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RÉPERTOIRE

METHODIQUE ET ALPHABÉTIQUE

BIBLIOTHEK

DESK. K.

JUSTIZ-MINISTERIUMS

DE LÉGISLATION

DE DOCTRINE ET DE JURISPRUDENCE

EN MATIÈRE DE DROIT CIVIL, COMMERCIAL, CRIMINEL, ADMINISTRATIF,

DE DROIT DES GENS ET DE DROIT PUBLIC;

NOUVELLE EDITION.

CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE ET PRÉCÉDÉE D'UN ESSAI SUR L'HISTOIRE GÉNÉRALE DU DROIT FRANÇAIS ;

PAR M. D. DALLOZ AINÉ,

Ancien Député, Avocat à la Cour imperiale de Paris, ancien Président de l'Ordre des Avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation,
Officier de la Légion d'honneur, Membre de plusieurs Sociétés savantes

ET PAR

M. ARMAND DALLOZ, SON FRÈRE,

Avocat à la Cour impériale de Paris, Auteur du Dictionnaire général et raisonné de Législation et de Jurisprudence,
Chevalier de la Légion d'honneur et Membre des academies de Besançon, de Toulouse;

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RÉPERTOIRE

MÉTHODIQUE ET ALPHABÉTIQUE

BIBLIOTHER

DESK.K.

DE LÉGISLATION, DE DOCTRINE

ET DE JURISPRUDENCE.

INTERDICTION-CONSEIL JUDICIAIRE.-1.- L'interdiction est, dans son acception générale, la défense de faire une chose. - Ce mot exprime plus particulièrement, dans le langage du droit, l'état d'un individu qui est frappé d'une certaine incapacité, soit quant à la gestion ou disposition de ses biens, (et c'est dans ce sens qu'il en est parlé dans le présent travail), soit relativement à l'exercice de ses fonctions.

L'interdiction est quelquefois synonyme de destitution ou de suspension, suivant qu'elle est perpétuelle ou temporaire; elle s'applique dans ce sens aux officiers ou fonctionnaires publics. - Ainsi, l'état d'accusation produit à leur égard l'interdiction de plein droit (Const. 22 frim. an 8, art. 5; V. Droit constit., p. 212), et pendant l'interdiction, ils ne peuvent faire aucun acte de leurs fonctions, à peine de nullité ou de dommages-intérêts, et même de punition correctionnelle (c. pén. 197. V. Fonctionn. pub., nos 110 et suiv.; Forfaiture, n 173 et suiv.).- L'interdiction des officiers publics, lorsqu'elle ne procède que de censure disciplinaire, n'est pas infamante; ils peuvent, pendant qu'elle dure, acquérir un autre office et s'y faire recevoir. Mais on comprend que rien n'obligerait soit le gouvernement, soit une autre compagnie, de nommer à un emploi un particulier qui serait encore sous le coup d'une censure disciplinaire.-V. Avocat, nos 422 et suiv.; Office, etc. 2. Il existe une interdiction légale, prononcée par la loi criminelle, et qui frappe les condamnés, pendant la durée de leur peine, de la même incapacité que l'interdiction civile, quant à l'administration de leur personne et de leurs biens. Elle est établie par l'art. 29 c. pén. Au nombre des peines, il existe également l'interdiction de certains droits civiques, civils ou de famille (art. 9 c. pén.). Il en est parlé ailleurs.-V. Peine, V. aussi Droit civil, nos 602 et suiv., Droit politique, no 29 et suiv., Chasse, n° 145, Minorité-tutelle, etc., etc.

3. Ici, ce n'est que sous le point de vue de l'état mental qu'on s'occupe de l'interdiction, qui peut être définie la privation du droit de disposer de sa personne et d'administrer ses biens, infligée à un citoyen, que son état intellectuel rend incapable de l'exercice de ce droit. Lorsque l'incapacité n'est pas complète, ou qu'elle ne se traduit que par des actes de prodigalité, l'interdiction se transforme en dation d'un conseil judiciaire. V. le chap. 8.

