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gueil du vieux prince, en lui envoyant une couronne et un sceptre, avait achevé d'assurer son dévouement. Les Tartares du Cuban por taient encore le nom d'alliés de la Porte; mais ils n'étaient plus à ses yeux que des amis suspects, et leur défection était attendue de jour en jour. La presqu'ile de Crimée était occupée par les armes russes. Le cordon de places fortes, qui commençait à Belgrade, et se composait d'Oczakoff, de Bender, de Choczim, de Widin, Silistria et Nissa, appuyé en seconde ligne par le Danube et les villes de Brahilow, Ismailoff, Kilia-Nova et Akerman, ne rassurait pas le divan, qui voyait un des flancs de l'empire entièrement à découvert du côté de l'orient. Sur les bords de la mer Adriatique, le divan changeait d'ennemis, et trouvait des inquiétudes non moins alarmantes pour la dignité du trône et pour ses moyens de puissance. Mahmoud, pacha de Scutari, méconnaissait les ordres du souverain, et se déclarait en révolte ouverte : maître d'une vaste portion de ce territoire albanais, que Scanderbeg avait rendu si célèbre, et qui sembla de tout tems appeler à l'indépendance, Mahmoud, depuis les dernières années de Mustapha III, bravait les firmans, les capidgis, le cordon, le fer ou le poison, qui

ne pouvaient l'atteindre à la tête de ses troupes ou au fond de son inaccessible forteresse. Imitateur de son exemple, Ali, pacha de Janina, auquel obéissait le pays qui regarde les îles de Zante et de Corfou, Ali jetait jusques dans la Macédoine les fondemens de cette puissance indépendante, qu'il conserve encore aujourd'hui. Mais tandis que la rébellion se montrait avec autant d'audace que d'impunité dans les contrées montagneuses et difficiles de l'empire, și les sultans, occupés tout entiers à rejeter les Russes au-delà du Danube, feignaient d'ignorer les affronts que leur autorité recevait dans les provinces européennes, et presque sous leurs yeux, quelle était leur impuissance pour punir les rebelles de l'Asie-Mineure, de l'Egypte et de l'immense et lointain pachalic de Bagdad. Achmet, pacha de cette province, frontière de l'empire du côté de la Perse, fidèle aux intérêts de son pays, mais indocile aux ordres du divan, faisait consister son devoir à réprimer les incursions des Persans, et à laisser le vain nom des sultans sanctionner, pour la forme, tous les actes émanés de sa volonté.

Le même esprit de révolte régnait dans la Palestine, asservie depuis 1750 au vieux SheickDaher, qui unissait les vertus d'un Arabe aux

vices d'un brigand. Chef d'une de ces tribus de Bédouins qui habitent les bords du Jourdain et de l'ancien lac de Tibériade; Daher était prince de Safad et des montagnes qui avoisinent cette petite cité. Il s'y maintenait les armes à la main pour l'intérêt de son indépen dance, il en sortit pour conquérir; mais il fit constamment la guerre en marchand, plutôt qu'ensoldat. Ce fut moins par un désir de gloire qué par une spéculation de trafic qu'il voulut ajouter un port à ses domaines, et il s'empara par surprise de Saint-Jean-d'Acre. Sultan Mahmoud régnait encore, et l'adroit Daher, pour ne pas s'attirer la vengeance de la Porte, répandit l'or dans le divan, et sut faire approuver son agression et sa conduite, qui masquait de plus vastes desseins. Adoptant un gouvernement doux et presque patriarchal, ce sheick arabe, que l'âge et l'expérience avaient rendu habile; avant qu'il se mît, en évidence, attira sur son territoire une multitude de chrétiens et de musulmans, qui abandonnèrent les pachalics voisins, où ils n'éprouvaient que spoliations et injustices, et vinrent se mettre sous la protection de Daher, qui leur assura des lois douces, une existence moins précaire et le libre exercice de leurs diverses religions. Aussi soigneux

de se procurer des alliés que des sujets, il appuya sa puissance naissante de l'amitié des tribus arabes du désert; il eut l'adresse de marier parmi elles tous ses enfans. Ainsi, soutenu d'un côté par les Arabes qui le protégeaient contre les pachas de Saïde et de Damas, Daher sut encore trouver des amis utiles dans une peuplade nombreuse, mais obscure et inconnue jusqu'alors. Les Motoualis, musulmans réformés, suivent la secte d'Ali, et nourrissent dans l'islamisme contre les disciples d'Omar les mêmes haines que les chrétiens protestans portent aux catholiques romains: ils habitent les vallons qui séparent le pachalic de Damas et la Palestine. Balbek est le siége de leur puissance, et les ruines du temple du Soleil sont occupées par eux. Leurs tribus avaient pris les armes pour combattre les pachas de Saïde et de Damas, auxquels ils refusaient de payer le tribut. Daher s'établit le médiateur des uns et des autres, et acquit l'amitié d'un peuple qui pouvait dans l'occasion lui prêter le secours de dix mille cavaliers. C'est ainsi qu'à force d'adresse, de patience et de présens, le sheik avait obtenu', sous le régne de Mustapha III, le titre de Sheik d'Acre et de la Galilée. Mais dans sa politique avide, Daher ouvrait son territoire et ses ports

à toutes les nations, et recélait jusqu'aux fruits du brigandage. On l'a vu, en 1757, donner asile aux spoliateurs de la caravane de la Mecqué, qui, au scandale de la religion musulmane, n'avaient pas craint de joindre le viol au meurtre et au pillage. Le sheik, tout récemment encore, avait permis l'entrée libre de Saint-Jean-d'Acre à des corsaires maltais, qui infestarent les côtes de la Syrie. Il avait souffert qu'ils y déposassent leur butin, et que les fruits de leurs rapines, les dépouilles des musulmans, fussent vendues presqu'en public. Les soumissions de Daher, l'or qu'il répandait parmi les ministrés de la Porte, palliaient des crimes que la faiblesse du gouvernement ne permettait pas de punir, au milieu des embarras et des alarmes d'une guerre désastreuse; mais le sultan, dans sa justice, espérait bien que le châtiment d'un si grand coupable ne serait qu'ajourné.

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L'Egypte, sur un plus vaste théâtre, offrait le tableau de plus grands excès encore, et donnait l'exemple de la même impunité. Un regard sur cette riche, populeuse, mais lointaine province, aurait détourné et ralenti l'attention sur la marche des événemens déplorables qui acca

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