Слике страница
PDF
ePub

2. La seconde intervention commune en Crète, après la prise en possession de l'île par la Grèce; par cette intervention, l'annexion de la Crète à la Grèce fut empêchée.

3. La limitation de la guerre à une guerre gréco-turque; les puissances réussirent à garder la paix entre elles et à exercer leur influence commune sur les autres États balkaniques, afin de les empêcher de prendre part au différend gréco-turc.

4. L'action commune des grandes puissances par laquelle elles mirent fin à la guerre gréco-turque, et par suite de laquelle la Turquie fut forcée de conclure un traité ne touchant pas considérablement au statu quo territorial.

5. L'institution d'un contrôle international pour le règlement et la surveillance d'une partie des finances grecques.

On comprend facilement qu'à leur point de vue ceux qui sont à la tête de la politique des grandes puissances soient fiers des résultats de leur accord, surtout que, grâce à cet accord, la paix européenne n'a pas été troublée d'une manière générale.

A chaque instant nous lisons dans les documents officiels qui ont été publiés des félicitations réciproques entre les représentants des cabinets européens (1).

Dans un entretien qu'il eut avec l'ambassadeur de France à Vienne, le comte Golochowski a fait ressortir l'action des grandes puissances. Les critiques que provoquent dans la presse, disait-il à M. Lozé, les résultats de l'intervention de l'Europe en Orient, sont imméritées, et l'histoire, qui ne juge que d'après les grandes lignes, rendra meilleure justice aux efforts qui ont été faits dans cette circonstance. Si l'on jette un coup d'œil en arrière et si l'on considère quelle était la situation, il y a un an ou dix-huit mois, on doit reconnaître que la suspicion régnait partout. Partout le doute, les préoccupations; partout l'incertitude sur l'avenir de l'Europe. La réunion ou la fédération des puissances a montré combien tous les États étaient désireux de paix. On ne veut pas qu'une guerre européenne jaillisse des conflits qui peuvent s'élever en Orient. La guerre vient d'éclater entre la Turquie et la Grèce; mais ce n'est qu'un incident si, comme on est en droit de le croire, elle reste localisée. N'est-on pas arrivé à ce résultat qui assure la tranquillité du monde

66

(1) Voir Livre Jaune, Affaires de Crète ", juin 1894-janvier 1897 et févriermai 1897, passim. - Cpr. BÉRARD, Affaires de Crète, dans la Revue de Paris, 1897, p. 316.

entier en lui donnant une confiance qu'il n'avait pas? Et n'est-ce pas là un fait considérable? (1) ►

Le cabinet de Saint-Pétersbourg, de son côté, dans son communiqué officiel du 4 avril 1897 (2), appelle l'accord des grandes puissances « le plus sûr garant du triomphe final des principes d'ordre, de droit et d'équité, et le meilleur gage du maintien de la paix générale... »

Des idées pareilles ont été exprimées par le ministre des affaires étrangères d'Italie et par le ministre des affaires étrangères de France (3); M. Hanotaux appela le concert européen, devant la Chambre française, « le seul tribunal et la seule autorité devant lesquels tout le monde peut et doit s'incliner (4)!

Nous sommes bien loin de vouloir méconnaître les services rendus à la communauté internationale par la coalition des grandes puissances dans le règlement de la question crétoise, bien que, au point de vue juridique, leur politique n'ait pas été en tous points conforme au droit des gens. D'autre part, nous ne nous proposons pas d'examiner cette politique, soit au point de vue utilitaire, soit au point de vue juridique. Seule la situation des grandes puissances nous intéresse et, sous ce rapport, on conviendra que les phrases des hommes politiques de l'Europe, rapportées plus haut, prennent une importance toute particulière.

Nous nous souvenons, dans ce même ordre d'idées, des mots d'un diplomate distingué qui, à propos de l'attitude de la Grèce à la fin de la guerre gréco-turque, disait que « la Grèce devrait être traitée en mineure et qu'il faudrait lui imposer, dans son propre intérêt, sans trop l'admettre à les discuter, les remèdes que son état réclamait » (5).

Il y a des manifestations plus marquantes encore; telles les paroles du ministre des affaires étrangères d'Allemagne, exprimant, à propos de l'intervention de la Grèce en Crète, son indignation de ce que la Grèce aurait défié les ordres des grandes puissances (6) »; telle la déclaration connue de l'Allemagne, du 26 février 1897, après le refus de la Grèce d'adhérer aux résolutions de l'Europe, d'après laquelle le

[ocr errors]

(1) Livre Jaune, « Affaires de Crète, » février-mai 1897, p. 294, no 554. (2) Voir l'extrait du Journal de Saint-Pétersbourg, du 4 avril 1897, dans le Livre Vert italien. Documenti Diplomatici; Creta e Conflitto Turco-Ellenico, p. 213. (3) Voir Livre Vert, p. 49, no 119; p. 118, no 249 et pussim.