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4. La loi, si attentive à prémunir le mineur contre les dangers de sa faiblesse et de son inexpérience, devait également protection et secours à l'être malheureux que la privation de ses facultés intellectuelles réduit à un état pire que l'enfance. Aussi le moderne législateur s'est-il occupé avec la plus grande sollicitude des règles qui doivent placer la personne et les biens de l'individu atteint de démence à l'abri de ses propres écarts ou des combinaisons de la fraude, non-seulement dans son propre intérêt, mais aussi dans celui de sa famille, et même dans celui de la société et de la sécurité publique dans les cas où la démence dégénère en fureur.

TOME XXIX.

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Interrogatoire du défendeur. Enquête (no 86).
Nomination d'un administrateur provisoire (n° 107).
DU JUGEMENT DÉFINITIF SUR LA DEMANDE EN INTERDIC-
TION, ET DES VOIES DE RECOURS CONTRE CE JUGE-
MENT (Opposition, Appel, etc.) (no 119).

DES EFFETS DU JUGEMENT D'INTERDICTION (n°152).
Organisation de la tutelle de l'interdit (no 153).
Effets du jugement quant à l'administration de la per-
sonne et des biens de l'interdit et quant à sa famille
(n° 169).

Effets de l'interdiction, tant sur les actes postérieurs que sur les actes antérieurs au jugement.-Tiers (no 195). DE LA MAINLEVEE DE L'INTERDICTION (no 256).

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DE LA NOMINATION D'UN CONSEIL JUDICIAIRE (no 248). Personnes qui peuvent être placées sous l'assistance d'un conseil judiciaire; Pour quelles causes (no 250). Qui peut provoquer la nomination d'un conseil judiciaire (no 261).

De la procédure à suivre, et du jugement (no 271). Des effets et conséquences du jugement portant cette nomination. Comment doit procéder le conseil judiciaire (no 285).

De la révocation du jugement ou mainlevée de l'assistance du conseil judiciaire (no 312).

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5. On a déjà présenté, vo Aliéné, nos 8 et suiv., l'historique de la législation qui se réfère à l'aliénation mentale; on va compléter ici cet historique en ce qui touche l'interdiction, mesure qui, en raison du défaut d'intelligence ou par suite d'infirmités, s'applique à ceux qui sont incapables de se conduire et gérer leurs propres affaires.

A Rome, la loi des douze tables donnait aux agnats la curatelle des furieux et des prodigues. Lex duodecim tabularum, dit Ulpien, Reg. 12, § 2, furiosum itemque prodigum cui bonis inter

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dictum est, in curatione jubet esse adgnatorum (V. Aliéné, no 10). Mais, par ce nom de furieux, la loi désignait seulement celui dont la démence était portée à l'excès, et par celui de prodigue celui seulement qui, ayant succédé à son père intestat, dissipait les biens paternels (V. M. Ortolan, Instit., liv. 1, tit. 13, et, ciaprès, la formule d'interdiction prononcée par le prêteur). Ni le fou, ni l'imbécile, ni les enfants succédant à leur père en vertu d'un testament, ni les affranchis qui n'avaient pas de biens paternels ne pouvaient donc, en vertu de la loi des douze tables, être placés sous la puissance d'un curateur. La nécessité conduisit le préteur à nommer lui-même des curateurs à des personnes qui n'étaient pas comprises dans cette loi. L'extension s'étendit à tous ceux qui, par quelque infirmité, étaient incapables de l'administration de leurs affaires et de leurs biens. Sed et aliis dabit proconsul curatores qui rebus suis superesse non possunt (L. 2, D., De curat.); et on comprenait dans cette catégorie les sourds-muets (Inst., § 4, De curat.), ceux qui étaient atteints d'une maladie perpétuelle (eod.), les prodigues, autres toutefois que ceux que désignait la loi des douze tables (V. M. Ortolan, eod., § 3). De là deux sortes de curatelles celle qui dérivait de la loi des douze tables et qui appartenait aux agnats, nommés curatelle légitime, et celle qui était déférée par le préteur et appelée curatelle honoraire ou curatelle dative (Ulpien, Reg. 12, § 1).-V. Aliéné, no 11.

