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DU MANQUE DE PAROLE DES PRISONNIERS DE GUERRE

PAR

M. Henri HARBURGER,

Conseiller à la Cour d'appel de Munich,

professeur honoraire à l'université, membre de l'Institut de Droit international (1).

les

La guerre sino-japonaise (1894-95) a montré à l'Occident que efforts du Japon, en vue de s'assimiler les conquêtes de la civilisation, n'ont pas été sans résultat. Leur puissance sur terre et sur mer a prouvé que les Japonais sont parfaitement à même de se servir des armes modernes et d'appliquer les règles de l'art militaire de notre époque. Le gouvernement japonais avait également l'intention d'observer les principes du droit international européen, de même qu'il avait adhéré, dès le 15 novembre 1886, à la Convention de Genève de 1864, et le 19 mars 1887, à la Déclaration de Paris de 1856 sur le droit maritime.

Dans ce but, un juriste fut adjoint comme conseiller au commandant en chef de l'armée de terre et un autre à celui de la flotte on attacha à la personne du général commandant M. Nagao Ariga, professeur à l'Académie militaire, et à celle de l'amiral M. Sakuyé Takahashi, professeur à l'Académie de marine. Tous deux ont recueilli les cas intéressants au sujet desquels ils ont eu à se prononcer pendant la guerre; Ariga dans son ouvrage : La guerre sino japonaise au point de vue du droit international (1896), et Takahashi dans son livre intitulé: Cases on international Law during the Chino-Japanese War. (Cambridge, 1899.) C'est au dernier de ces ouvrages que nous empruntons le fait suivant: Un certain John Wild, Anglais de naissance et naturalisé Américain, domicilié en dernier lieu à Providence, dans l'État de Rhode Island, s'était vanté au ministre de Chine à Washington d'avoir fait une invention qui permettait, à peu de frais et sans subir de pertes soit de navires, soit d'hommes, de détruire une flotte ennemie et de réduire au silence les forts des adversaires. Il s'était déclaré disposé à céder cette invention au gouvernement chinois, si on lui faisait entrevoir

(1) Traduit de l'allemand sur manuscrit, par M. LÉON DEVOGEL, docteur en philosophie et lettres, attaché au département des affaires étrangères.

voir de grands avantages matériels. A cet effet, il se rendit, accompagné de M. Ching-fan Moore, secrétaire de la légation de Chine à Washington, ainsi que d'un nommé George Cameron, né en Écosse et naturalisé aux États-Unis, et muni, en outre, d'une lettre de recommandation du ministre de Chine pour Li-Hung-Chang, au commencement d'octobre 1894, de Providence à San Francisco; le 16 du même mois, ils s'embarquèrent tous trois à bord du navire anglais le Gaelic en destination de Yokohama; Wild s'était fait porter sur la liste des passagers sous le nom de Brown, et Cameron, sous celui de Howie. Le consul japonais Shimamura faisait le voyage à bord du même navire; ayant appris l'intention des trois passagers de se rendre en Chine pour prendre part à la guerre, il s'empressa aussitôt après l'arrivée du navire à Yokohama de signaler la chose aux autorités japonaises compétentes. Avant que celles-ci eussent eu le temps d'intervenir, John Wild, George Cameron et Ching fan Moore s'étaient déjà embarqués sur le navire français Sydney et étaient partis pour Kobé. A peine arrivés, ils furent mis en arrestation par les autorités japonaises avisées télégraphiquement dans l'intervalle, et leurs bagages saisis; comme ceux-ci contenaient des documents compromettants, il ne resta aux trois prisonniers d'autre alternative que de faire des aveux complets. Tandis que Ching-fan Moore était retenu pendant toute la durée de la guerre au Japon, John Wild et George Cameron furent remis en liberté, le 11 novembre 1894, après avoir juré et donné leur parole d'honneur de ne venir en aide d'aucune façon à la Chine pendant la guerre, de ne pas vendre leur secret à cette puissance et de ne conclure avec elle aucune convention.

