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C'est ce que j'ai dit hier à Mgr. di Belmonte, chargé d'Affaires du SaintSiège, au cours de ma réception diplomatique.

DELCASSÉ.

N° 3.

M. de Navenne, Chargé d'Affaires de France près le Saint-Siège, à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères Rome, le 13 octobre 1899.

Dans l'audience de ce matin, le Secrétaire d'Etat de Sa Sainteté a mis la conversation sur les rapports du clergé et des pouvoirs publics en France. Les paroles de Son Eminence peuvent se résumer ainsi :

« Vous avez pu constater le calme avec lequel nous avons accueilli la nouvelle que la Commission du budget avait voté la suppression de l'Ambassade de France près le Saint-Siège. Nous connaissons trop le sentiment de votre Gouvernement et, en particulier, celui de M. Delcassé, pour prendre ce vote au tragique. Cependant, en certains pays étrangers, les journaux n'ont pas observé semblable réserve.

>> Ils ont constaté la résolution de la Commission du budget, pour en tirer les pronostics les plus pessimistes. Nous suivons de très près, à la Chancellerie, les oscillations de l'opinion publique, les manifestations de la presse européenne. Eh bien, il ne faut qu'un peu de perspicacité pour se convaincre que vous êtes en butte à une sorte de conspiration destinéc à vous amoindrir. C'est dans ce dessein que la presse dont je parle dénonce les congrégations catholiques comme des foyers de conspirations et s'efforce de déterminer un mouvement d'opinion à leur détriment.

» Or, le Pape a-t-il varié un moment dans son attitude vis-à-vis de la France ? N'a-t-il pas, en toutes circonstances, recommandé aux catholiques le respect de la constitution et des institutions en vigueur? Ne vientil pas tout récemment encore de publier une encyclique dans laquelle il invite les évêques et les clercs à donner l'exemple de la prudence dans les jugements et de la modération dans les œuvres ?

» Je sais bien qu'on va répétant, en certains milieux, que les instructions pontificales restent lettres mortes. Pour juger de la vertu de ses recommandations, qu'on se reporte en arrière. Il est facile de mesurer le chemin parcouru depuis les élections de 1889, époque à laquelle une partie du clergé marchait la main dans la main des adversaires déclarés de la République. Aujourd'hui, bien rares sont les évêques qui ne secondent pas les idées du Pape, et s'ils ne sont pas tous écoutés, c'est que plusieurs entre eux pêchent par un caractère parfois trop indulgent, non par mauvaise volonté.

» J'arrive aux ordres religieux et aux congrégations. On les accable d'invectives, comme si, dans leur ensemble, ils demandaient autre chose que de vivre en paix avec l'Etat qui, pourtant, ne leur a jamais témoigné au dedans la moindre sympathic. Ce sont ces mêmes religieux, dominicains, lazaristes, pères blancs, bénédictins, religieux du Saint-Esprit, frères de la doctrine chrétiennc, jésuites même, vos pionniers en Afrique. dans le Levant, en Chine, qui vivent partout en bonne harmonie avec vos diplomates, vos consuls, vos fonctionnaires coloniaux, et qu'on taxe de conspirateurs et contre lesquels on réclame les foudres de l'Etat !

>> Que si, dans le troupeau, il se rencontre quelques brebis indociles, il y

a moyen de les ramener au bercail. Le Pape s'est toujours déclaré tout disposé à user de son influence pour faire rentrer les réfractaires dans le droit chemin. Mais vous n'avez pas été chargé, que je sache, de nous présenter une réclamation à cet égard. Il m'est permis d'en conclure que votre Gouvernement n'en avait aucune à formuler.

» Ces jours derniers, le Saint-Père a, de sa propre initiative, fait appeler un des religieux Assomptionnistes de Paris, qui passe pour être l'inspiraleur du Journal La Croix; il lui a déclaré qu'il réprouvait l'esprit et le ton de cette feuille. Ainsi agira le Pape, et avec toute l'autorité nécessaire, chaque fois qu'on lui fournira la preuve qu'une congrégation a méconnu les devoirs qui lui incombent.