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6. Il n'est pas inutile d'observer que, d'après la loi romaine, le prodigue semblait frappé d'une incapacité plus profonde que l'insensé lui-même; car, tandis que l'interdiction de ce dernier n'était jamais formellement décrétée en justice, comme si, touché de son infortune, le législateur eût voulu lui épargner l'éclat humiliant d'une sentence publique, l'incapacité du prodigue était, au contraire, proclamée par le préteur avec une espèce de solennité : « Quandò, disait ce magistrat au prodigue, tua bona paterna, avitaque nequitia tua disperdis, liberosque tuos ad egestatem perducis, ob eam rem tibi ea re, commercioque interdico»> (Paul., L. 3, s. 4, t. 5, § 9). — Voici, d'après l'observation de M. Demolombe, t. 8, no 431, quelle était la raison de cette différence. Pour le furieux, on disait : Ou il est en proie à sa maladie, et alors, ne pouvant consentir, ses actes sont nuls d'après le droit commun; ou il se trouvait, lors de la passation de l'acte, dans un moment lucide et alors, ayant pu consentir, la convention est valable, également d'après le droit commun. Quant au prodigue, la position est différente; il peut consentir, lui; il sait ce qu'il fait; et, comme il se trouve valablement engagé, il était important de lui accorder un secours spécial contre sa dissipation et ses désordres (L. 1, ff., Decur. fur.).—Lorsque la curatelle n'appartenait pas aux agnats, le curateur devait être nommé par le magistrat. Il n'en était pas ici comme dans la tutelle; un curateur ne pouvait être donné par testament. Mais celui qui avait été ainsi nommé pouvait être confirmé par le préteur (Inst., liv. 1, tit. 23, De curat., § 1). Lorsque la nomination appartenait au magistrat, elle devait, dans certains cas, être précédée d'une enquête. Cette enquête portait à la fois et sur la personne de l'individu dont on demandait l'interdiction, et sur celle du curateur, afin de savoir d'une part, si la démence n'était pas feinte (Ulpien, L. 1, De omnibus tribunalibus); d'autre part, si le curateur offrait une suffisante garantie (L. 12, 13, D., De excusat.; L. 6, 13, De curat. fur.; V Janus Schroder, Dissert. de legib. et instit. in commodum mente alienatorum, Amsterdam, 1858). Cet examen, suivant l'auteur qu'on vient de citer, et qui se fonde sur la loi 13, D., De curat., pouvait avoir lieu même à l'égard du curateur légitime.-Le droit de faire l'enquête appartenait, à Rome, au préfet de la ville et au préteur, chacun suivant sa jurídiction, dans les provinces aux présidents, et, lorsque la fortune de l'interdit n'excédait pas 500 solides, aux magistrats particuliers de la ville.-Au reste, V. vo Minorité-tutelle.

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7. Le droit ou le devoir de réclamer la nomination du curateur était dévolu aux agnats, à la mère, aux officiers de police, aux affranchis de celui dont on demandait l'interdiction,et même, suivant quelques auteurs, à ses créanciers. Cette demande était une obligation pour la mère et les affranchis (L. 2, § 1, D., Qui pet. cur.), sous la sanction, pour la mère d'être privée de l'hérédité de son fils (eod.), et, pour les affranchis, d'être punis par le président (eod.). Les magistrats étaient tenus également de nom

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8. La curatelle n'était jamais donnée aux femmes. Le marine pouvait être nommé curateur à son épouse, ni le fiancé à sa fiancée (L. 1, D., De curat.; L. 2, D., De tut. et cur. dat.; Nov. 94, c. 2; 118, c. 5). La curatelle de la mère appartenait au fils, qui pouvait même être nommé curateur de son père en démence, quoique cela eût fait difficulté pendant quelque temps (L. 12, § 1, D., De tut. et cur. dat.; L. 1, § 1, 2, 4, De curat. fur.). -Les règles relatives aux excuses et aux exclusions de la tutelle s'appliquaient aux curatelles. V. Minorité.

9. Les curateurs étaient tenus en général de donner caution. On en dispensait ceux qui étaient désignés par testaments et confirmés par le prêteur, ou qui étaient nommés par ce magistrat après enquête (Inst., tit. 24, De satisd. tutor.). Les curateurs furent astreints par Justinien à jurer sur l'Évangile, d'agir, conformément à l'intérêt de l'interdit, à faire inventaire de ses biens. Ils étaient soumis en outre à l'hypothèque légale de même que les tuteurs. V. Minorité.