Lorsque, le 16 février 1895, l'escadre chinoise commandée par l'amiral Ting se rendit à Wei-hai-wei au vice-amiral japonais Ito, les Japonais, à leur grande surprise, retrouvèrent sur le navire amiral chinois TingYuen George Cameron en qualité d'adjudant extraordinaire de l'amiralcommandant, fonction qu'il remplissait depuis la mi-décembre, époque où il s'était rendu de Kobé à Hongkong, et de là à Shanghaï, Che-foo, et enfin à Liu-kung-tau, près de Wei-hai-wei.

L'amiral japonais eut donc à se demander s'il fallait condamner George Cameron pour n'avoir pas tenu son serment et avoir manqué à sa parole d'honneur et quelle peine il y avait lieu de lui infliger, le cas échéant. La solution de cette question était d'autant plus complexe, que l'amiral Ito avait adhéré sans réserve à la demande de l'amiral Ting: Je vous prie instamment de ne plus causer aucun tort aux Chinois, ni

aux étrangers servant dans l'armée et sur la flotte chinoise,

et que

cette condition était devenue une clause de la capitulation. Il fallait examiner si bien que l'amiral Ito n'eût pas eu connaissance, au moment de la capitulation, du manque de parole de Cameron - celui-ci n'était pas garanti contre toute poursuite par cette clause et s'il ne fallait pas, par conséquent, lui pardonner sa conduite illégale.

Certains officiers de la marine japonaise déclarèrent qu'il avait mérité la peine de mort; néanmoins, on décida seulement qu'il serait retenu prisonnier jusqu'à la fin de la guerre.

La condamnation capitale de Cameron eût-elle été conforme aux principes du droit international européen? Je n'hésite pas à répondre affirmativement à cette question.

En vertu de la position militaire que George Cameron occupait, en dernier lieu, il devait être jugé d'après les règles juridiques qui trouvent leur application pour des officiers.

De plus, les autorités chinoises l'appui du secrétaire de légation Ching-fan Moore l'indique suffisamment-avaient accordé une si grande importance à la soi-disant invention de Wild qu'il y avait tout lieu de croire déjà à Kobé qu'un grade d'officier supérieur lui était réservé dans la marine chinoise, ainsi qu'à son compagnon Cameron.

En ce qui concerne les officiers, d'après les lois de la guerre et les codes militaires de tous les États, qui appartiennent à la communauté du droit des gens européen -si du moins ils traitent la question ou ne défendent pas simplement aux officiers, comme le fait le règlement de service pour l'armée autrichienne de 1873-1886, 1er partie, no 41, d'accepter la liberté en donnant leur parole de ne plus prendre part à la guerre les prisonniers de guerre qui, malgré leur parole d'honneur ont été repris les armes à la main, peuvent être condamnés à mort par l'État ennemi qui les aura rendus à la liberté en exigeant d'eux la promesse formelle d'observer une stricte neutralité.

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C'est ainsi que le Code de justice militaire français pour l'armée de terre, du 9 juin 1857, dit à l'article 204, et le Code de justice militaire français pour l'armée de mer, du 4 juin 1858, à l'article 262: « Est puni de mort tout prisonnier de guerre qui, ayant faussé sa parole, est repris les armes à la main. »

Le code pénal militaire grec (Στρατιωτική ποινική νομοθεσία) du 19 mai 1860, article 193, est d'accord avec la législation française. Les Instructions for the Government of Armies of the United States

in the field, du 24 avril 1863, section VII, no 119, prescrivent : « Prisoners of war may be released from captivity by exchange and, under certain circumstances, also by parole. » Et au n° 124: ‹ Breaking the parole is punished with death, when the person breaking the parole is captured again. »

Le Codice penale per l'esercito del regno d'Italia, du 28 novembre 1869, dit à l'article 292: «Alla pena di morte andranno soggetti gli uffiziali prigioneri di guerra, che contro la data fele fossero ripresi colle armi alla

mano. D

Le Code pénal militaire allemand, du 20 juin 1872, dit au § 159: « Ein Kriegsgefangener, welcher..., auf Ehrenwort entlassen, die gegebene Zusage bricht, wird mit dem Tode bestraft. Dieselbe Strafe trifft denjenigen, welcher den Bedingungen, unter denen er aus der Kriegsgefan genschaft entlassen, vor Beendigung des Krieges entgegenhandelt. »

Enfin, le Code pénal militaire pour le royaume de Danemark, du 7 mai 1881, prévoit à l'article 67 la peine de mort ou au moins, lorsque les circonstances atténuantes sont accordées, trois ans de travaux forcés ou davantage, pour les prisonniers de guerre libérés sur parole, qui manqueraient à leurs engagements en servant de nouveau dans l'armée ennemie.