>> Puisque votre Gouvernement a entre les mains un moyen si simple de faire cesser les écarts, qui pourrait l'engager à les laisser se produire en toute liberté, quitte à les réprimer ensuite par des mesures générales frappant les innocents avec les coupables? Or, c'est ce que certains journaux réclament de lui, tous les jours. Si ces mêmes objurgations venaient à se produire à la tribune du Parlement, le Saint-Siège compte que le Gouvernement fera valoir les arguments de nature à rétablir les faits dans leur vérité. Car, par cela même que le Pape a tout fait pour la France et pour la République, il se trouverait placé dans une situation difficile, surtout pour faire respecter vos institutions et soutenir les droits historiques de la France au protectorat catholique dans le monde, le jour où ses avances aboutiraient à des mesures vexatoires contre l'Eglise et le Clergé de France. Cette politique préconisée par certains esprits peu avisés constituerait d'ailleurs la pire des conceptions, car non seulement elle ranimerait à l'intérieur des passions à peu près éteintes, mais elle ferait inconsciemment le jeu des ennemis de la France. »

J'ai reproduit aussi fidèlement que possible les paroles du Cardinal Secrétaire d'Etat. Votre Excellence tiendra sans aucun doute à me mettre en mesure de leur répondre dans un sens conforme aux vues du Gouvernement.

H. de NAVENNE.

N° 4. M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères, à M. de Navenne, Chargé d'Affaires près le Saint-Siège

Paris, le 2 novembre 1899.

Le rapport par lequel vous m'avez rendu compte, à la date du 13 octobre, d'un entretien que vous aviez eu le même jour avec le Cardinal Secrétaire d'Etat, ne pouvait manquer de retenir mon attention. Prenant occasion d'un vote récent de la Commission du budget, le Cardinal Rampolla a mis la conversation sur les rapports du Clergé et des pouvoirs publics en France. Il vous a exprimé la crainte que diverses Puissances, désireuses de mettre à profit certains faits de notre vie politique intérieure pour amoindrir notre influence au dehors, ne s'appliquassent dans ce dessein à ouvrir chez nous, une ère de passions anti-religieuses et à compromettre nos bonnes relations avec le Saint-Siège. Votre interlocuteur vous a parlé à ce sujet de l'attitude que le Pape a invariablement observée à l'égard de la France et dont la haute importance, est-il besoin de le rappeler, a toujours été appréciée ici comme il convenait. Après avoir fait observer que les instructions pontificales n'étaient pas restées sans effet

sur l'esprit du clergé séculier, le Cardinal a voulu se prévaloir, en ce qui concerne les Congrégations, de ce que notre représentant auprès du Saint-Siège n'avait été chargé d'introduire aucune réclamation à leur sujet.

Ce n'est pas sans une certaine surprise que j'ai vu cette remarque se produire. Si, pour des raisons faciles à comprendre, je n'ai jamais cru devoir présenter au Saint-Siège, à Rome et sous la forme diplomatique, des observations sur l'attitude prise dans les affaires intérieures de leur pays, par des religieux français, le Cardinal Rampolla ne peut pas ignorer que je me suis vu trop souvent amené à m'entretenir de ce sujet avec le Nonce apostolique. Ce dernier lui aura certainement redit dans quel sentiment de tristesse et d'indignation je lui ai maintes fois, et dès ma première entrevue avec lui, signalé les excitations inqualifiables propagées par une partie de la presse catholique française et plus particulièrement par les Croix. Au cours de ces entretiens réitérés, j'ai manifesté à Mgr Lorenzelli l'appréhension d'abord, puis la certitude que de pareils excès rendraient inévitables des mesures de défense et de répression. Plus récemment, je lui ai montré, dans certains votes de la Commission du budget, un symptôme bien significatif de la pression exercée sur les pouvoirs publics par la masse du corps électoral qui s'irrite de retrouver encore les mêmes adversaires menant l'assaut contre les institutions républicaines.