Quant à

10. Le pouvoir du curateur était analogue à celui du tuteur quant à la personne de l'insensé. In eo potestas esto, disait la loi des douze tables. Cette expression potestas est également celle dont se sert la loi romaine pour définir la tutelle. Le curateur devait donc établir, à l'avance, les soins à donner à l'interdit, déterminer son genre de vie, lui fixer sa résidence, etc., etc. l'administration des biens, le pouvoir du curateur différait de celui du tuteur. L'interdit était considéré en quelque sorte comme absent; absentis loco, dit Paul, L. 124, § 1, D., De reg. juris, ou comme endormi (Paul, L. 1, § 3, D. De acquir. possess.; Florentinus, L. 12, D., Ad leg. corn. sic.; L. 5, § 2, Ad leg. aquil.); parce qu'il ne comprend pas, et qu'il est censé n'avoir aucune volonté, manquer de la conscience des choses (mente carere), et dès lors il ne pouvait faire par lui-même aucune affaire. Le pupille, au contraire, contractait personnellement; il était regardé comme agissant en connaissance de cause, lorsque sa personne civile se trouvait complétée, augmentée par l'adjonction de son tuteur.-Il résultait de là que le curateur ne pouvait faire que des actes d'administration, et que, quant aux alienations, il fallait l'autorisation de la justice, laquelle n'était donnée que s'il en résultait un grand avantage pour l'interdit (L. 7, 10, 12, 17, D., De cur.; L. 20, D., De statu hominum). De même que le tuteur, le curateur devait administrer les biens en bon père de famille (L. 1, D.. De tut.; L. 15, D., De cur.; L. 23, C., De admin: tut.; Nov. 72, c. 8). Quand il s'agissait de la curatelle légitime, on pouvait décomposer, en quelque sorte, le pouvoir du curateur dans le cas où il était inhabile, en donnant à ce curateur l'administration des biens et à un autre curateur, nommé par le magistrat, I l'administration de la personne (L. 13, De cur. fur.).

11. La curatelle subsistait pendant toute la vie de l'insensé, mais ne l'empêchait pas de faire tous les actes de la vie civile pendant les intervalles lucides, sans l'assistance de son curateur (C. lib. 5, tit. 70, L. 6).-Du reste, l'interdit conservait tous ses titres et n'était pas légalement privé de ses droits de citoyen.La curatelle cessait de plein droit dès que la cause qui y avait donné naissance n'existait plus (lib. 1, pr. D., De curat.); mais il fallait que l'état de santé fût permanent, les intervalles lucides laissant toujours subsister la curatelle. C'est ce qui résulte de la décision de Justinien (C. lib. 5, tit. 70).-Du reste, les causes qui mettaient fin à la tutelle s'appliquaient également aux curatelles V. à cet égard vo Minorité.

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12. L'ancienne jurisprudence française frappait d'interdiction le dément, le sourd-muet et le prodigue. Seulement, depuis la découverte de cette méthode admirable qui, en dotant, pour ainsi dire, les sourds-muets des organes dont la nature les a privés, les rend capables de vaquer aux fonctions de la vie civile, les magistrats, et particulièrement ceux du Châtelet, étaient dans l'usage de ne pas prononcer l'interdiction des sourds-muets qui savaient lire et écrire, parce qu'alors, comme le dit Denizart, leurs volontés peuvent être juridiquement constatées (V. no 26).

Mais nos anciens législateurs ne s'étaient pas bornés à appliquer la mesure de l'interdiction aux trois espèces de personnes

