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Et l'Angleterre s'obligerait à tout cela en renonçant à sa colonisation de l'Afrique méridionale; elle le ferait pour faciliter la création d'un État dont la raison d'être serait la haine de sa colonisation! Quand on voit des hommes se mêler à la politique avec des idées aussi saugrenues, on croit voir des enfants jouant avec de la poudre. M. Kruger avait raison quand il considérait que le grand État qu'il rêvait devait reposer sur un tout autre appui que celui de l'Angleterre. Mais M. Hofmeyr et ses amis, quoique ne renonçant pas au rêve d'un État afrikander, ne voulaient pas suivre M. Kruger dans la politique qu'il jugeait nécessaire pour le réaliser. Peut-être faut-il voir dans cette conduite un reste de loyauté envers le trône; dans tous les cas, il y avait certainement de la rivalité avec la République sud-africaine, dans laquelle de grands gisements d'or avaient déjà été découverts, et qui, grâce à ces richesses et à la politique de son président, se promettait dans la combinaison future une hégémonie que M. Hofmeyr voulait réserver au Cap. Ces motifs lui ont permis de se joindre à M. Rhodes, cette fois franchement impérialiste, pour devancer la république dans le nord.

A la fin de 1887, M. Kruger envoyait un nommé Grobelaar à Lobengula, le chef des Matabeles, pour en obtenir l'acceptation d'un protectorat boer sur tout son pays, qui comprenait celui des Mashonas, peuple industrieux mais guerrier, qui était sujet des Matabeles. Cette mission fut révélée à M. Beit, qui était intéressé à la concession dite ‹ Tati » que Lobengula avait accordée, quelques années auparavant, dans le but de le tranquilliser par l'assurance qu'on respecterait cette concession; mais celui-ci en informa son ami M. Rhodes. Ce dernier se hâta de communiquer l'affaire à Sir Hercules Robinson, le High Commissioner britannique pour l'Afrique méridionale, et le pria de devancer la république. Sir Hercules, non plus, ne perdit pas de temps, et un traité entre Lobengula et la reine fut conclu le 11 février 1888. Grobelaar se livra à des menées outrageantes, qui aboutirent entre lui et les indigènes à un combat dans lequel il fut tué. M. Rhodes, M. Beit et leurs amis obtinrent de Lobengula une concession importante, et, en 1889, la Compagnie britannique de l'Afrique méridionale (British South Africa Company) fut fondée pour l'exploiter; on l'appelle aussi la Chartered Company, à cause de la charte royale qui lui fut octroyée.

Les difficultés qui éclatèrent à ce sujet entre l'Angleterre et le Portugal, et qui furent aplanies par le traité du 11 juin 1891 entre ces puissances, ne rentrent pas dans le sujet que nous traitons en ce

moment; nous nous en sommes occupé aux tomes XXII et XXIII de la Revue.

M. Kruger, maintenant toujours la théorie des Boers que tout l'intérieur du continent leur appartenait, ne se fit pas faute de représenter la république comme lésée, et il réussit à faire admettre l'abandon de toute concurrence avec la Chartered Company dans le nord et le nord-est, comme l'un des équivalents dans la convention d'août 1890, relative à Swaziland, un pays à l'est de la république. Cette convention ne le lia pas davantage qu'aucune autre convention; elle ne lia pas non plus la république. Que le gouvernement de la république ait été de mauvaise foi ou bien impuissant au milieu d'une foule turbulente, le résultat fut le même. En juin 1891, s'organisa publiquement une émigration ou trek de 5,000 personnes, qui devait être dirigée au delà du Limpopo, frontière conventionnelle, dans le pays de la Chartered Company. Les places dans le gouvernement provisoire de la « république de Banjailand » furent remplies de titulaires; les médecins et les ministres de la religion qui devaient accompagner l'expédition furent nommés.