Le Cardinal Rampolla ne s'est pas trompé en vous exprimant, au nom du Saint-Siège, sa confiance dans les dispositions du Gouvernement de la République et, notamment, dans les sentiments dont je suis animé. Nous espérons donc fermement qu'un complet accord de vues s'établira entre nous. Je me plais à voir à cet égard un heureux indice dans le fait que Léon XIII, ayant fait appeler un des Supérieurs de la maison des Assomptionnistes de Paris, ne lui a pas caché qu'il réprouvait l'esprit et le ton des feuilles dont ce religieux est l'inspirateur. Dans cette réprobation et dans la volonté du Saint-Père de faire respecter son autorité, nous trouverons nous-mêmes les meilleurs moyens de contenir et d'apaiser le mouvement d'opinion qu'on a si imprudemment soulevé.

DELCASSÉ.

N° 5. M. Nisard, Ambassadeur de la République française près le Saint-Siège, à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères Rome, le 23 novembre 1899.

Je n'ai pas manqué de m'inspirer des vues exprimées dans votre lettre du 2 de ce mois, lorsque j'ai revu le Cardinal Secrétaire d'Etat pour la première fois après mon retour à Rome.

Aussitôt après les compliments de bienvenue échangés, le Cardinal Rampolla m'a dit : « Vous me trouvez bien découragé, et non pas moi seulement, mais le Pape ».

Je répondis que le langage que m'avaient tenu le Président du Conseil et Votre Excellence elle-même, était loin d'autoriser de pareilles conclusions. Si d'indéniables provocations, des attaques qui n'avaient pas épargné la personne du Chef de l'Etat, la lutte obstinément poursuivie contre la République, par certaines fractions du monde catholique ou même religieux, au mépris des objurgations du Saint-Siège, avaient mis le

Gouvernement dans l'obligation de prendre des mesures jugées nécessaires à la défense des institutions républicaines, on ne devait pas se méprendre sur leur véritable caractère, pas plus que sur la pensée qui les avait dictées au Cabinet. Il n'entrait à aucun degré dans les intentions du Gouvernement de s'écarter, vis-à-vis du Saint-Siège, de la politique traditionnelle de la France, et Votre Excellence, notamment, m'avait autorisé à déclarer au Cardinal qu'il n'entendait rien changer aux assurances que j'avais été chargé naguère de donner au Saint-Père et à son Premier Ministre touchant le prix qu'à Paris comme à Rome, on attachait au maintien de l'entente entre la France et le Saint-Siège.

L'attitude, d'ailleurs, du Ministre des Affaires étrangères comme du Président du Conseil devant la Commission du budget, à propos des questions intéressant nos relations avec le Saint-Siège, ne pouvait laisser de doutes à cet égard.

Le Cardinal me dit qu'il appréciait toute la valeur des assurances ainsi destinées au Saint-Siège et au Souverain Pontife, mais le Pape ne pouvait oublier qu'il était le Chef de l'Eglise, de la catholicité. Comment resteraitil indifférent à des projets ou à des actes qui, dans sa pensée, doivent avoir pour conséquence de mettre plus ou moins directement en cause une partie si considérable des intérêts dont il a la garde ? Ce serait de sa part s'exposer à affaiblir, sinon à ruiner même, aux yeux des catholiques, cette autorité, que tant de fois on s'est félicité à Paris de voir s'exercer dans un sens conforme aux vœux du Gouvernement de la République. Une telle situation paraît d'autant plus pénible, qu'elle contraste avec la façon dont les autres Puissances en agissent avec le Saint-Siège. Pour répondre aux exigences d'un moment de crise, pour écarter le péril du jour, on propose des lois permanentes, on refuse aux catholiques la seule chose que le Saint-Siège réclame pour eux : la liberté.

NISARD.

N° 6. — M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères, à M. Nisard, Ambassadeur de la République française près le Saint-Siège

Paris, le 26 janvier 1900.

