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D'autre part l'étude de ses travaux, depuis son premier mémoire sur les champignons, permet de suivre, à travers les modifications successives de ses idées, un affinement progressif de son esprit, sous l'influence de ses propres découvertes, de celles des autres, de la lecture, de la discussion, de la méditation. Et de cette étude ressort la conviction que d'ici à peu d'années son nom déjà si grand allait briller d'un éclat incomparable.

Ici, Messieurs, je ne puis m'empêcher de le dire, les disciples de Carnoy ne se défendent pas d'un sentiment de regret mêlé d'amertume en songeant à ces huit années dont sa carrière scientifique a été raccourcie. Car, si remplie qu'elle soit, la vie de Carnoy est une carrière tronquée.

Proclamons-le donc, Messieurs; Carnoy a bien mérité de la science. Il l'a fait progresser. Il lui a tout sacrifié. Pour Elle il a peiné; pour Elle il a lutté; pour Elle il a souffert!

Il a fait plus il l'a fait aimer. Car il fut un maitre, et aussi grand maître que grand savant.

Le maître, en science, est celui qui forme en enseignant. Son action est personnelle, éducatrice, et d'un caractère moral autant que scientifique.

En travaillant avec ses élèves, le maître leur apprend ce que la Science mérite qu'on fasse pour Elle, et en s'y dévouant tout entier il enseigne qu'il faut l'aimer par dessus tout.

La tâche du simple professeur se réduit à énoncer devant un auditoire ce que les savants savent.

Mais le maître crée des savants, des enthousiastes de la science; il les entraîne, il les séduit en leur entr'ouvrant un coin de ce domaine mystérieux de l'inconnu qui les fascine, comme autrefois la hallucination paradisiaque du vieux de la montagne.

Dans une salle voisine de celle-ci s'alignent les bustes des hommes célèbres que l'Alma Mater a produits. On y voit Mercator, Vésale, Juste-Lipse, Réga, Mireus et bien d'autres. Parmi eux il y a de grands savants et de grands maîtres, dont les travaux sont immortels et qui font la gloire de cette antique Université.

Mais il en est un parmi les plus grands qui fut à la fois un savant et un maître. C'est André Vésale, le chirurgien de Charles Quint, le père de l'anatomie.

Le premier il osa douter de l'infaillibilité de Galien, grand homme, pour son temps, dont la mort fut suivie pour la Médecine de mille années de barbarie.

C'est Vésale qui, bravant des préjugés antiques, porta hardiment le scalpel sur des cadavres humains. C'est lui qui a élevé l'art de la Médecine au rang d'une Science. Partout où il passa il s'entoura d'élèves, il fut un grand maître. Et comme tous les hardis pionniers de la vérité il suscita les passions et subit les accusations des sectes timorées, à l'esprit étroit, ces involontaires mais éternels et terribles ennemis de l'Église. L'Université de Salamanque eût à juger si c'est un crime de disséquer les morts. Grâce à Dieu elle répondit négativement, et Vésale fut sauvé. Mais d'autres maux l'attendaient; car un grand

homme n'échappe guère à l'envie, à la crainte, à l'aversion qu'inspire le génie aux natures vulgaires.

C'est près de Vésale que Carnoy doit avoir sa place.

Depuis le père de l'Anatomie, jusqu'au père de la Cytologie, l'Université n'a pas produit de maître plus grand, de savant dont l'influence sur la science de son temps et sur l'enseignement fut plus profonde ou plus étendue. Et, comme Vésale, Carnoy a du lutter pour faire mieux que les autres et, il a souffert pour l'avoir tenté. Mais peu d'hommes l'ont compris et beaucoup l'ont ignoré, car il n'a point cherché à paraître aux yeux du monde.

Son influence sur l'Université et cette influence s'étendit bien au dehors s'exerça d'abord par l'exemple qu'il donna d'un dévouement sans borne à la cause de l'enseignement scientifique.

En arrivant à Louvain comme professeur il trouva bien peu de progrès réalisés depuis le temps où il y faisait ses études. La chimie seule y avait des laboratoires. C'est par l'exemple qu'il se met à prêcher la réforme en biologie. Il commence par y introduire une méthode nouvelle car il ouvre sa première leçon sur le cours nouveau qu'il fonde, par ces paroles aujourd'hui classiques : « En sciences naturelles on ne sait que ce qu'on a vu et manipulé cent fois. >> Et il jure de ne jamais donner une leçon en dehors d'un laboratoire.

Mais il n'y avait pas de laboratoire, et aucun crédit ne lui fut attribué pour en fonder un. Il en crée un à ses frais et y dépense tout son avoir.

Son cours, facultatif au début, obtient rapidement un tel succès que, son opportunité étant démontrée, le recteur le rend obligatoire pour tous les élèves en sciences et ajoute au programme des examens la microscopie, que la loi ne mentionnait pas.

Alors, dans ce laboratoire et dans sa demeure particulière, il s'entoure d'élèves volontaires et travaille avec eux, leur faisant la part la plus généreuse de son temps et de sa science; et c'est ainsi que se prépare la Biologie cellulaire. Nous avons vu que la préface de ce livre est un programme où ses idées en fait de méthode d'enseignement sont énoncées avec hardiesse et lucidité.

Puis il fonde La Cellule, revue qui est aujourd'hui l'égale des plus anciennes revues de biologie. Entreprise hardie qui lui coûta bien des peines, bien des soucis et beaucoup d'argent pendant ses quinzes dernières années.

Bientôt le laboratoire primitif du collège du Pape devient trop réduit pour y loger tous les travailleurs qui se pressent autour de lui. Il conçoit alors un projet plus vaste celui d'une sorte de phalanstère où plusieurs maîtres uniraient leurs efforts personnels et ceux de leurs élèves pour l'étude de la Biologie cellulaire. Chacun d'eux cultivant et enseignant à l'Université une branche spéciale, se trouverait à même d'éclairer ses collègues sur les problèmes cytologiques rentrant dans sa spécialité. Sage pensée, géniale combinaison, que l'introduction du système de l'association dans la recherche scientifique car,

même en science, rien ne réussit plus que par l'association, en ces temps où la spécialisation des esprits est la conséquence inévitable de l'extension et de la différentiation de l'objet de la connaissance.

Dans cette entreprise fort difficile il fut aidé par notre cher collègue M. Verriest qui fut toujours son allié dans les temps difficiles. Ils unirent leurs efforts et bientôt, grâce à de généreux donateurs, ils purent acheter le collège de l'abbaye de Villers, l'un des plus beaux édifices de l'ancienne Université. Mais pendant bien des années l'aménagement et l'entretien de l'Institut biologique fut pour Carnoy une lourde charge financière.

Pendant les premiers temps Carnoy et Verriest réunirent dans cet institut les intérêts de la biologie et ceux de la médecine. La bactériologie médicale y reçut une place. Mais, sans tarder, on vit cette branche nouvelle prendre une grande extension et la création d'un institut spécial devint nécessaire. Elle fut décidée par NN. SS. les Évêques, à la suite d'un mémoire présenté par Carnoy lui-même à Mgr Abbeloos qui en confia l'organisation à M. Denys.

Et aujourd'hui l'Institut du collège de Villers consacré exclusivement à la cytologie marche vers le complet achèvement encore lointain toutefois du rêve de Carnoy dans toute son ampleur.

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C'est vers la même époque que le Parlement belge entame la revision de la loi sur l'enseignement supérieur. Carnoy ne pouvait y rester indifférent. Il publia, à l'intention des membres du Parlement une

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