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prendre ses quartiers d'hiver en Valachie et en Moldavie; car les succès des armes russes étaient partout bien au-dessous de leur renom mée; ils étaient achetés par les pertes les plus sensibles. La gloire environnait le trône de Catherine II de plus de cyprès que de lauriers. La peste, que les vaincus avaient communiquée à leurs vainqueurs, était passée des armées de Romantzof et de Panin, dans l'intérieur de l'empire, et cette terrible alliée des Ottomans avait enlevé près de cent mille habitans à Moscou. L'impératrice sentait, au milieu de ses triomphes, le besoin de la paix. La Porte comptait, dans les négociations, sur la médiation de la cour de Vienne, et sur un traité secret dont cinq millions de florins impériaux avaient été d'avance le gage de la part du divan, toujours loyal et sincère dans ses transactions diplomatiques.

1772. En effet, l'Autriche avait déclaré hautement qu'elle s'opposerait à ce que le théâtre de la guerre fût transféré par les Russes au-delà du Danube. Un congrès fut convoqué à Focziani, en Moldavie; un armistice fut conclu sous les murs de Giorgewo, entre le ministre russe Simolin et le réis - effendi Seid - Abuckerim effendi Muckabedladzi; et le congrès s'ouvrit en

1772. Les plénipotentiaires y apportèrent des intentions bien différentes: la Porte était représentée par Osman-Effendi; la cour de Vienne par le baron de Thugut, alors internonce impérial à Constantinople; la cour de Berlin par le ministre Segelin, et la Russie par le comte Grégoire Orlof, arrivé exprès de Pétersbourg. Les bons musulmans abordèrent les Russes avec des présens de tapis superbes, de riches étoffes et de belles armes, et ils portaient dans le cœur le désir d'une paix honorable.

« Mon sublime empereur, disait naïvement » Osman-Effendi, m'a recommandé de tout >> employer pour la gloire de Dieu et pour le » bien de la paix. » Le plénipotentiaire russe, amené par l'ambition, avait bien moins pour but la gloire et l'intérêt de sa souveraine que le' dessein secret de sonder les esprits, de se faire des créatures parmi les Valaques et les Moldaves, et d'acquérir, au prix même d'une trahison, la possession indépendante des deux principautés de Valachie et de Moldavie.

Cependant le congrès de Focziani s'ouvrit : Orlof exigea d'abord que le ministre russe Turd'Obrescof sortît des Sept-Tours. Ce premier hommage fut rendu à la crainte que les armes de Catherine inspiraient au divan. Le plénipo

1772,

tentiaire exigea alors, pour préliminaires de la paix, que la Porte reconnût l'indépendance des Tartares; qu'elle cédât les ports de Sénicalé et de Kilburn sur la mer Noire; qu'elle rasât la forteresse d'Oczacof; qu'elle abandonnât, comme barrière des deux empires, la vaste presqu'île enfermée entre le Bog et le Niester; qu'elle rendît aux Tartares les villes et les territoires de la Crimée et du Cuban; enfin, que la libre navigation fût permise aux vaisseaux russes sur toutes les mers ottomanes. L'envoyé de Prusse garda le silence à des propositions si inadmissibles.

Cependant l'armistice se changea, par la médiation du roi de Prusse, en une trève de quelques mois. La Russie accéda à cette mesure, dont les apparences étaient pacifiques; mais sa feinte modération avait une cause amenée par les événemens dont la Suède était devenue tout-à-coup le théâtre. Le roi Gustave III, appelé au trône depuis un an, par la mort de Frédéric-Adolphe, venait, par une heureuse révolution, de s'affranchir de la tutelle de la diète de Stockholm,

Catherine II avait cherché à traverser le noble dessein dont Gustave III était soupçonné. La crainte de voir la France soutenir un prince

son allié, qu'elle avait appuyé de ses conseils et aidé de ses trésors, empêchait seule l'altière impératrice d'éclater contre le roi de Suède ; mais ce prince et la France, sa protectrice, n'armaient pas.moins éventuellement pour s'opposer aux entreprises que la Russie pourrait tenter. L'intervention de la cour de Versailles dans cette querelle inquiétait la cour de Péters→ bourg avec d'autant plus de fondement, que la maison d'Autriche s'était engagée, par le traité de 1756, à agir comme auxiliaire des Français. De son côté, le roi de Prusse, garant, par ses traités avec la Russie, du maintien de l'ancienne constitution suédoise, voyait avec inquiétude ce germe de discorde allumer une guerre universelle dans laquelle il ne pourrait refuser de prendre une part active. La Prusse, l'Autriche et la Russie gagnaient bien plus à l'exécution du pacte odieux qu'elles avaient conclu en secret depuis quelques mois; mais elles avaient besoin que l'Europe fût en paix pour le consommer à loisir : je veux parler du partagé de la Pologne, arrêté déjà entre ces trois puissances complices, et dont la scandaleuse publicité ne tarda pas à éclater. Le roi de Prusse pressait donc la cour de Pétersbourg de faire la paix avec la Porte, Les Ottomans, de

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leur côté, voyaient avec espérance le roi de France armer, dans le port de Toulon, une escadre considérable. Mustapha III et son divan, trompés par les apparences, et étrangers au machiavélisme de la politique européenne, croyaient ces armemens dirigés contre la flotte russe de l'Archipel, dans la seule vue de les soutenir contre leurs ennemis, tandis que toutes ces forces n'étaient destinées à agir que si le roi de Suède était attaqué.

Tels étaient les calculs secrets, les fausses espérances des deux nations ottomane et russe, lorsque leurs plénipotentiaires se présentèrent de nouveau pour traiter de la paix. Les négociations eurent lieu à Bucharest : le maréchal Romantzof, d'un côté, et Moussou-Oglou, beau-frère du sultan, s'y rendirent pour convenir des couditions. C'est ainsi qu'on avait vu à Rastadt, au commencement du siècle le prince Eugène et le maréchal de Villars, devenus ministres de paix, tenir dans leurs mains les destins des peuples et balancer leurs droits. Mais Romantzof persista à demander l'indépendance de la Crimée : les Ottomans s'obstinèrent à la refuser, moins encore par fierté que par religion.

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Cet article blessait trop profondément les

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