Sir Henry Loch, le High Commissioner nouveau, informa M. Kruger qu'il traiterait l'expédition comme un acte de guerre et qu'il avait déjà mis des troupes en mouvement. Cette lettre fut lue dans le « volksraad » à Pretoria, qui, à la dernière heure, prohiba le trek sous des peines sévères. Cependant, une partie des émigrants se présenta sur les bords du Limpopo, où le Dr Jameson les rencontra et leur fit connaître que, quoiqu'un établissement indépendant ne leur serait pas permis, ils seraient admis individuellement à occuper des terres sous l'autorité de la compagnie. De cette façon, l'affaire s'arrangea; elle valut quelques bons colons à la compagnie et un grief nouveau aux burgers de la République sud-africaine.

Il serait oiseux de suivre les événements qui se sont produits au delà de la frontière est, reconnue au Transvaal par les conventions de Pretoria et Londres, avec autant de détails que nous en avons donnés pour les événements qui se sont produits à l'ouest et au nord. Les empiètements des Boers ont eu, de ce côté, le même caractère qu'ailleurs, mais, soit faiblesse, soit sagesse, le gouvernement britannique ne leur a pas opposé une résistance égale. Cela a pu tenir à ce qu'à l'est il s'agissait non pas d'une route vers l'intérieur du continent, mais d'un rapprochement vers la mer. Or, sur ce point, on ne se montrait pas si difficile. Par la convention d'août 1890, que nous avons mentionnée, le

gouvernement britannique avait été jusqu'à permettre à la République sud-africaine de construire un chemin de fer à la baie de Kosi, sur la frontière sud des possessions portugaises, et d'y faire un port, à la condition, d'abord, de ne jamais l'aliéner à une puissance autre que la GrandeBretagne et, ensuite, d'entrer dans une union douanière sud-africaine. C'est sans doute cette dernière condition, qui tendait à aplanir les difficultés entre l'empire et la république en les attachant l'un à l'autre par des liens d'intérêt, qui motivait une concession si importante. Mais la concession est tombée, faute d'un commencement d'exploitation dans les trois ans stipulés, faute dont le dégoût de la république pour la même condition, si contraire à sa politique, fut la cause. Du reste, l'Angleterre a reconnu la Nouvelle République » que les Boers avaient découpée dans le pays des Zoulous (novembre 1886) et l'annexion de cet État à la République sud-africaine (juillet 1888), et elle a consenti au protectorat de cette dernière sur le Swaziland (décembre 1894 et octobre 1898). Tout cela n'empêcha pas M. Kruger de dire, dans une dépêche de la fin d'avril 1895, que l'annexion par l'Angleterre des pays des chefs Zambaan et Umbegesa ne pouvait être regardée que comme << une mesure peu amicale prise contre la république, contre laquelle elle << protestait ». Toute limite imposée par le gouvernement britannique à l'expansion des Boers, trop oisifs pour nourrir, en cultivant la terre, une population toujours croissante, a été stigmatisée comme de l'oppression dans le langage officiel de la république, qu'on ait agi dans l'intérêt des indigènes, ou dans celui de la colonisation anglaise elle-même.

Nous terminerons cette partie de notre étude par la description que M. Osborne, magistrat à Newcastle, dans la colonie de Natal, très près à la fois de la République sud-africaine et des Zoulous, donna, en septembre 1876, des méthodes employées par les Boers dans leurs empiètements sur les indigènes. Il nous a fallu parler si souvent de ces empiètements qu'il vaut la peine de connaître comment les choses se passaient. Les tableaux complets présentent plus d'enseignement et plus d'intérêt que les termes généraux, et pour une appréciation approfondie de la situation il importe de savoir comment les citoyens d'un « État de droit international se comportaient dans une partie du monde où le système de contre-poids, qui rend ce droit possible en Europe et en Amérique, n'existe pas.

