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affûts, et couchées la plupart sur le sable, n'offrant que les tristes débris d'un siége, bien loin d'être prêtes à en soutenir. Tel était le véritable état des Dardanelles et des châteaux supérieurs situés à l'embouchure du détroit, lorsque l'escadre russe s'y présenta.

Alexis Orlof avait refusé à Elphinston de l'autoriser ni de le seconder dans l'entreprise qu'il avait proposée. L'intrépide Anglais voulut au moins prouver que le succès aurait suivi sa promesse. Il entre dans le canal à la tête de trois vaisseaux dont il avait le commandement, et passe, sans être atteint, sous le feu de l'artillerie ottomane : le peu de pièces qui font feu n'avaient pas de munitions pour recharger. Ne se voyant pas suivi par le reste de l'escadre, Elphinston, plein d'un égal mépris pour les Russes et pour les Ottomans, revire de bord; et rejoint des chefs si peu dignes de vaincre. Le pavillon de Catherine ne se présente plus; et pendant que Moldavandgi s'attribuait l'honneur d'avoir fait fuir un ennemi à qui on n'a vait pas permis de l'attaquer, pendant que le baron de Tott préparait au château d'Europe une batterie et des boulets rouges, pendant qu'ils plaçaient de l'artillerie à Kepas-Bouroun et sur les points les plus rapprochés du canal,

1770.

la flotte russe s'éloignait. Ainsi tous les fruits de Ia terrible victoire de Tchesmé se bornèrent à l'occupation de l'île de Lemnos et au siége de la forteresse.

Les armes ottomanes n'étaient guère plus heureuses sur le Danube que dans l'Archipel. L'armée de Galitzin avait passé sous les ordres de Romantzof: ses quartiers d'hiver venaient d'être pris en Pologne; tous ses détachemens de la Moldavie étaient repliés. Les musulmans, commandés par Halis - Pacha, fils inconnu d'Aïvas qui avait dicté la paix de Belgrade, et que la voix publique, en mémoire des services de son père, venait d'appeler au visiriat; les musulmans, sous ce successeur de Moldavandgi, ne tentaient ne tentaient pas de plus glorieuses entreprises, et se tenaient sur la rive droite du Danube, heureux de défendre contre les Russes le passage du fleuve. La Moldavie, évacuée restait exposée aux exécutions militaires de quelques détachemens ottomans qui la parcouraient, et punissaient par la violence, le pillage et les massacres, le serment de fidélité que habitans avaient imprudemment prêté à l'impératrice Catherine.Cette souveraine envoya ordre à Romantzof de repasser le Niester, de garder la rive gauche du Danube, pendant qu'une se

les

conde armée, aux ordres du comte Panin, arrivait par l'Ukraine pour former le siége de

Bender.

Cependant Jacoubaga qui, depuis la mort de Crim-Gueray, son maître et son protecteur, n'avait plus de patrie, et avait attaché sa fortune à celle des Russes, Jacoubaga profitait de l'inimitié qui régnait entre les tribus des Tartares, les unes encore attachées à la branche de Crim-Gueray, les autres au khan actuel, et les premiers germes de la défection de ces peuples, au profit de l'impératrice Catherine, étaient déjà jetés avec fruit. A la faveur de ces intrigues et des fallacieuses promesses faites au nom de la cour de Pétersbourg, Panin avait traversé la nouvelle Servie, et était arrivé sans obstacle dans la Moldavie tartare ou Bessarabie devant Bender, à la tête de trente mille Russes et de trente mille Cosaques et Calmoucks. Un grand détachement alla couvrir le flanc gauche de l'armée assiégeante, masquer Oclakof, destinée à être attaquée ensuite, et contenir les Tartares de la Crimée; mais ils étaient déjà sortis de leur presqu'île, le nouveau khan à leur tête. Ils fondirent sur les Russes, au nombre de cinquante mille, les repoussèrent, traversèrent le bas Niester à la nage, et vinrent en

1770.

Moldavie protéger le passage de l'armée ottomane, qui accourait secourir la place assiégée et les villes menacées.

Fidèle aux ordres qu'il avait reçus, Romantzof passa le Niester avec une armée seulement de dix-sept mille combattans. Il était forcé de laisser de forts détachemens pour protéger ses vivres, et maintenir les communications avec la Pologne d'un côté et de l'autre avec l'armée qui assiégeait Bender.

Les Tartares harcelaient, inquiétaient, altaquaient les Russes sans les entamer, à la vérité, mais avec la même constance et le même succès que les Parthes fatiguaient autrefois l'armée de Crassus. Les Tartares voulaient donner le tems au grand-visir de passer le Danube; ils y réussirent. Dix mille Ottomans traversèrent le fleuve sur des bateaux, les inondations ayant rendu inabordable le seul pont qui y eût été jeté. Ce corps s'empara d'une position avantageuse sur les bords du Pruth, près du Lurgo, et s'y croyait inattaquable. Romantzof surprit les musulmans au point du jour, emporta leurs retranchemens, les chassa, et demeura maître de trente-huit pièces de canon; mais il se trouvait alors entre cinquante mille Tartares manœuvrant sur ses derrières, et l'armée du

grand-visir qui avait achevé de passer le Danube au nombre de cent trente mille hommes. Séparé de ses vivres, Romantzof n'avait plus de pain que pour trois jours. Instruits de sa situation et de sa détresse, les Tartares et les Ottomans combinant leurs mouvemens, méditèrent d'environner les Russes de toutes parts. La catastrophe de Pierre I, sur les mêmes rives du Pruth, se reproduisait sous toutes ces apparences vraisemblables. Romantzof résolut ce problème au profit de sa gloire : il prouva que Mehemet-Baltadgi n'avait pas eu tort de traiter, et que le czar aurait pu être vainqueur. Arrivé à la vue des Ottomans, Romantzof les attaqua avant de leur laisser le tems de se retrancher. Ceux-ci, quoiqu'assaillis au milieu de la nuit, ne furent pas surpris contre leur ordinaire, parce qu'une fausse alerte avait mis sous les armes une partie de leurs troupes. Les Russes avançaient formant quatre grands carrés, ayant dans leur centre une nombreuse artillerie. En vain les spahis fondirent sur eux dans plusieurs charges répétées. Les carrés, hérissés de bayonnettes, ne s'ouvraient que pour vomir un feu terrible d'artillerie, et se refermaient aussitôt, ne présentant plus qu'un mur de fer impénétrable. Romantzof soutint ce combat pendant

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