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A l'imitation du poëte, comme invocation favorable pour l'année qui s'ouvre, je veux rendre les premiers honneurs à la muse qui a daigné nous visiter: Vous vous rappelez tous la séance du 28 novembre 1858 dans laquelle M. Miot nous a fait goûter quelques strophes où la pensée religieuse s'unissait au rhythme le plus pur; bonheur trop rare par le temps qui court pour que je n'exprime pas au nom de tous le désir de le voir se renouveler. Je ne veux cependant point trop demander. Le génie poétique ne se commande pas : C'est en vain qu'au Parnasse, etc... Les temps d'ailleurs sont peu propices. Chose triste à dire; en dix ans, nous avons vu, hélas! toutes les étoiles du ciel poétique pâlir et disparaître : Casimir Delavigne, Châteaubriand, Béranger, Alfred de Musset, Desbordes Valmore ne sont plus; Lamartine s'épuise dans une plainte ridicule et monotone où l'on ne reconnait plus le chantre des méditations; Victor Hugo n'exhale plus que le blasphème, sur une île de l'Océan en face de la grève qui vient de se refermer sur les restes de Briseux. Il y a là un grand malheur, et sans doute un grand châtiment. La lyre, indignement traînée dans la boue, a fini par se taire. Attelée sans merci au char hurlant des factions, elle s'est brisée sous la roue: le feu sacré est remonté au ciel.

Le rationalisme sans conteste a eu le pas dans nos séances; nous lui en avons consacré six sur quinze. C'est beaucoup : aucuns disent que c'est trop. Sans le nier, je plaiderai toutefois les circonstances atténuantes. Je répondrai qu'il s'agit de l'ennemi par

excellence, d'une doctrine d'autant plus dangereuse qu'elle s'adresse aux passions comme à l'esprit, qui a tout envahi dans l'ordre intellectuel, tout piqué de son dard empoisonné, les croyances religieuses comme la politique, la philosophie comme l'économie sociale, les sciences comme les lettres. Protestation suprême de la raison égarée contre la vérité et l'autorité, le rationalisme est tout à la fois un faux principe et une fausse méthode. Donozo Cortès l'a très-bien défini « une erreur actuelle et toutes les erreurs en puissance. »

Les travaux dans l'espèce ont su d'ailleurs éviter l'écueil de la monotonie. Le sujet a été envisagé à divers points de vue. M. Josson dans les séances du 19 décembre 1858 et 3 juillet 1859 vous a entretenus des rapports de la raison et de la foi. Il expose et prend à partie cette erreur monstrueuse qui ne fait relever la raison que d'elle-même, qui prétend expliquer par une spontanéité personnelle et indépendante le développement de nos facultés et l'acquisition de nos connaissances. Le secret suprême de l'école se trouve dans la négation à priori du surnaturel. C'est son axiome favori, pour elle toute la science repose sur cette hypothèse la plus gratuite s'il en fut jamais. C'est sous l'empire de cette idée qu'elle nie le christianisme, l'altère ou le sacrifie à des systèmes préconçus. Mais en brisant les rapports qui unissent la raison et la foi, le rationalisme vient se heurter contre les principes les plus évidents, contre les faits les plus avérés. Il suffit de réfléchir à

l'obscurité qui nous dérobe le fond de nos connaissances même les plus claires, au mode par lequel nous parvenons principalement à la possession de la vérité, à la faiblesse de notre entendement, à notre propension naturelle à croire pour se convaincre de la convenance, de la nécessité de la foi...

M. Josson s'étend sur ces divers points. Il aborde finalement la question si délicate de la priorité entre la raison et la foi, et la résume en ces termes :

<< 1o La connaissance première ou intuitive est lo>> giquement antérieure à la foi naturelle. Elle lui est >> contemporaine dans l'ordre chronologique.

>> 2o La science proprement dite ou réfléchie est » postérieure à la foi naturelle qui en est le fonde>> ment et la condition indispensable.

» 3o La raison ne se développe que sous l'influence » de l'enseignement social et sous ce rapport elle est » postérieure à la foi positive.

» 4o La raison, quand elle est suffisamment déve>> loppée, peut sans le secours de la révélation surna>>turelle prouver avec certitude plusieurs vérités de >> l'ordre naturel. En ce sens la raison est antérieure à >> la foi positive.

>> 5o La raison mise en possession des vérités sur»> naturelles peut par ses propres lumières les éclai>> rer, les confirmer, les expliquer jusqu'à un certain >> point: fides quærens intellectum. En ce sens la rai» son est postérieure à la foi positive. »

Il n'y a donc aucune opposition entre la raison et la foi. Les contradictions que l'on signale ne sont qu'ap

parentes. Elles constatent la faiblesse de notre intelligence et sont la preuve irrécusable de cette déchéance primitive qui nous a valu le don divin de la révélation chrétienne.

M. Englebin, dans les séances du 30 janvier et 27 mars 1859, a attaqué le rationalisme sur un autre terrain. Sa thèse en partie philosophique est surtout historique. Il a voulu rechercher quelle a été l'influence des idées rationalistes sur le pouvoir, sa constitution, sa stabilité dans les sociétés anciennes et modernes. L'idée-mère qui a servi de fil conducteur à son travail est celle-ci : une autorité quelconque supérieure à l'homme, et nommément l'autorité divine incarnée dans le catholicisme, est nécessaire aux souverains temporels en tant que souverains. Sans une telle autorité les pouvoirs humains doivent infailliblement dégénérer en despotisme, ce qui est l'absence et la ruine du pouvoir; ou périr dans l'anarchie, qui n'est elle-même que le pire des despotismes.

Guidé par cette idée qui est sa thèse, l'auteur, après avoir défini le rationalisme dans sa signification large et étymologique : un abus de la raison, prouve dans les pages qui servent d'introduction que toutes les erreurs contemporaines se résument dans cette erreur capitale depuis l'abject matérialisme qui en est l'échelon le plus bas jusqu'au panthéisme qui en est le plus élevé.

Serrant de plus près son sujet, M. Englebin nous montre comment le rationalisme conduit à la destruction du pouvoir en pervertissant toutes les notions

qui sont la base de l'organisme social en poussant les esprits dans la voie d'une exaltation et d'un égarement fatals. Il y conduit plus directement encore : l'essence du pouvoir est l'unité et la supériorité, caractères incompatibles avec l'autonomie et la souveraineté de chaque raison individuelle. La conciliation essayée par Hobbes et Rousseau ne saurait dégager la doctrine de cette impasse. Leurs hypothèses de tous points absurdes sont démenties par l'histoire, par la saine raison et dénuées de toute sanction efficace. N'est-ce pas d'ailleurs une étrange dérision que cette liberté accordée à l'homme par l'auteur du contrat social dont le premier et inévitable acte est de s'abdiquer fatalement pour toujours?

M. Englebin poursuit; il invoque l'histoire à l'appui de sa thèse et trace d'abord un tableau d'où ressort la faiblesse de la raison humaine dans toutes ses œuvres et spécialement dans son application aux systèmes politiques. Il continue par une étude sur les sociétés orientale, grecque et romaine. La première ne s'éleva jamais au-dessus du régime des castes; les deux autres tombèrent jusques à l'esclavage. Et ces deux plaies du monde païen, qui ne lui laissèrent de sain que la moindre partie de lui-même, sont les efflorescences naturelles d'une civilisation imprégnée de rationalisme. M. Englebin termine par quelques mots sur le moyen-âge. Il ajourne à l'année prochaine ses considérations sur les temps modernes. Malheureusement vous n'en jouirez pas. M. Englebin vient de quitter l'Université appelé par son

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