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Il en résulte de continuels retards qui, à la fin de chaque année, aboutissent à la suppression de plusieurs mensualités d'un traitement à peine suffisant pour vivre.

Sans rien dire des procédés auxquels recourent beaucoup de fonctionnaires et de magistrats pour parer à ces insuffisances, il suffira d'insister sur le fait que les gendarmes, dont la solde n'est guère que d'une trentaine de francs par mois, sont les premières victimes de cet état de choses. Les extorsions de toutes sortes auxquelles ils recourent dans les villages et qui sont l'une des pires souffrances de la population macédonienne, leur sont ainsi, en quelque sorte, imposées par la nécessité de vivre.

Aussi tous mes Collègues, comme tous les fonctionnaires turcs avec lesquels j'ai eu l'occasion de m'entretenir de cette question, sont unanimes à penser que la condition première de toute amélioration dans l'état de ce pays doit être d'assurer le traitement régulier des fonctionnaires de tout ordre et particulièrement de la gendarmerie.

Il ne servirait de rien de renouveler à cet égard des prescriptions qui demeurent toujours lettre morte, étant donné qu'elles sont le plus souvent violées par ordre supérieur

L'établissement pour chaque vilayet d'un budget sur lequel serait régulièrement acquittés ces dépenses paraît être la condition primordiale pour arriver à ce résultat. Sans entrer ici dans le détail d'une réorganisation financière qui devrait ètre étudiée de plus près par des spécialistes, je crois pouvoir indiquer sommairement quelques-unes des garanties dont elle devrait être entourée.

Les recettes budgétaires seraient versées, au fur et à mesure de leur réalisation, dans les caisses des succursales de la Banque ottomane (ou de la Dette publique si cette solution était préférée), La Banque (ou la Dette) assurerait le payement des dépenses du vilayet en acquittant les mandats délivrés par les Defterdars; ces mandats devraient être préalablement visés par la Banque ou payables à quelques jours de vue, afin qu'on pût vérifier s'ils entrent bien dans les prévisions budgétaires.

Le surplus des recettes des vilayets laisse disponible pour l'acquittement de ces dépenses serait versé à une caisse centrale du Trésor (dont le service pourrait être confié à la Banque ottomane ou à la Dette publique); les dépenses du Gouvernement central et de l'armée ne seraient payables qu'en mandats sur cette caisse négociables par les succursales de la Banque ottomane. On abolirait ainsi définitivement les « havalés » ou délégations sur les caisses des vilayets, qui sont l'une des principales causes du désordre financier et des abus administratifs qui en résultent.

J'ose dire que sans une réforme analogue du régime financier, il est illusoire d'espérer une amélioration quelconque dans l'état des provinces de la Turquie d'Europe.

2o Ce qui caractérise actuellement les administrations turques, c'est une confusion des responsabilités aboutissant à leur anéantissement et, par suite, au défaut de sanction pour les abus. Le désordre financier sur lequel nous venons d'insister n'est que l'un des effets de cette cause générale.

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La loi sur l'administration générale des vilayets de 1870 (1287), complétée par les instructions générales de Mouharrem 1293, la loi sur l'administration communale 1292, etc., détermine d'une manière suffisamment précise les attributions et les devoirs des fonctionnaires administratifs. Elle donne la haute main sur l'administration provinciale aux Valis, munis de pouvoirs étendus qu'ils exercent sous la direction et le contrôle de la Sublime Porte et des divers Ministères. Il n'est pas sans intérêt de reproduire ici quelques extraits de ce document déjà ancien:

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ART. 5. 3o le Vali contrôle directement les actes et la conduite des Gouverneurs (Mutessarifs) et des fonctionaires du siège du Gouvernement général et indirectement, par l'entremise de ces derniers, la conduite et les actes de tous les employés du vilayet; il procède à la destitution des fonction naires reconnus coupables dans l'exercice de leurs fonctions; 4o il ordonne, si la destitution d'un employé a été provoquée par suite d'un crime ou d'un délit, la mise en jugement de cet employé.