(4) Livre Jaune, février-mai 1897, p. 181.

(5) Voir Livre Jaune, loc. cit., p. 342, no 645.

(") Blue Book, Turkey (11), 1897, p. 54.

[ocr errors]

gouvernement impérial jugeait au-dessous de sa dignité de faire d'autres démarches à Athènes (1). D

En tout cela apparaît la conception de quelques-uns des hommes politiques qui sont à la tête des affaires des grandes puissances, selon laquelle il existerait en droit international une autorité supérieure, celle des six grandes puissances réunies, qui aurait le droit d'imposer sa volonté aux autres États, d'intervenir dans leurs affaires, de déclarer en état d'interdiction et de mettre sous tutelle les petits États ou même de leur donner des ordres et d'exiger qu'ils y conforment leur conduite. Une pareille théorie intéresse évidemment au plus haut point le droit international. Elle établit une distinction juridique entre les grandes puissances et les autres États; elle crée l'inégalité juridique entre les États. Que doit décider le droit international en présence de cette distinction?

Le droit international reconnaît aujourd'hui l'égalité juridique entre les États.

Cette égalité est tantôt formulée en principe fondamental du droit des gens (2), tantôt en droit absolu des États, placé au même niveau que leur droit d'existence physique (3). Certains auteurs conçoivent l'égalité comme un état de choses, comme une qualité fondamentale des États (4).

Il est hors de propos de discuter laquelle de ces différentes théories est la plus juste. Le fait que l'égalité des États est presque unanimement reconnue par la science du droit des gens nous suffit (5).

(1) Livre Jaune, loc. cit., p. 68, no 131.

(3) HEFFTER, Das europäische Völkerrecht, no 27. CALVO, Le droit international théorique et pratique, § 296. BLUNTSCHLI, Das moderne Völkerrecht, art. 84. HOLTZENDORFF, NEUMANN, Grundriss des heutigen europäischen Völkerrechts, § 8. Handbuch des Völkerrechts, t. II, § 3. RESCH, Das europäische Völkerrecht, p. 45. CHRETIEN, Principes du droit international public, p. 162.

[ocr errors]

p. 378.

(3) AHRENS, Juristische Encyclopädie, t. Ier, p. 440. DUDLEY FIELD, Outlines of an International Code, art. 16 BULMERINCQ, dans Marquardsen's Handbuch, § 24. CARNAZZA-AMARI (traduction MONTANARI-REVEST), t. Ier, FERGUSON, Manual of International Law, t. I, p. 91, § 29. PHILLIMORE, Commentaries, t. Ier, p. 213 ss. FIORE, Trattato di diritto intern. publ., t. Ier, KLUEBER, Le droit des gens, § 89. PIEDELIÈVRE, Précis, t. Ier, p. 244. DESPAGNET, Cours de

[ocr errors]

droit international, p. 157

[ocr errors]

p. 323.

() G.-F. DE MARTENS, Précis du droit des gens, t. IV, 2, § 125. HARTMANN, Institutionen des prakt. Völkerrechts, § 14. WHEATON-LAWRENCE, Commentaires,

t. Ier, p. 225

[ocr errors]

(*) MARTENS-BERG BOHM, Völkerrecht, t. Ier, § 70, p. 288. Traité, t. II, p. 5 ss. RIVIER, Principes du droit des gens, t. Ier,

[blocks in formation]

En effet, l'égalité juridique entre les États est un élément indispensable du droit international, tel au moins qu'on le comprend aujourd'hui. Selon ce droit, les personnes de la société internationale, les États, sont souveraines et indépendantes (1). Pour qu'une puissance entre dans cette société, il faut qu'elle soit souveraine et indépendante; d'autre part, la souveraineté et l'indépendance des États se trouvent sous la protection du droit des gens. La souveraineté et l'indépendance au point de vue du droit des gens étant des notions essentiellement négatives (2), elles ne sont susceptibles ni d'une gradation ni d'une restriction autre que celle que les puissances elles-mêmes se seraient imposée. Or, on sait que jamais les petits États n'ont reconnu ni toléré une restriction de leur indépendance ou de leur souveraineté vis-à-vis des grandes puissances comme telles, et que jamais ils ne leur ont accordé un droit d'intervention.

