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continuelles, et mieux disciplinées que les chrétiens, réparoient encore les vices d'un gouvernement, qui devoit un jour énerver les forces des Turcs, et les faire mépriser de leurs voisins.

Constantinople, prise en 1453 par Mahomet II, devint la capitale de leur empire, et les princes de l'Europe, plongés dans l'ignorance et la barbarie, n'auroient opposé qu'une digue impuissante à ce torrent débordé, si les premiers successeurs de Mahomet, à la tête d'une nation qui conservoit encore les mœurs, le génie et la discipline de ses fondateurs, n'eussent été obligés d'interrompre leurs expéditions contre la Pologne, la Hongrie, ou les domaines de la république de Venise, pour porter la guerre, tantôt en Asie, tantôt en Afrique, et y éteindre des révoltes ou châtier des voisins inquiets. Dès que les Turcs furent dans la nécessité de partager leurs forces, leur fortune commença à décheoir. Des succès moins rapides et moins brillans firent perdre à leurs armées, cette confiance, qui étoit l'ame de leurs exploits; et le reste de l'Empire n'étoit rien, parce qu'il étoit écrasé par le despotisme le plus rigou reux. Ses conquêtes ne lui avoient donné

aucune force réelle, parce qu'il n'avoit pas su les mettre à profit par de sages réglemens. Détruisant pour conserver, les vainqueurs n'avoient rien acquis, ou ne régnoient que dans des provinces dévastées, et sur les débris des puissances qu'ils avoient ruinées. Les Turcs, dit Ricaut, n'ont point d'autre moyen pour conserver leur pays que celui par lequel ils l'ont gagné, qui est par la force et par les armes; c'est-à-dire, en tuant, en désolant les provinces, en transportant les habitans des villes et des villages du lieu de leur naissance, en un autre plus proche de la ville capitale de l'Empire, et en les mettant sous la conduite d'un gouverneur impitoyable; car, tous les autres moyens, dont les nations civilisées se servent adroitement pour gouverner les hommes et pour assurer leurs conquêtes, leur sont inconnus.",

Tandis que la prospérité trompeuse de l'empire Ottoman annonçoit sa décadence, il se préparoit une révolution contraire dans la chrétienté. Les esprits étoient prêts à s'éclairer; et les Grecs, qui se réfugièrent en Italie, après la prise de Constantinople, contribuèrent sans doute beaucoup aux progrès de nos connoissances. De tout côté, la politique commen

çoit à se conduire par des principes moins déraisonnables; le gouvernement féodal qui, depuis plusieurs siècles, avoit causé tant de maux, faisoit place dans plusieurs états à un gouvernement plus régulier; et dans d'autres se prêtoit à des lois et à des coutumes nouvelles, qui en changeoient en quelque sorte, la nature.

Enfin, il se forma dans le voisinage des Turcs, une puissance capable de leur résister; je veux parler de l'avènement de Ferdinand I au trône de Hongrie. Ce prince possédoit le royaume de Bohême et les provinces qui en dépendent, telles que la Silésie, la Moravie et la Lusace. Bientôt il fut le maître des anciens domaines de sa maison en Allemagne; et quand il parvint à l'empire, la dignité impériale n'étoit plus un vain titre. Le règne de Charles-Quint, son frère, auquel il succédoit, avoit causé une révolution dans le gouvernement de l'empire; les prétentions incertaines, équivoques et contestées des empereurs, étoient en quelque sorte devenues des droits. Si les princes du corps Germanique se flattoient encore d'être libres et indépendans des lois, ils sentoient du moins la nécessité d'avoir des complaisances

pour un chef plus puissant qu'eux. Ferdinand premier hérita de tout ce pouvoir; les couronnes de Hongrie, de Bohême et d'Allemagne furent, pour ainsi dire, héréditaires dans sa maison; et, à son exemple, ses successeurs eurent l'art de persuader aux Allemands, que la Hongrie étoit une barrière qui les couvroit du côté des infidelles, et que l'Empire devoit par conséquent, s'intéresser à son salut.

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On a remarqué que tout gouvernement despotique devient militaire; je veux dire que les soldats s'emparent tôt ou tard de l'autorité souveraine. Le prince qui, n'étant soumis à aucune loi, veut user d'un pouvoir arbitraire, en gouvernant les hommes, ne peut avoir pour sujets que des esclaves, qui ne prennent aucun intérêt à son sort. Comme il n'y a aucune loi qui retienne sa puissance dans de certaines bornes, il n'y en a aussi aucune qui le protège et serve de fondement à sa grandeur. Il n'inspire aucune confiance, et doit bientôt craindre des peuples, dont il sait qu'il doit être haï. Se servant nécessairement de la milice pour tout opprimer, il est nécessaire que cette milice, si elle n'est stu¿pide, connoisse enfin ce qu'elle peut. Elle

essaye ses forces, elle se mutine, elle se révolte; et comme le prince ne peut rien lui opposer, l'esprit de sédition produit l'insolence; les soldats enhardis finissent par opprimer leur maître, et s'emparent du gouvernement, en décidant du sort de ceux qui

gouvernent.

Les troubles domestiques, dont l'empire. avoit été agité sous les règnes de Bajazet II et de Selim II, avertirent Soliman des dangers dont lui et ses successeurs étoient menacés: et il se contenta de faire une loi, pour défendre qu'à l'avenir les princes de sa maison parussent à la tête des armées, ou possédassent des gouvernemens de provinces. Il crut affermir le sultan sur le trône et ôter aux janissaires le prétexte de leurs séditions, en ensevelissant dans l'obscurité du sérail tous ceux qui, par leur naissance, pouvoient avoir quelque droit à l'empire; mais cette politique ne servit qu'à avilir ses successeurs. Corrompus par l'éducation du sérail, ils portèrent en imbécilles l'épée des héros qui avoient fondé et étendu l'Empire. Des princes ignorans, et qui n'avoient jamais vu que quelques femmes et des eunuques, furent destinés à jouir d'une autorité sans bornes.

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