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Dans la limite de ses pouvoirs, le Vali choisit et nomme, conformément au règlement spécial, les fonctionnaires administratifs. .

ART. 6. Les Valis, en présence d'une affaire administrative qui n'est pas de leur ressort, s'en réfèrent à la Sublime Porte tout en lui soumettant leurs observations.

Quant aux affaires ordinaires, ils procèdent directement a leur exécution. ART. 7. Les Valis font une ou deux fois par an une tournée d'inspection dans le vilayet. . . .

ART. 8. — Le Vali surveille :. 1o la rentrée des impôts; la gestion générale des sommes encaissées : 3o la solution des différends survenus dans ce service; 4o les actes des receveurs.

ART. 12. — Le Vali est chargé de l'organisation et de l'administration de la gendarmerie dans le vilayet; de la sécurité des routes et du maintien de l'ordre public dans la province,

On pourrait croire, en présence de ces textes, que l'état politique des provinces doit dépendre avant tout du choix des personnes auxquelles sont conférés ces vastes pouvoirs. En fait, il en a été ainsi autrefois et l'on peut citer bien des provinces dont la situation s'est radicalement modifiée à la suite de l'envoi de Valis énergiques et honnêtes. Celle d'Andrinople, où les pouvoirs civils et militaires sont concentrés dans les mains d'un Vali depuis longtemps en fonctions, passe pour offrir, à cet égard, une différence frappante aveê le vilayet limitrophe de Salonique.

Depuis un peu plus de trois ans et demi que je suis à Salonique, j'ai vu se succéder, à la tête de ce Vilayet, un vieilfard aux facultés affaiblies, un homme jeune, instruit, ancien Secrétaire du Palais, enfin le Vali actuel, ancien Ministre, ancien Président de la Cour des comptes, qui paraît animé de la meilleure volonté et passe pour jouir de la confiance personnelfe du Sultan. Or, quelle que fût la personne placée à la tête de l'Administration, je n'ai jamais constaté aucune modification ni dans les errements administratifs ni dans la valeur du personnel subalterne.

S'il en est ainsi, c'est que les moindres décisions administratives, le choix et la destitution des moindres fonctionnaires sont dictés aux Valis par le Palais

qui règle tout par télégramme et ne laisse aux Valis que l'ombre des pouvoirs que la loi leur confère. Cet état de choses est particulièrement frappant dans la province d'Uskub où les actos de brigandage des moindres chefs albanais motivent l'envoi de délégués spéciaux du Sultan.

Lors du dernier soulèvement dans la vallée de la Strouma, le Mutessarif et le Général commandant la division de Serrès n'ont eu de rapports que pour la forme avec le Vali de Salonique et le Commandant du corps d'armée : tout a été dirigé par le Palais qui a envoyé divers personnages en mission sur les lieux. Quelles améliorations, quelle initiative, quelle autorité nême attendre de Gouverneurs généraux révocables ad nutum et obligés, pour conserver leurs postes, de regarder beaucoup plus vers Constantinople que du côté de leurs provinces.

Il n'y aurait, à mon avis, qu'un seul moyen de rendre effectives les dispositions de la loi organisant les attributions des Valis; c'est de décider que ces hauls fonctionnaires seront nonimés pour une durée fixe. Le projet de réformes pour les provinces de la Macédoine préparé en 1880 par la Commission europécune de la Roumélie orientale stipulait (art. 5) que les Valis seraient nommés pour une période de 5 années. Il paraît éminemment désirable que cette disposition ou tout autre aboutissant au même résultat puisse être mise en vigueur.

Si la loi des vilayets a déterminé avec assez de largeur et de netteté les attributions exécutives des Valis, il faut reconnaître qu'elle a négligé de leur adjoindre les organes nécessaires à l'exercice de leur pouvoir général de contrôle et de surveillance sur les diverses branches de l'administration. Sans revenir surles causes d'impuissance mentionnées ci-dessus, il est certain que l'importance même de leur charge, la multiplicité de leurs occupations, enfin la grande étendue des provinces où les communications sont lentes et difficiles ne leur permettent pas d'avoir personnellement connaissance des abus qu'ils auraient le devoir et, le plus souvent, le désir de réprimer.