L'Archevêque de Paris, au lendemain du jugement qui a dissous la Congrégation des Assomptionnistes, s'est rendu à leur couvent et leur a prodigué les encouragements. La démarche du Cardinal Richard a dû émouvoir très légitimement le Gouvernement de la République. En admettant même qu'elle ne comporte aucune sanction en droit strict, ce que j'ignore, ne connaissant encore les faits que par les journaux, elle n'en constituerait pas moins une manifestation injustifiable d'opposition à l'égard des pouvoirs publics, et tous ceux qui ont le souci des bonnes relations entre l'Etat et l'Eglise catholique seront d'accord pour condamner une telle imprudence. Ils se montreraient surtout sévères pour les encouragements apportés solennellement aux rédacteurs de la Croix, dont les excès et les efforts pour diviser la France ont été blàmés par la plus haute autorité catholique.

Je vous prie de vous rendre chez le Cardinal Rampolla. Vous lui exposerez l'impression pénible produite sur nous par une manifestation que des esprits passionnés devaient nécessairement interpréter comme un appel à la révolte. Nous voyons déjà, en effet, que quatre de nos évêques

ont entendu marquer qu'ils s'associaient à ces protestations, et l'on ne peut prévoir toutes les conséquences d'un exemple aussi dangereux.

Il est à craindre que si ces provocations devenaient trop nombreuses, notre Parlement ne soit entraîné à réagir et que la pacification ne soit sérieusement compromise, contre notre commun désir.

Il ne saurait entrer dans la pensée du Gouvernement de la République de demander au Saint-Siège d'intervenir entre notre épiscopat national et lui, mais il est probable que le simple exposé de la situation amènera le Pape à rechercher le moyen d'y apporter remède. Une condamnation prononcée spontanément contre les auteurs d'une telle agitation, ou simplement une approbation exprimée d'aussi haut à l'égard de ceux qui se tiennent à l'écart de ces luttes suffirait probablement pour empêcher de se développer un mouvement encore hésitant. Et il semble que ce soit bien le rôle de la Papauté tel que l'interprète la haute sagesse de Léon XIII, d'arrêter dès l'origine, en rappelant le respect dû à la loi, des conflits où des passions purement politiques se couvrent de prétextes religieux.

Je me propose de présenter demain au Nonce, ces réflexions, et de l'entretenir de mes préoccupations. Je crois cependant nécessaire que le Cardinal Rampolla en soit directement saisi par vous. Il y trouvera notamment l'occasion de s'éclairer, s'il le désire, sur les difficultés qu'il entrevoit, sans doute, mais que votre expérience vous permettra de faire ressortir avec plus de netteté. Vous voudrez bien me rendre compte, le plus tôt possible, du résultat de vos démarches.

DELCASSÉ.

N° 7. M. Nisard, Ambassadeur de la République française près le Saint-Siège, à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères Rome, le 30 janvier 1900.

Ce matin, le Cardinal Rampolla m'a dit qu'il avait saisi immédiatement le Saint-Père de la communication que je lui avais faite aussitôt la réception de votre lettre du 26 de ce mois, et que le Pape avait fait envoyer des instructions au Nonce, en vue de maintenir le calme et d'éviter que l'agitation politique se propage parmi l'épiscopat français. Le Cardinal, en terminant, a marqué la confiance que le Gouvernement de la République, de son côté, s'attacherait à éviter tout ce qui pourrait aller à l'encontre du résultat que, de part et d'autre, l'on est également désireux d'atteindre.

NISARD.

N° 8. M. Nisard, Ambassadeur de la République française près le Saint-Siège à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères Rome, le 8 février 1900.

J'ai signalé au Secrétaire d'Etat la satisfaction avec laquelle le Gouvernement de la République avait constaté l'efficacité des efforts du SaintSiège pour arrêter le développement des incidents provoqués par la démarche du Cardinal Richard.

Le Cardinal Rampolla m'a renouvelé l'assurance que rien n'était plus

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