<<< Les Boers, écrit M. Osborne, comme ils ont fait ailleurs et font encore,

empiétaient graduellement sur le territoire des indigènes, obtenant en premier lieu la permission de faire paître le bétail dans certaines parties du pays et à certaines saisons de l'année. Bientôt après, quelques éleveurs, obtenaient des sous-chefs une espèce de droit ou de licence de s'établir (to squat) sur des portions définies, ostensiblement pour exclure des mêmes terres le reste de leurs compatriotes. Les sous-chefs n'ont pas entendu, par la concession de ces licences, pour laquelle du reste ils n'avaient pas qualité, faire autre chose que des actes d'amitié ou de bon. voisinage; mais après quelques saisons, le Boer les interprète comme des titres, et son occupation permanente s'ensuit. Il se fait payer des dommages-intérêts, comme pour violation de propriété, par le même homme duquel il a obtenu la licence, et l'indigène se soumet de peur que l'affaire ne vienne aux oreilles du chef suprême, qui probablement le punirait sévèrement pour avoir ouvert la porte à l'empiétement. Mais enfin les disputes incessantes entre les Boers et les indigènes amènent une crise; l'une des deux parties en appelle au chef suprême, auquel, à l'audience qu'il octroye aux parties en cause, la violence et les menaces du Boer font tant de peur qu'il lui donne la terre. Alors - c'est le plan communément adopté par le Boer celui-ci réunit un petit nombre de ses voisins, un field cornet (espèce de magistrat inférieur) inclus, ou même le suppléant nommé temporairement par un field cornet, pour qu'il représente le gouvernement, quoiqu'il n'ait aucun ordre à cet effet. Tous se cotisent pour apporter du bétail au chef, auquel ils font signer un écrit par lequel il transfert une bonne partie de son territoire aux Boers républicains. Le contenu de cet écrit n'est jamais, pour autant que j'ai pu apprendre, expliqué au chef d'une façon claire ou intelligible; il le signe et accepte les bestiaux, croyant qu'ils sont le paiement des licences de pâture qui ont été concédées par ses sous-chefs. J'affirme sans hésitation que telle est la méthode usuelle par laquelle les Boers obtiennent ce qu'ils appellent la cession à eux faite des territoires par les chefs indigènes (1). »

(') PRATT, Leading Points in South African History, p. 75.

(A continuer.)

NOTICE.

HISTOIRE LITTÉRAIRE DU DROIT INTERNATIONAL.

WILLIAM WELWOD.

Il y a quelques années, j'ai publié dans la Revue des notes concernant William Welwod, que des recherches récentes et la lecture d'une notice insérée dans le Dictionary of national Biography me permettent de compléter (1). Les renseignements recueillis au sujet d'un écrivain ne sont jamais sans offrir de l'utilité. Quelque minimes qu'ils soient, si peu importants qu'ils puissent paraître à première vue, ils ajoutent à la connaissance générale de la science en apportant un élément que mettra à profit l'histoire littéraire; ils fournissent souvent des indications pour l'appréciation plus exacte du développement des théories. Ils offrent aussi l'avantage de mettre en relief l'écrivain lui-même, de le montrer dans le milieu où il vivait et où il agissait, d'indiquer les liens qui l'unissaient à telles autres individualités. Quand il s'agit de personnages comme Welwod, à l'utilité se joint la satisfaction de la curiosité: une partie de l'existence est couverte d'un voile épais; c'est dire qu'on se sent tout aise de faire à l'aide des données que l'on possède, un travail de reconstitution. Welwod, notons-le, était loin d'être dénué de mérite; il nous apparaît, dans l'image incomplète que nous pouvons nous en faire, comme un homme instruit, ayant de l'initiative, sachant innover; aux qualités de l'ordre intellectuel il joignait de grandes qualités morales, possédant le don de la fidélité aux convictions et du dévouement aux amitiés. Il paya, au surplus, suffisamment cher son attachement à ses idées politiques. Ce qui n'est nullement à dédaigner, il avait infiniment d'esprit. Ses écrits en témoignent; on n'y voit point le lourd pédantisme, caractéristique des ouvrages de la plupart de ses contemporains; mais on y trouve, au contraire, une grande finesse et une remarquable subtilité. Il sait mettre jusque sur le titre de ses ouvrages le trait

(1) Voir Revue, t. XVII (1885), p. 74 et suivantes, et t. XIX (1887), p. 468 et suivantes. L'auteur de la notice du Dictionary of national Biography n'a point mis à profit les documents autographes que possède au sujet de Welwod la section des manuscrits du musée britannique.

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