que nous venons de rappeler. Aveuglés par les préjugés de leur temps, ou égarés par un sentiment excessif de leurs devoirs envers les citoyens, ils rangeaient encore au nombre des cas d'interdiction celui où une femme, née dans une condition honnête, et ayant des enfants d'un précédent mariage, prétendait se mésallier en se mariant à un homme vil par lui-même ou d'un état abject. Cette disposition, qui résultait de l'art. 182 de l'ordonnance de Blois, fut plusieurs fois mise à exécution par les parlements de Paris et de Bretagne. Un arrêt de ce dernier parlement avait été jusqu'à décider même qu'une femme qui avait fait un semblable mariage était interdite de plein droit, sans aucun jugement qui l'eût déclarée telle, et que, par conséquent, tous les contrats qu'elle avait faits pendant son mariage étaient nuls.—On admettait encore des interdictions partielles, dont l'effet était d'enlever à un citoyen, à l'égard de certains droits déterminés, la faculté d'agir sans conseil. Ainsi, lorsqu'un individu faisait craindre qu'il ne se déshonorât par quelque alliance, on lui nommait un conseil sans l'avis duquel il ne pouvait contracter mariage. On prenait la même précaution envers celui qui avait montré trop de facilité à entreprendre des procès (V. M. Merlin, Rép., vo Interdiction). Le déréglement des mœurs était mis au nombre des causes d'interdiction; et il paraît, d'après le témoignage de Méslé, chap. 2, part. 13, no 3 et 18, qu'on appliquait particulièrement cette mesure aux femmes qui menaient une vie débauchée. Quelquefois l'interdiction n'était prononcée que pour un temps; on trouve dans Merlin un arrêt du parlement de Paris qui ne prononce l'interdiction que pour deux ans (Rép., vo Interdict., § 4). D'autres fois elle n'avait pour objet que d'assurer l'exécution d'un acte dans ce cas elle était limitée au délai fixé pour l'exécution de cet acte. Dans l'ancienne jurisprudence française, ajoute Meslé (loc. cit., no 27), on avait pourvu à la situation de ceux qui sont débilités par leur grand âge. Au moyen de certains accords entre ceux-ci et leurs parents ou héritiers présomptifs, le gouvernement du patrimoine était remis à ces derniers, avec défense d'aliéner, et en laissant aux vieillards le droit plus ou moins étendu de recevoir tout ou partie de leurs revenus. Bien que, selon la remarque de M. Demolombe, t. 8, no 434, notre droit actuel ne renferme rien de semblable et que la justice ne pourrait pas homologuer aujourd'hui de semblables arrangements, il n'en est pas moins vrai que le grand age, s'il engendrait l'imbécillité, ne fût une cause d'interdiction.-V. n° 28.

13. La plupart des parlements admettaient l'interdiction volontaire, soit lorsqu'un individu, se reconnaissant incapable, par suite de l'affaiblissement de son intelligence, demandait luimême à être interdit, soit lorsque, par suite d'une convention, il s'était volontairement obligé à se soumettre à l'interdiction. Ces sortes de conventions ou de demandes étaient toujours accueillies par la justice, qui prononçait alors sans aucune procédure. — Aujourd'hui, comme on le verra, il n'en pourrait plus élre ainsi.

14. Dans l'origine, l'interdiction ne recevait aucune espèce de publicité, de sorte que les tiers, qui n'en avaient pas eu connaissance, et qui avaient traité avec un individu dont ils ignoraient l'incapacité, se trouvaient exposés à voir prononcer l'annulation de conventions consenties de bonne foi. Pour remédier à cet abus, l'ordonnance de 1629 (code Michaud) déclara que les sentences d'interdiction seraient affichées aux greffes des juridictions ordinaires et publiées en jugement à peine de nullité au regard des tiers. Le châtelet alla plus loin. Il exigea que la sentence d'interdiction fût signifiée aux cent vingt notaires de son ressort. V. n° 129.

15. Il s'était introduit un autre abus non moins dangereux, surtout en matière d'interdiction volontaire. Dans plusieurs siéges il était statué par un seul juge, soit sur l'interdiction, soit sur la demande en mainlevée : celui-ci prononçait dans sa maison, sans information préalable, sans entendre la partie publique. Pour mettre un terme à ces abus, les lettres patentes du 25 nov. 1769 déclarèrent qu'il ne pourrait à l'avenir être statué sur lesdites demandes que sur les conclusions de la partie publique et par délibération des juges. Mais le châtelet de Paris persista à prononcer sans conclusions du ministère public, sans avis du conseil de famille, sans information ni enquête. -V. no 122.

16. Quoi qu'il en soit, comme les lettres patentes ne parlaient que de l'interdiction, il a été jugé qu'elles ne s'appliquaient point aux dations de conseils judiciaires, qui différaient essentiellement de l'interdiction; que, par conséquent, la dation du conseil n'était point soumise aux formalités prescrites par ces lettres patentes (Rej. 27 flor. an 7, MM. Bayard, pr., Rozier, rap., aff. Lefevre-Laboulaye C. Varennes).

