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QUATRIÈME PARTIE

CHRONIQUE

FRANCE

Politique étrangère de la France

(MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES)

(Rapport fait par M. Dubieff, député, au nom de la commission
du budget de 1903)

Messieurs,

L'année diplomatique qui vient de s'écouler n'a été marquée par aucune modification de quelque importance dans la situation respective des États. Aucun conflit n'a surgi dons lequel nos intérêts fussent directement ou gravement engagés.

Partout se sont maintenus ou affirmés nos bons rapports avec les différents pays du monde.

Le voyage du Président de la République en Russie au mois de mai dernier a été l'occasion, tant à l'arrivée à Cronstadt qu'à la revue de KrasnoïeSelo et au déjeuner d'adieu à bord du Montcalm, de manifestations expressives de la solidité des liens qui unissent la France et la Russie « pour une politique d'équité et de paix ».

Le retour en France des souverains russes, dans l'intimité de la réception à Compiègne et dans les splendeurs de la revue de Bétheny, ajoute encore à la signification de ces faits.

La conclusion d'un récent traité de commerce, en rapprochant l'Italie de ses véritables intérêts, a marqué la fin d'un trop long malentendu et accentué une politique d'amitié qui s'est traduite en plusieurs circonstances récentes par de significatives manifestations.

L'envoi d'une mission française chargée de représenter la France aux ÉtatsUnis lors de l'inauguration du monument de Rochambeau et la réception faite à nos délégués a fait éclater de nouveau les sentiments qui ont toujours animé réciproquement les deux pays.

La visite du Président de la République au roi Christian de Danemark au retour du voyage en Russie, comme la venue à Paris du ras Makonnen, du premier ministre du Canada, sir Wilfrid Laurier, de la reine régente d'Espagne, du schah de Perse, du roi de Grèce, du roi d'Espagne et du roi de Portugal,

les récentes paroles de M. de Bulow au Reischtag, montrent dans quelle atmosphère d'estime et de sympathie s'exerce notre diplomatie.

Cette même année a vu la fin des hostilités qui ont désolé l'Afrique du Sud et le règlement du conflit sino-européen. Enfin, une convention du 7 octobre avec le Siam est actuellement soumise à la sanction des Chambres,

C'est à peine si les événements du Vénézuéla, déchiré par la révolte du général Matos, et contraint par les rigueurs d'un blocus imposé par l'Allemagne, l'Angleterre et l'Italie à leur suite, si l'insurrection au Maroc de· Bou-Amara, et si les troubles qui se perpétuent dans la péninsule des Balkans et en Arménie, mettent quelques points noirs à l'horizon, d'ailleurs sans menace sérieuse pour la paix du monde.

Un mot de ces différentes questions qui absorbent toute l'actualité.

EN AMÉRIQUE DU SUD

Les affaires du Vénézuéla

Les relations franco-vénézuéliennes ont subi une interruption de près de huit ans. Pendant cette période, l'importance de notre commerce a considérablement diminué; comme conséquence, nos services de navigation ont vu leur frêt baisser proportionnellement. Le principal article d'exportation — le café a pris depuis deux ans le chemin d'Anvers, d'Hambourg et de NewYork au lieu d'aller à Saint-Nazaire, Bordeaux et Le Havre, frappé qu'il est chez nous du tarif maximum.

Toutes les puissances, États-Unis, Angleterre, Allemagne, Italie, Espagne ont eu leurs représentants officiels à Caracas, même pendant la Révolution qui s'accomplit. La France seule n'était plus représentée. Cependant les protocoles pour les réglements des réclamations particulières ont été signés entre les Gouvernements de France et du Vénézuéla, à Paris, le 19 février dernier et ratifiés à Caracas le 17 avril après avoir été approuvés par le Congrès vénézuélien. Un décret du Président de la République française publié dans le journal officiel du 30 avril dernier ordonne la pleine et entière exécution des dits protocoles. Pourquoi avoir tant tardé à leur donner suite par la nomination et l'envoi d'un ministre plénipotentiaire chargé de rouvrir la légatiou française ?

Ce long intervalle de temps pendant lequel notre vice-consul fut seul chargé de suivre les affaires de la légation n'a pu que préjudicier à nos intérêts politiques et économiques.