Quelques dispositions des réformes édictées en 1896 pour les vilayels d'Arménie et partiellement étendues ensuite aux provinces de la Roumélie semblent avoir eu pour but de créer ces organes de contrôle. C'est ainsi qu'on a décidé d'adjoindre aux Valis, Mutessarifs et Caimacams, des « mouavins » chrétiens (art. 1 et 2) qui, on pouvait l'espérer, devaient être en position de recueillir les griefs de leurs correligionnaires el d'en assurer le redressement. On créait en même temps (art. 19) des inspecteurs judiciaires musulmans et chrétiens chargés « d'accélerer le jugement des procès et de surveiller l'état des prisons ».

En fait, les fonctions de Mouavins et des inspecteurs judiciaires chrétiens, tous personnages naturellement effacés et obligés de se prêter à tout pour conserver leurs emplois, ont été si bien réduits à l'état de sinécures que leur suppression passerait aujourd'hui inaperçue.

Il paraît cependant indispensablo de doter l'Administration turque de sérieux organes de contrôle dont le rôle consisterait à veiller à l'application des lois et à la répression des abus. Des Inspecteurs ayant le pouvoir de suspendre les fonctionnaires trouvés en faule, nommés pour une durée fixe avec l'assentiment des Puissances et appartenant à une nationalité étrangère seraient seuls

en mesure de remplir ces fonctions avec l'indépendance et l'autorité nécessaires.

Il est à noter que l'Iradé étendant aux provinces de Roumélie les réformes promulguées par les vilayets d'Arménie, dispose que les étrangers pourront être appelés aux fonctions publiques par Iradé impérial. Aucune nouvelle décision de principe ne serait donc nécessaire pour que ces fonctions de contrôle, indispensables à la bonne marche des services publics, puissent être confiés à des étrangers.

Dans le rapport qu'il a adressé à son Ambassade sur la question des réformes en Macédoine et dont il m'a fait connaître la substance, Sir A. Biliotti, Consul général d'Angleterre à Salonique, suggère, pour éviter toutes compétitions, de nommer aux postes d'Inspecteurs des étrangers ne relevant pas des Grandes Puissances: Belges, Danois, etc. Je relève cette proposition comme pouvant, au besoin, fournir un moyen d'écarter certaines difficultés.

La longue carrière de Sir A. Biliotti en Orient et ses sympathies bien connues pour la Turquie sont une garantie de la valeur de ses propositions. Comme il le fait ressortir, les suspicions dont le Gouvernement ottoman est entouré, et la créance que rencontrent en Europe tous les récits vrais ou imaginés, d'abus et de cruautés mis à son passif, l'empêchent de mettre en œuvre, pour venir à bout des tentatives de rébellion de ses sujets, les moyens auxquels un Gouvernement occidental se croirait en droit de recourir vis-à-vis de ses nationaux.

En même temps qu'elle contribuerait à mettre fin à la plupart des ahus dont la disparition importe à la tranquillité du pays (tortures, mauvais traitements des prisonniers, etc,), la seule présence de ces Inspecteurs mettrait le Gouvernement en mesure de faire appliquer les lois avec une fermeté légitime, garanti qu'il serait par des rapports auxquels l'Europe ajouterait foi contre le danger de voir dénaturer les faits par l'esprit de parti.

Ces observations sont particulièrement applicables aux inspections judiciaires, créées par les règlements de 1896 et qu'il y aurait seulement à pourvoir de titulaires étrangers, nommés pour une durée fixe avec l'assentiment officiel ou officieux des Ambassades.