17. Les lois de la révolution n'abrogèrent pas les règles de l'ancien droit en matière d'interdiction. Seulement la loi des 1624 août 1790, tit. 3, art. 11, déclara 1o que le juge de paix recevrait les délibérations de famille pour la nomination des tuteurs ou curateurs aux absents et aux enfants à naître, etc.; disposition qui a été déclarée applicable aux demandes en interdiction (Req. 25 pluv. an 12, MM. Muraire, pr., Brillat, rap. aff. Bureau);—2o Que le ministère public serait entendu dans les causes qui intéressent les interdits.-Le code pénal de 1791 plaça les individus qui avaient encouru certaines condamnations judiciaires en état d'interdiction légale (1re part., tit. 4,V. Lois codifiées, p. 234). Un décret du 2 sept. 1793 porte : « Un membre propose de charger le comité de législation d'examiner la question de savoir si, en anéantissant les interdictions actuellement existantes qui n'ont été prononcées que pour cause de prodigalité, il ne serait pas juste de donner effet aux obligations contractées pendant la durée de ces interdictions par ceux qui en étaient frappés. >> Cette proposition fut décrétée. Il résulte de ce décret que le comité de législation fut chargé d'examiner s'il y avait lieu d'abolir les interdictions prononcées contre les prodigues, et de fixer, dans ce cas, les conséquences de l'abolition; mais non de prononcer l'abrogation des lois anciennes (V. le chap. 8). — Enfin l'art. 15, no 1, de la constitution du 5 fruct. an 5 porte : « L'exercice des droits de citoyen est suspendu par l'interdiction judiciaire pour cause de fureur, de démence ou d'imbécillité. » Comme cet article ne parle pas de la prodigalité, on avait pensé que l'interdiction ne pouvait plus être prononcée dans ce cas, mais cette opinion n'avait pas été admise. V. le chap. 8.

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18. Quoi qu'il en soit, le nouveau législateur a mis fin à ces incertitudes. Justement avare de la liberté des citoyens, dont les temps antérieurs avaient développé le sentiment avec énergie, il n'a permis aux tribunaux de recourir à la mesure de l'interdiction que dans le cas extrême d'une démence manifestée par des actes habituels. Quant au prodigue, pressé par la nécessité d'imposer un frein à ses désordres, mais convaincu en même temps qu'on ne pouvait, sans injustice, le frapper de la même incapacité que le dément ou le furieux, le législateur s'est borné à lui enlever, à l'égard de certains droits qu'il détermine, la faculté d'agir sans l'assistance du conseil. Cette innovation ne passa pas sans difficultés. Le titre du code relatif à la majorité, à l'interdiction et au conseil judiciaire, ayant été présenté au conseil d'Etat par M. Emmery, M. Maleville demanda le maintien de l'interdiction pour cause de prodigalité; toutefois il admit que, dans ce cas, le droit de la provoquer ne devait être attribué qu'à ceux qui seraient obligés de fournir des aliments au prodigue. Cette proposition a été combattue par M. Treilhard et surtout par M. Portalis; c'est principalement sur les observations de cet orateur que fut admise la disposition du code qui, au lieu de prononcer l'interdiction contre le prodigue, se contente de le soumettre à la direction d'un conseil judiciaire. Voici au surplus les diverses phases que parcourut le titre qui nous occupe. Présenté au conseil d'Etat le 15 brum. an 11, la discussion fut ouverte immédiatement et continuée à la séance du 20 brum. an 11. Quelques modifications ayant été introduites, une nouvelle rédaction fut présentée par M. Emmery à la séance du 4 frimaire. Le lendemain, le projet de loi fut communiqué à la section de législation du Tribunat, qui l'examina dans la séance du 10 et arrêta certaines observations qui donnèrent lieu à des conférences entre le conseil d'Etat et le Tribunat.

Le 21 ventôse, M. Emmery présente la rédaction définitive. Le 28, il lit l'exposé des motifs au corps législatif (1).

(1) Exposé des motifs de la loi relative à la majorité, à l'interdiction et au conseil judiciaire, par le conseiller d'État Emmery (séance du 28 vent. an 11).

1. Législateurs, nous vous apportons le complément de la première

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