Enfin, l'honorable M. Wiener dont la mission dans l'Amérique du Sud a fourni une documentation si précieuse pour notre commerce, notre industrie et l'expansion de notre influence, vient d'être chargé de la légation de France à Caracas. Les intérêts français y seront en des mains sûres et expérimentées. Notre ministre a été précédé le 19 décembre par une note à notre chargé d'affaires rappelant que les réclamations françaises antérieures au 23 mai 1899 seront réglées d'après le protocole du 19 février 1902, par un arbitrage. Pour les Français lésés après le 23 mai 1899 et qui n'auront pas formé de demandes d'indemité antérieures, le protocole de 1902 ne modifie pas l'article 5 du traité franco-vénézuélien de 1885, c'est-à-dire que ces Français devront avoir recours

à la juridiction locale vénézuélienne, mais le Gouvernement français réclame pour ses nationaux de cette catégorie le traitement qui serait accordé à d'autres étrangers dans le cas où ce traitement serait plus favorable que le nôtre. Ces réclamations doivent être examinées dans les six mois qui suivront la remise des lettres de créance du Ministre de France à Caracas.

Notre abstention dans les événements actuels qu'explique les récents protocoles signés par la France et le Vénézuéla au moment où l'Allemagne, entraînant à sa suite l'Angleterre et l'Italie, faisait acte d'hostilité contre la République vénézolane, nous crée une situation favorable dont il serait juste que nous puissions profiter.

La France n'a pas jusqu'à ce jour, suivi dans l'Amérique latine, la politique amicale qui aurait pu lui assurer le maintien de l'incontestable suprématie qu'elle y exerçait jusqu'à la guerre du Mexique.

La France n'a pas su ou n'a pas voulu suivre une politique résolument commerciale et n'a pas fait une distinction assez nette entre les intérêts des Français résidant dans l'Amérique méridionale et les intérêts français dans cette immense région de plus de 55 millions d'habitants.

On ne saurait contester que si, parmi nos compatriotes émigrés, se rencontrent trop souvent des personnes peu recommandables, on y trouve par contre un grand nombre d'hommes énergiques et travailleurs; ceux-ci se créent des situations commerciales par leur activité, les autres guettent pour arriver à la fortune, l'occasion de formuler des réclamations contre le Gouvernement du pays où ils résident. Leurs procédés sont parfaitement connus et pourtant ces individus réussissent dans de trop nombreux cas à se faire appuyer officiellement. Cette politique contentieuse a empêché fréquemment les cordiales ententes qui auraient pu s'établir avec les Gouvernements uniquement désireux de rester dans l'orbitre française. Il serait vraiment désirable qu'on pût écarter des attributions de nos agents diplomatiques dans les pays dont nous parlons les litiges plus ou moins irritants ainsi suscités et cela au moyen de traités généraux d'arbitrage.

Sans doute ces pays ne sauraient être disposés en principe à accepter des conventions qui paraîtraient mettre en suspicion la correction de leurs juges nationaux. Peut-être ne serait-il pas impossible cependant de saisir les occasions — et elles se présentent périodiquement — d'obtenir à titre de réciprocité une juridiction d'équité internationale.

Pendant les années 1901-1902, le Gouvernement Urugayen avait été amené à nous offrir un traité de ce genre avec surarbitre ou avec renvoi devant ce tribunal de La Haye que nous avons contribué à constituer et auquel il serait si profondément désirable que fussent déférés tous les litiges qui divisent les nations. Nous n'avons pas répondu à cette invite alors que l'Espagne, pressentie en même temps que nous, signait sans hésiter. On le peut regretter. Peut-être l'avenir de notre politique dans l'Amérique latine repose-t-elle sur cette formule arbitrale qui laisserait les mains libres à notre diplomatie pour s'occuper comme il convient des négociations économiques seules importantes pour le développement normal du commerce français.

AU BRÉSIL

La question vénézuélienne aujourd'hui posée, nous invite à jeter un coup d'œil sur notre situation dans l'Amérique du Sud et plus particulièrement au Brésil.

Que s'est-il passé ?

Vers 1876, un agent d'émigration recrute en France trois cents et quelques personnes et les conduit directement au Para. On concède à ces colons, sous l'Équateur même, des terrains qu'ils déboisent; travaillant sans précautions. au grand soleil, ils sont en majeure partie pris de fièvre, et meurent.

Notre presse s'empare de ce fait et, pour éviter le retour d'incidents semblables, le duc Decazes, Ministre des Affaires étrangères fait signer au maréchal président un décret en vertu duquel l'émigration française pour le Brésil est prohibée. Depuis cette époque, en 1888, le Gouvernement de Rio a aboli l'esclavage; la République a été proclamée en 1889; une nouvelle législation garantit depuis 1890, aux immigrés la liberté de voyager, de résider, de commercer et de posséder sur le territoire fédéral. L'Italie a envoyé depuis dans les Etats du Sud et dans Minas Geraes, plus d'un million de ses sujets. L'Allemagne, l'Autriche, la Suisse, etc., y comptent des colons par milliers.

Jusqu'en 1880 environ, nous occupions commercialement une situation privilégiée dans ce pays; les Brésiliens appartenaient encore, sans contredit, à notre plus fidèle clientèle morale et scientifique.

