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Mais, si dans un bosquet obscur et retiré
Il est un coin désert, un réduit ignoré,
Au-dessous de Gessner, et bien loin de Virgile,
Hôtes de ces beaux lieux, gardez-moi cet asile.
Content, je vous verrai, dans vos rians vallons,
De l'art que je chantai pratiquer les leçons,
Enrichir vos hameaux, parer leur solitude,
Des partis turbulens calmer l'inquiétude.
Heureux si quelquefois, sous vos ombrages verts,
L'écho redit mon nom, mon hommage et mes vers ! ?
Mais, ne l'oublions pas, à la ville, au village,
Le bonheur le plus doux est celui qu'on partage.
Heureux ou malheureux, l'homme a besoin d'autrui ;
Il ne vit qu'à moitié, s'il ne vit que pour lui.

Vous donc, à qui des champs la joie est étrangère,
Ah! faites- y le bien, et les champs vont vous plaire.
Le bonheur dans les champs a besoin de bonté.
Tout se perd dans le bruit d'une vaste cité ;
Mais au sein des hameaux le château, la chaumière,
Et l'oisive opulence et l'active misère,

Nous offrent de plus près leur contraste affligeant,
Et contre l'homme heureux soulèvent l'indigent.
Alors vient la bonté qui désarme l'envie,

Rend ses droits au malheur, l'équilibre à la vie,

Corrige les saisons, laisse à l'infortuné

Quelques épis du champ par ses mains sillonné,

Comble enfin par ses dons cet utile intervalle
Que met entre les rangs la fortune inégale.

Eh! dans quels lieux le ciel, mieux qu'au séjour des champs
Nous instruit-il d'exemple aux généreux penchans?
De bienfaits mutuels voyez vivre le monde.

Ce champ nourrit le bœuf, et le boeuf le féconde;
L'arbre suce la terre, et ses rameaux flétris
A leur sol maternel vont mêler leurs débris ;
Les monts rendent leurs eaux à la terre arrosée;
L'onde rafraîchit l'air, l'air s'épanche en rosée :
Tout donne et tout reçoit, tout jouit et tout sert.
Les cœurs durs troublent seuls ce sublime concert.
L'un, si du dé fatal la chance fut perfide,
Parcourt tout son domaine en exacteur avide;
Sans sécher une larme épuisant son trésor,
L'autre, comme d'un poids, se défait de son or.
Quoi, ton or t'importune? ô richesse impudente!
Pourquoi donc près de toi cette veuve indigente,
Ces enfans dans leur fleur desséchés par la faim,
Et ces filles sans dot, et ces vieillards sans pain?

Oh! d'un simple hameau si le ciel m'eût fait maître,
Je saurois en jouir: heureux, digne de l'être,

Je voudrois m'entourer de fleurs, de riches plants,
De beaux fruits, et sur tout de visages rians;
Et je ne voudrois pas, qu'attristant ma fortune,
La faim vînt m'étaler sa pâleur importune.

Le soc,

Mais je hais l'homme oisif: la bêche, les rateaux,
tout l'arsenal des rustiques travaux,
Attendroient l'indigent, sûr d'un juste salaire,
Et chez moi le travail banniroit la misère.

C'est peu :
des maux cruels troublent souvent ses jours;
Aux douleurs, au vieil âge assurez des secours.
Dans les appartemens du logis le moins vaste
Qu'il en soit un où l'art, avec ordre et sans faste,
Arrange le dépôt des remèdes divers

A ses infirmités incessamment offerts.

L'oisif, de qui l'ennui vient vous rendre visite,
Loûra plus volontiers, de sa voix parasite,
Vos glaces, vos tapis, votre salon doré ;
Mais pour tous les bons cœurs ce lieu sera sacré.
Souvent à vos bienfaits joignez votre présence;
Votre aspect consolant doublera leur puissance.
Menez-y vos enfans; qu'ils viennent sans témoin
Offrir leur don timide au timide besoin;
Que sur tout votre fille, amenant sur vos traces
La touchante pudeur, la première des grâces,

Comme un ange apparoisse à l'humble pauvreté,
Et fasse en rougissant l'essai de la bonté :

Ainsi, comme vos traits, leurs mœurs sont votre image;
Votre exemple est leur dot, leurs vertus votre ouvrage.
Cœurs durs, qui payez cher de fastueux dégoûts,
Ah! voyez ces plaisirs, et soyez-en jaloux.
L'homme le plus obscur, quelquefois, sous le chaume
Gouverne en son idée une ville, un royaume.
Moi jamais, dans l'erreur de mes illusions,
Je n'aspire à régler le sort des nations:

Me formant du bonheur une plus humble image
Quelquefois je m'amuse à régler un village;
Je m'établis le chef de ces petits états.

Mais à mes propres soins je ne me borne pas;
Au bon gouvernement de ce modeste empire
Je veux que du hameau chaque pouvoir conspire.
O vous pour qui j'écris le code des hameaux,
Souffrez que mes leçons, se changent en tableaux.

Voyez-vous ce modeste et pieux presbytère ?
Là vit l'homme de Dieu, dont le saint ministère
Du peuple réuni présente au ciel les vœux,
Ouvre sur le hameau tous les trésors des cieux,
Soulage le malheur, consacre l'hyménée,
Bénit et les moissons et les fruits de l'année,

Enseigne la vertu, reçoit l'homme au berceau, Le conduit dans la vie, et le suit au tombeau. Je ne choisirai point, pour cet emploi sublime, Cet avide intrigant que l'intérêt anime;

a

Sévère autrui, pour lui-même indulgent,

pour

Qui pour un vil profit quitte un temple indigent,
Dégrade par son ton la chaire pastorale,

Et sur l'esprit du jour compose sa morale.
Fidèle à son église, et cher à son troupeau,
Le vrai pasteur ressemble à cet antique ormeau
Qui, des jeux du village ancien dépositaire,
Leur a prêté cent ans son ombre héréditaire,
Et dont les verts rameaux, de l'âge triomphans,
Ont vu mourir le père et naître les enfans.
Par ses sages conseils,
conseils, sa bonté, sa prudence,
Il est pour le village une autre providence :
Quelle obscure indigence échappe à ses bienfaits?
Dieu seul n'ignore pas les heureux qu'il a faits.
Souvent dans ces réduits où le malheur assemble
Le besoin, la douleur et le trépas ensemble,
Il paroît; et soudain le mal perd son horreur,
Le besoin sa détresse, et la mort sa terreur.
Qui prévient le besoin, prévient souvent le crime.
Le pauvre le bénit, et le riche l'estime;

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