Les articles 31 et 33 du Projet d'une déclaration internationale, concernant les lois et les coutumes de la guerre, discuté dans la conférence de Bruxelles de 1874, s'expriment de même. Art. 31: Les prisonniers de guerre peuvent être mis en liberté sur parole, si les lois de leur pays les y autorisent. Art. 33. Tout prisonnier de guerre, libéré sur parole et repris portant les armes contre le gouvernement envers lequel il s'était engagé d'honneur, peut être privé des droits de prisonnier de guerre et traduit devant les tribunaux.

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Les articles 10 et 12 de la « Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre » admise par la Conférence de la Haye concordent presque textuellement avec les articles que nous venons de citer.

De son côté, la science du droit des gens déclare, elle aussi, que, d'après les conceptions actuelles, le manque de parole peut être puni de

mort.

BLUNTSCHLI dit notamment au § 625 du Droit international moderne des États civilisés (Das moderne Völkerrecht der civilisirten Staten), 3 édition « Ein Offizier, welcher dem Ehrenwort zuwider gegen die entlassende Kriegspartei ficht, kann um dieses Treubruches

willen, wenn er neuerdings in die Gewalt derselben gerät, kriegsgerichtlich bestraft und zum Tode verurteilt werden. »

LUEDER, dans le Manuel de droit international de Holtzendorff, t. IV, p. 443, déclare qu'un prisonnier de guerre libéré sur parole s'expose à être jugé selon le droit de la guerre et condamné à mort, s'il ne remplit pas strictement les conditions imposées et s'il retombe au pouvoir de l'ennemi.

HALL, dans son Manuel de droit international (4° édit.), p. 426, dit: « A prisoner who violates the conditions upon which he has been paroled is punishable with death, if he falls into the hands of the enemy before the termination of the war. »

RIVIER (Lehrbuch des Völkerrechts, 2 édition, page 405) déclare que, lorsque des officiers faits prisonniers sont libérés sur leur parole d'honneur donnée par écrit, le manque de parole est l'objet éventuellement de la peine de mort. Dans ses Principes du droit des gens, t. II, p. 277, le même auteur dit encore: «Le manquement à la parole donnée entraînant la punition de l'officier, le cas échéant même la peine de mort.

....

CALVO (Le droit international théorique et pratique, 5 édition, t. IV, page 201, § 2151) écrit: « Le prisonnier, qui reprend les armes contre l'État qui l'a libéré, est considéré comme ayant violé sa parole et peut, s'il est capturé de nouveau, être puni militairement et même condamné à mort. »

FIORE (Nouveau droit international public, 2o édition, traduit par Antoine, t. III, p. 180, § 1360) observe : « Le belligérant qui a rendu la liberté aux prisonniers de guerre sur parcle pourrait punir ceux qui manqueraient à leurs engagements en leur appliquant les peines édictées par ses propres lois. »

Enfin, l'INSTITUT DE DROIT INTERNATIONAL proclame les principes suivants dans son Manuel des lois de la guerre sur terre:

« Art. 76. Les prisonniers peuvent être mis en liberté sur parole, si les lois de leur pays ne l'interdisent pas.

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< Art. 78. Tout prisonnier libéré sur parole et repris portant les armes contre le gouvernement auquel il l'avait donnée peut être privé des droits de prisonnier de guerre, à moins que, postérieurement à sa libération, il n'ait été compris dans un cartel d'échange sans conditions. >

De cet ensemble de citations, empruntées à la fois à la législation et à la science, il résulte que, selon l'opinion dominante, le manque de parole d'officiers ou de personnes qui doivent leur être assimilées peut

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