Des qualités des États comme souverains et indépendants résulte nécessairement leur égalité juridique. Cette égalité a été nettement précisée par M. Sumner dans la séance du 23 mars 1871 du Sénat des ÉtatsUnis d'Amérique L'égalité des peuples est un principe de droit international au même titre que l'égalité des citoyens est un axiome de notre Déclaration d'indépendance. On ne doit pas faire à un peuple petit et faible ce qu'on ne ferait pas à un peuple grand et puissant, ou ce que nous ne souffririons pas si cela était fait contre nous-mêmes. » Par une curieuse coïncidence, deux jours auparavant, le message de l'empereur adressé à l'occasion de l'ouverture du premier Reichstag allemand, affirmait que le respect que l'Allemagne demande pour sa propre indépendance, elle l'accordait avec empressement à tous les États, aux faibles non moins qu'aux puissants (3).

[ocr errors]

TON, Commentaries, p. 135. - Twiss, Le droit des gens, t. Ier, no 12, p. 11. HEIL. BORN, System des Völkerrechts, p. 306. ULLMANN, Völkerrecht, § 27.

cit.

[ocr errors]

(1) Voir BULMERINCQ, loc. cit., p. 195 et 203.

RIVIER, loc.

- ZORN, Staatsrecht, t. Ier,

MARTENS, loc. cit.
Cpr. BLUNTSCHLI, Allgem. Staatslehre, p. 561 ss.
p. 16 et suiv. GERBER, Grundzüge des deutschen Staatsrechts, p. 19.
Zeitschrift für die gesammte Staatswissenschaft, t. XXVIII, p. 190.

[blocks in formation]

Treitschke écrit dans sa Politique : La souveraineté au point de vue juridique, l'indépendance complète de l'État de toute autre autorité de la terre, est tellement un élément de la notion de l'État qu'on pourrait dire que c'est le critérium de la notion de l'État.

(2) Elles signifient que tout État peut exiger qu'aucun autre État ne soit autorisé à s'immiscer dans ses affaires intérieures, sa constitution, son action législative, son administration ou dans le règlement de ses relations avec les autres États.

(3) GAREIS, Institutionen des Völkerrechts, p. 81.

Cependant, les écrivains ne sont pas unanimes au sujet de la parfaite égalité des États. Il en est qui ont formulé des réserves plus ou moins précises.

Ainsi, Lorimer nie que les États aient tous les mêmes droits. « La théorie de l'égalité, dit-il, la seule qui n'a jamais été susceptible d'être réalisée, n'en a pas moins été prônée par tous les écrivains. Or, l'égalité des États est une fiction tout aussi évidente que l'égalité des individus. ›

On connaît la théorie de Lorimer sur la valeur relative des États; selon lui, pour l'estimation de cette valeur, il faut tenir compte de quatre facteurs l'étendue, le contenu, la forme de l'État et la forme du gouver

nement.

Funck-Brentano et Sorel s'expriment d'une manière analogue (2). « L'égalité civile et politique, disent-ils, entre les sujets d'un même État peut devenir une réalité, parce que les lois de l'État peuvent être conçues de manière à établir l'égalité et en garantir l'exercice; mais entre les États il n'y a point de lois communes; l'égalité n'a d'autre fondement et d'autre garantie que les mœurs de la nation; la différence du caractère national, de la culture intellectuelle, du développement moral, des traditions politiques, de la force de production, enfin de la situation géographique, détruit toute égalité réelle entre les États. Si malgré tant de causes de diversité, tant de principes de contradiction, tant de motifs de désordre, des règles générales de conduite ont été posées et considérées comme également applicables à tous les États, ces règles ne prennent une valeur positive qu'autant qu'elles tiennent compte des conditions dans lesquelles les États sont placés les uns par rapport aux autres. Cependant Funck-Brentano et Sorel reconnaissent que les États sont égaux en théorie et autant que l'on considère le principe de leur souveraineté, sans tenir compte des conditions dans lesquelles s'exerce cette souveraineté ».

On le voit, Funck-Brentano et Sorel se tournent contre ceux qui établissent une analogie entre l'égalité juridique des États et celle des citoyens. Mais de quelle manière parviennent-ils à conclure à l'inégalité des États? En niant simplement l'existence d'un droit international. D'après eux, « il n'existe pas entre les nations des lois communes ». Tellement l'existence même d'un droit international est connexe à l'égalité entre les États! Et, comme reculant devant leurs propres conclu(1) Voir LORIMER, traduction NYs, Principes de droit international, p. 104. (2) Précis du droit des gens, p. 47.

« ПретходнаНастави »