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fides étrangers, les Grecs trahis, tous s'embarquèrent à la hâte : blessés, malades, primats grecs, évêques ou chefs de l'insurrection, entre autres Papaz-Ogli et le vieux Bénaki. La presqu'île et ses infortunés habitans demeurèrent livrés à la vengeance des Ottomans et aux brigandages des Albanais.

Fidèle à son système timide, le capitanpacha errait dans l'Archipel grec, s'éloignant à toutes voiles dès que la flotte russe était aperçue de la sienne. Spiritoff, réuni à Elphinston, mettait autant d'ardeur à joindre l'amiral ottoman que celui-ci montroit d'empressement à l'éviter. Les deux armées se rencontrèrent enfin près du golfe de Smyrne, dans le canal étroit qui sépare l'île de Chio de la côte d'Asie. Ne pouvant éluder le combat, le capitan - pacha voulut s'aider de tous les secours que lui offrait la nature des lieux. Il rangea sa flotte en croissant le long du rivage asiatique. Vingt-deux vaisseaux de haut bord, bien espacés et mouillés sur quatre ancres appuyés aux deux extrémités par des bancs de sables et des rochers à fleur d'eau, étaient encore protégés par des batteries établies sur la côte, et attendirent ainsi que l'amiral russe osât venir les attaquer. Ce champ de bataille

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était déjà fameux par la victoire que les Romains avaient remportée sur Antiochus-leGrand; il était destiné, dans les tems modernes, à devenir le tombeau de la marine ottomane.

Spiritoff, à la tête de l'escadré russe, composée seulement de neuf vaisseaux de ligne, parut, le 5 juillet au matin, à l'entrée du canal que commencent les petites îles Spalmadores, en avant de l'île de Chio. Les vaisseaux russes défilèrent entre ces îlots hérissés d'écueils, et · s'arrêtèrent en comptant avec étonnement le nombre des navires musulmans, et surtout en voyant le bel ordre de combat; mais les Russes, abhorrés des Grecs qu'ils avaient trahis et abandonnés, désormais sans ports, sans asile, avaient pris la résolution désespérée de joindre, à quelque prix que ce fût, la flotte ottomane, et de périr ou de vaincre.

Spiritoff, guidé par les conseil du contreamiral anglais Greay, qu'il avait à son bord, partagea les neuf vaisseaux en trois divisions; il commandait la première, et formait l'avantgarde: Théodore, frère de Grégoire et d'Alexis Orloff, était avec lui. Le centre était sous les ordres du comte Alexis, généralissime; Elphinston conduisait l'arrière-garde. Il avait eu un différent avec l'amiral russe, au sujet du

commandement auquel ils prétendaient tous les deux. Elphinston avait soutenu son droit avec tout l'empressement de son caractère et l'orgueil que lui donnaient sa réputation, ses talens et le mépris qu'il portait à ceux dont il était forcé de recevoir les ordres; irrité et mécontent de ce que le généralissime avait repoussé et désavoué sa prétention, le fier Anglais avait choisi le poste de l'arrière-garde pour jouir des fautes qu'il verrait faire à des chefs ignorans, et pour se réserver la gloire de les réparer.

Il est remarquable qu'au moment du combat le capitan-pacha se fit mettre à terre sous prétexte d'aller établir quelques batteries sur la côte, et qu'en même temps le généralissime Orloff quitta le vaisseau qu'il commandait, et passa sur une frégate qu'il tint constamment éloignée de l'action. Les fiers Ottomans ne se méprirent pas sur la lâchêté de leur commandant, et crièrent à la trahison. Les dociles et impassibles Russes n'eurent pas même la pensée de condamner leur général, et se préparèrent au combat.

Le vaisseau amiral des Ottomans ne perdait rien à l'absence du capitan-pacha, le brave Hassan le commandait. Avant de partir de

Constantinople, il avait exposé dans le divan que la flotte de son sublime empereur était supérieure de moitié à celle de ses ennemis ; qu'il fallait donc que chaque commandant s'attachât corps à corps à un vaisseau russe, et qu'il se fit santer avec lui. Hassan ne tarda pas à joindre l'exemple au préceptè.

par

Son vaisseau se trouvait le second de la ligne ottomane le vaisseau amiral russe, monté : Spiritoff, Greay et Théodore Orloff, attaqua la tête de cette ligne, et s'attacha à la capitane. Le seul ordre que le capitan-pacha eût donné à toute la flotte, était de demeurer à l'ancre. Hassan reçut pendant quatre heures le feu du navire ennemi, sans faire aucun mouvement, sans éviter aucune bordée. Mais les vaisseaux ottomans ont tous à leur première batterie des canons du calibre de plusieurs quintaux: un boulet de pierre, lancé par une de ces énormes bouches à feu, emporta le gouvernail de l'amiral russe. Ne pouvant plus manœuvrer tout en foudroyant la capitane, il dériva sur elle. Hassan, qui avait le dessein de l'aborder, fidèle à l'ordre du capitan - pacha, se toua sur son câble, et reçut le vaisseau par son travers. `Il fit sur-le-champ jeter des crampons, et ces deux énormes masses furent accrochées par

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!

leurs agrès. Un combat furieux de mousqueterie et d'abordage s'engagea entre les deux flottes. Les Ottomans et les Russes, au milieu de nuages de fumée et d'une grêle de balles, attaquans, attaqués, poursuivaus, poursuivis, passèrent sur le bord les uns des autres, et se battaient depuis neuf quarts d'heure. Hassan, couvert de sang et de blessures, était au moment de l'emporter, lorsque Greay, désespérant de se dégager, fit lancer de l'artifice et couvrit de feu la capitane, qui s'embrasa sur-le-champ.` L'amiral russe s'enflamma presqu'en même tems, et l'incendie devint commun. Des deux côtés, soldats et matelots, tout se jeta à la mer. Spiritoff se sauva dans un canot avec vingtquatre personnes, parmi lesquelles étaient son fils et le comte Théodore Orloff. Le vaisseau russe fut consumé, et la mer engloutit ses superbes canons de bronze et une caisse militaire de cinq cent mille roubles. Hassan fit d'inutiles efforts pour sauver la capitane. Se voyant abandonné par son équipage qui fuyait à la nage, il se jeta lui-même à la mer. Un seul homme était resté auprès de lui, c'étoit un de ses amis intimes, Achmet-Aga, négociant de Morée, qui, par attachement pour lui, était venu faire la campagne comme volontaire. Achmet, qui n'avait

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