edmond Bapst.

N° 48

M. Steeg, Consul de France à Salonique,

à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères,

Salonique, le 15 décembre 1902.

L'Inspecteur général des Provinces de la Roumélie, Hilmi Pacha, est arrivé à Salonique dans la soirée du 8 décembre, par train spécial accompagné d'un général de division, de deux fonctionnaires et de plusieurs secrétaires, il en est reparti le 12 pour Uskub. Pendant son séjour, il n'a guère quitté l'hôtel où il était descendu; il y a convoqué quelques fonctionnaires et s'y est fait apporter un certain nombre de dossiers; il paraît s'être particulièrement occupé des questions financières.

Le passage de cette mission extraordinaire paraît avoir été accueilli avec le plus grand scepticisme, tant par le monde des fonctionnaires ottomans que par les diverses classes de la population. Il avait été précédé, en effet, par la publication d'un communiqué officiel résumant les soi-disant réformes dont l'Inspecteur général devait préparer l'exécution. Or, on considère généralement ici que ce document, rempli en grande partie, par la confuse répétition d'extraits de la législation en vigueur, ne contient en fait de dispositions nouvelles que des mesures insignifiantes ou plus nuisibles qu'utiles. Je ne fais que traduire l'opinion générale en la résumant comme suit : «<les nouvelles « réformes » consistent dans la multiplication de rouages coûteux et irresponsables; il semble qu'on ait voulu organiser, non le progrès, mais la résistance »).

Cependant, ainsi que je l'écrivais dans mon rapport du 3 de ce mois, si l'on veut parer à l'éventualité de plus en plus probable de troubles graves au printemps prochain, il est urgent d'introduire dans les provinces macédoniennes des réformes sérieuses et pratiques, susceptibles de rendre aux populations de toute race et de toute religion quelque confiance dans un avenir meilleur. Tout ce que j'ai pu, depuis cette date, recueillir d'informations sur les divers incidents qui se produisent à l'intérieur du pays ne fait que me confirmer dans cette opinion. Malgré l'extrême rigueur de la saison, les rencontres entre tes bandes révolutionnaires et la troupe ou la gendarmerie, bien que devenues plus rares, n'ont pas entièrement cessé. On en signalait encore ces jours derniers quelques-unes, sans grande importance d'ailleurs, aux environs de Djoumaa-Balia. Il y a quatre jours à peine deux gardiens albanais étaient assaillis dans la nuit, à 20 kilomètres de Salonique, par une bande armée de mannlichers. On les relevait le matin très grièvement blessés; auprès d'eux on arrêtait un bulgare qu'ils avaient blessé en se défendant et l'on trouvait le cadavre d'un autre qu'ils avaient tué. Je signalerai enfin, dans un ordre d'idées un peu différent, un autre fait qui remonte à une dizaine de jours. A Niaousta (petite ville grecque de 5,000 âmes, à 60 kilomètres de Salonique, sur la ligne du chemin de fer de Monastir), un négociant grec a été arrêté vers 4 heures du soir dans sa boutique par quatre brigands albanais qui ont traversé la ville à pied avec leur prisonnier (leur « esclave » comme on dit ici) au milieux d'eux. Ils exigent pour le remettre en liberté une rançon de 5,000 Ltq.

Le détail suivant mérite d'être relevé le père de ce négociant avait été enlevé il y a quatre ans par les mêmes brigands albanais : il avait réussi à s'échapper de leurs mains. Les brigands avaient été arrêtés et condamnés à trois ans de prison: ils avaient juré de se venger de cette évasion et c'est ainsi qu'ils ont préparé et réalisé l'enlèvement du fils.

J'ai entre les mains la traduction d'une pétition adressée au Vali par les dix moukhtars des quartiers de Niaousta dans laquelle ils signalent que depuis 3 ans l'insécurité est telle que les habitants osent à peine sortir de la ville pour visiter leurs propriétés : « les plus riches n'osent pas même descendre à la gare sans être accompagnés de gardiens armés »; ils ajoutent que les Albanais du pays (gardes champêtres [son bachis], gardiens de la régie [coldjis] et leurs semblables de la même race) se promènent constamment en ville armés de martinis ; « ceux qui ont rencontrés les malfaiteurs au moment de l'enlèvement de l'esclave croyaient tous se trouver en présence des coldjis de la régie »..

J'ai cru devoir donner quelques détails sur cet incident parce qu'il m'a paru bien caractériser l'état d'insécurité du pays, même dans les régions qui ne sont pas atteintes par les comités bulgares.

J'ai constaté, ainsi que je l'écrivais dans mon rapport du 3 de ce mois, l'unanimité de mes collègues sur ce point: urgence de prendre des mesures sérieuses pour éviter une crise au printemps prochain.