Aujourd'hui nous avons perdu, pour le moins, les deux tiers de notre situation d'importateurs, et quoique nous soyons restés l'un des principaux acheteurs des produits du pays (café), loin de nous en savoir gré, le Gouvernement brésilien a obtenu d'une certaine insouciance économique française, un dégrèvement sur les cafés introduits en France. Il en résulte que nous ne jouissons d'aucun traitement d'exception au Brésil, et que les prétentions couronnées de succès de cet Etat ont produit une moins-value d'environ 14 millions dans nos recettes fiscales.

Trois ans avant les négociations qui ont amené un aussi regrettable résultat, la « mauvaise humeur » qui se manifestait à notre égard, avec une intensité constamment croissante, nous avait été dénoncée.

On lui attribuait pour cause principale la « loi d'ostracisme très blessante dont la France seule parmi toutes les puissances du monde frappait depuis dix-huit ans le Brésil », et pour conséquence le développement de la marine marchande italienne à laquelle les immigrants actuellement au Brésil avaient payé plus de 100 millions, chiffre qu'on peut hardiment doubler en raison des fréquentes rentrées suivies de nouveaux départs. Ce mouvement migratoire sous pavillon italien a été en outre cause de la demande d'articles italiens notamment de vins et de tissus, sur des marchés où naguère ils étaient inconnus. Ces transactions se font encore aujourd'hui au détriment de la navigation et du commerce français, autant comme débit que comme fret. On doit remarquer que ce décret de 1876 subsiste toujours malgré tous les efforts, malgré le fait certain qu'il nous a déjà.coûté quelques centaines de millions...

En résumé, il ne vit aujourd'hui au Brésil que six mille français à peu près, et leur nombre va sans cesse en décroissant.

Avec nos compatriotes, notre commerce s'est retiré peu à peu. Toutes les grandes maisons françaises, à l'exception de celles de M. Boris frères, au Céara, et Denys Crouan, au Para, ont disparu. Notre navigation même, non alimentée par les commandes de nos compatriotes, est dans un état assez précaire pour que la principale compagnie, celle des Messageries maritimes, envisage l'éventualité de réduire son service sur la côte brésilienne où, d'ailleurs, elle ne dessert que quatre ports, alors que les Allemands, les Anglais, les Italiens même se sont emparés de tout le commerce du nord et du sud du Brésil.

Il y a là une situation sur laquelle nous ne saurions, trop appeler l'attention prévoyante de M. le Ministre des Affaires étrangères.

L'Insurrection marocaine

Une fois de plus, au Maroc, le sultan se trouve en face d'un aventurier; mais l'Europe qui, jusqu'alors, s'était montrée spectatrice assez indifférente aux querelles des prétendants et des tribus, se contentant d'enregistrer l'avénement d'un nouveau prince quand il se produisait, apparaît aujourd'hui inquiète et nerveuse et suit avec le plus vif intérêt les différentes phases de la lutte du sultan Moulaï-abdel-Azis contre le prétendant, Bou-Amara.

On se demande si la question marocaine va s'ouvrir et déjà se devinent des intentions et se font jour des compétitions; car le Maroc est, en même temps qu'une terre fertile, un point stratégique important.

Il faut donc envisager la question du Maroc sous son double aspect : d'une part Tanger qui commande en face de Gibraltar la passe de la Méditerranée; de l'autre le Maghreb fertile et peuplé qui est un débouché naturel pour les industries européennes.

Depuis le percement de l'isthme de Suez, toutes les puissances maritimes doivent pouvoir traverser la Méditerranée, et la France, plus que toute autre nation, a besoin d'un Tanger neutre, puisque c'est par le détroit de Gibraltar seul que peuvent communiquer ses forces navales de l'Atlantique et de la Méditerranée.

Nécessaire à tous et à nous indispensable, il semble que la solution normale du problème soit dans une entente internationale, proclamant la neutralité de Tanger, port franc.

Notre intérêt en cette affaire est solidaire de l'intérêt de l'Europe. Il n'en est pas tout à fait de même dans la question des terres.

En face des intérêts plus ou moins lointains des diverses nations que préoccupe la question marocaine, les droits et l'intérêt de la France s'affirment d'une façon immédiate. Nous sommes les plus près voisins du Maroc. Le Maghreb est dans notre sphère d'influence. La nécessité d'assurer la sécurité de notre frontière algérienne ne nous permet de tolérer l'intervention d'aucune nation européenne et parce que nous sommes une puissance musulmane considérable, c'est à nous qu'appartient l'œuvre de pacification et de civilisation, commencée à Tunis et poursuivie en Algérie.

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