La création d'inspecteurs spéciaux pour la gendarmerie et la police contribuerait au même résultat et son utilité directe serait plus considérable encore. Rien n'importe d'une façon plus immédiate au rétablissement de l'ordre matériel en Macédoine que l'organisation d'une gendarmerie suffisamment nombreuse, bien recrutée et bien payée qui, au lieu de contribuer à la ruine des paysans leur servirait de défense contre les bandes de brigands et contre celles des Comités révolutionnaires. Or, 1° il y aurait, ainsi que le prouve l'exemple de la Crète, tout profit à ce que cette organisation fut entreprise sous la direction des spécialistes étrangers; 2o sans le contrôle vigilant et indépendant que seuls les étrangers peuvent exercer, on ne tarderait vraisemblablement pas à voir renaìtre les anciens abus.

La nomination d'inspecteurs financiers européens paraît être une condition indispensable à la mise en pratique des réformes financières dont l'urgence paraît assez démontrée. Sans parler de la régularité qu'elle assurerait à l'acquittement des dépenses administratives, elle aurait pour effet certain

d'accroître dans une large mesure les rendements des impôts. Il serait trop long d'énumérer ici les irrégularités auxquelles donnent lieu la perception des diverses taxes. Nous nous bornerons à reproduire quelques passages d'un ouvrage récent qui fait justement autorisé sur la matière. (Morawitz, Les Finances de la Turquie).

« Les pratiques suivies par la taxation du verghi (impôt foncier) différent << singulièrement des règles établies; quiconque a des attaches influentes ou « sait, en y mettant le prix, s'assurer la bienveillance des agents du fisc, voit « sa maison de trois étages estimée presque pour rien alors qu'une baraque « est taxée tout à fait hors de proposition.

« Plus étrange encore est le système de recouvrements. Au lieu d'encaisser « le montant de l'impôt à son échéance, le fisc ne donne durant de longues «< années aucun signe de vie et attend le moment où le propriétaire se dispose « à vendre, à louer ou à faire réparer l'immeuble. En face d'une longue liste « d'impôts arriérés, le contribuable préfère transiger. un gros bakchiche

« sert de préliminaire à l'entente cordiale qui s'établit bientôt avec le percep«<teur et dont le fisc seul supportera la charge ».

« Impôt de temettu (taxe sur les bénéfices présumés, sur les traitements et << salaires).

Le fisc laisse parfois passer des années sans réclamer le payement de sa <<< note, puis soudain, il sort de son incurie.

« Les contribuables éprouvent de très grandes difficultés à acquitter des «<arriérés importants; telle fabrique se voit tout à coup privée d'une grande «< partie de ses ouvriers arrêtés pour cause de non payement des arriérés « (pareille aventure est arrivée il y a quelque jours au facteur de la poste << française de Salonique). On pourrait en dire autant de la taxe d'exonération « du service militaire.

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« Taxe sur les moutons, etc. Chaque année, les maires dressent un «< relevé du bétail de leur circonscription. Les chiffres qu'ils y inscrivent << dépendent bien entendu des négociations préalables. Le contrôle est « d'ailleurs facilement évité; à l'arrivée des contrôleurs, les troupeaux sont « envoyés dans les vastes domaines de la Liste civile (exempts, comme on << sait, de toutes taxes). Aussi, cultivateurs, maires, percepteurs gardiens des << domaines peuvent-ils, en toute quiétude, se réjouir des bénéfices de leur « petite combinaison ». Dîmes.

On connaît assez les abus auxquels.donne lieu la perception des dîmes affermées par voie de licitation (Morawitz commet à ce sujet une grave erreur en supposant que les dîmes sont adjugées par les vilayets. La loi sur les dîmes ordonne que les adjudications soient faites séparément pour chaque village au chef-lieu du Caza).

Il n'en est pas moins vrai que les enchères sont souvent rendues illusoires · par l'influence de personnages qui savent écarter toute concurrence au détriment du Trésor. Quand au cultivateur, s'il ne gagne rien à ses rabais, c'est toujours lui qui doit payer les erreurs commises par l'adjudicataire lorsque les enchères ont atteint un chiffre trop élevé. Je connais des cas dans lesquels il a fallu payer 30 p. 0/0 de la récolte; une personne digne de foi (la supérieure d'un couvent catholique) a constaté que le fermier de la dîme mesurait chez

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