J'ai essayé, de mon côté, d'indiquer dans une note que j'ai l'honneur d'adresser ci-inclus à Votre Excellence, le programme minimum des réformes qu'il me paraîtrait utile d'obtenir actuellement de la Porte.

ANNEXE

STEEG.

NOTE CONCERNANT LES RÉFORMES A INTRODUIRE EN MACÉDOINE

L'état critique des provinces macédonniennes peut être attribué à deux causes générales :

1o Le développement du sentiment national chez les diverses populations chrétiennes ;

2o Les abus de toutes sortes imputables à l'administration ottomane. Aussi longtemps que durera la domination ottomane, si parfaite, si paternelle que puisse jamais devenir sa manière d'administrer, on ne pourra jamais espérer que les populations chrétiennes s'en déclarent pleinement satisfaites; chacune d'elles aspire en effet à échapper définitivement à l'autorité turque, soit par l'annexion à celles des nations aujourd'hui indépendantes (Grèce, Bulgarie, Serbie), à laquelle elle se rattache par les liens de sang et de langue, soit au moyen d'une autonomie locale qui lui donnerait la prépondérance.

Ces aspirations à l'indépendance se confondent, en effet, pour chacune de ces nationalités avec l'ambition de dominer les autres; les luttes des diverses propagandes, le terrorisme exercé par les Comités bulgares sont les témoignages frappants de cet état d'esprit. Il serait donc à craindre que l'émancipation complète de ces provinces ne fût suivie de luttes intestines de nature à créer une situation au moins aussi dangereuse que l'actuelle.

Aussi, à bien des égards, le maintien entre les mains des Turcs de l'autorité supérieure sur ces nationalités rivales peut être considéré comme un gage de tranquillité. Aucun autre régime n'est plus apte, par ses traditions mêmes, à laisser aux populations diverses de ces provinces une large mesure d'indépendance locale en matière religieuse et civile.

Du reste, leurs habitants, généralement très arriérés, seraien sans doutebeaucoup moins accessibles aux impulsions des agitateurs politiques s'ils n'étaient en quelque sorte réduits au désespoir par l'insécurité et la misère; il est bien permis de croire que la grande masse des paysans macédoniens ne demanderait pas mieux que de se livrer tranquillement à ses travaux, le jour où elle serait assurée d'en recueillir le profit.

On pourrait donc poser comme suit la question des réformes en Macédoine: Est-il possible, sans opérer un remaniement territorial et sans prendre de mesures qui puissent en être considérés comme la préface, de mettre fin aux abus dont souffrent dans ces provinces les populations de toute race et de toute religion?

On sait comment la fameuse Charte de Gul-Hané a proclamé, dès 1839, le principe de l'égalité des droits de tous les sujets ottomans et comment l'ensemble des mesures qui en furent la suite a doté la Turquie de la plupart des institutions et des Codes de l'Europe occidentale. Si cette législation moderne était appliquée dans sa lettre et dans son esprit, on n'entendrait plus formuler contre l'administration ottomane les mêmes griefs que l'on a répétés contre elle depuis des siècles. On pourrait donc ramener encore la question des réformes à la suivante : existe-t-il un moyen d'assurer dans ce pays la stricte application des lois existantes? La question, sans doute, n'est pas simple, puisque tous les édits de soi-disant réformes par lesquels le Sultan se plaît, de temps à autre, à donner une satisfaction apparente aux observations des puissances, ne sont jamais autre chose que la nouvelle proclamation, en termes plus ou moins confus, de principes depuis longtemps inscrits dans la législation ottomane, mais qui, après comme avant, demeurent sans application et sans sanction.

On devrait désespérer de toute amélioration s'il était établi que le fonctionnaire ottoman est nécessairement incapable et prévaricateur.

Or, sans parler de nombreuses et honorables exceptions, l'expérience faite par des administrations telles que la Régie des tabacs et de la Dette publique prouvent qu'il est possible de constituer avec ces éléments des services d'une régularité presque parfaite. Mais ce résultat est subordonné à deux conditions: 1o Payement régulier des agents; 2° établissement des responsabilités comportant la sanction de récompenses pour les bons servises et de punitions pour les abus.

Or, en l'état actuel, ces deux conditions font défaut dans les administrations publiques ottomanes.

1o Les traitements sont irrégulièrement payės; malgré les règlements qui ordonnent d'acquitter avant tous autres les traitements des petits fonctionnaires, ceux-ci ne sont jamais payés que sur ce que les dépenses de l'armée, les demandes d'argent pour Constantinople et les traitements des privilégiés laissent de fonds disponibles dans les caisses provinciales.

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