La sortie ou la tentative de sortie d'un bâtiment d'un port bloqué où il était entré avant l'investissement, pourra constituer une seconde espèce de violation de blocus. Tout dépend ici des circonstances. Ainsi il y aura culpabilité de la part du navire qui tentera de sortir à la faveur de la nuit, en profitant d'un gros temps, en longeant la côte, malgré la présence des bâtiments bloquants. Il y aura encore violation de la part du navire qui tente de sortir du port avec une cargaison prise à bord après le commencement de l'investissement. Mais généralement les navires neutres sont libres de sortir du port bloqué sur lest ou avec une cargaison embarquée à bord avant l'ouverture du blocus. 11) Toujours la confiscation du navire ne peut-elle être prononcée que lorsque la violation est bien établie. De simples soupçons ne devraient entraîner qu'une saisie provisoire. Cependant la pratique accorde ici aux tribunaux une latitude presque sans bornes. 11) Hall p. 623. Wheaton, Elements II, p. 245. Oke Manning p. 329. Phillimore III, 476. De nombreux traités autorisent expressément ces espèces de sorties. [G. Voici ce qu'on peut dire en général: 1. Les navires qui se trouvaient déjà dans le port avant le blocus, doivent obtenir un délai suffisant pour pouvoir en sortir librement. En général on accorde 15 jours, comme l'ont fait p. ex. les puissances occidentales dans la guerre de Crimée, les États-Unis dans la guerre civile, le France en 1870. 2. Les navires qui y sont entrés avec une licence, doivent aussi être autorisés à en sortir librement. 3. Les navires qui ont été jetés par la nécessité dans le port bloqué ne violent pas le blocus et peuvent en sortir librement, mais ils doivent s'abtenir de toute opération commerciale dans le port. 4. Les vaisseaux publics des États neutres, parce qu'ils ne font aucun commerce contre lequel le blocus est dirigé, ne peuvent jamais être capturés et doivent pouvoir entrer et sortir librement pour servir au besoin d'intermédiaire entre leur gouvernement et leur ambassadeur résidant dans le port et pour protéger leurs nationaux. Le droit de suite c. à. d. la prétention qu'un navire neutre sorti d'un port bloqué est réputé en flagrant délit de violation pendant toute la durée de son voyage jusqu'au port de sa destination, n'est pas mieux fondé que le droit de prévention. L'argument de Wheaton alléguant que les belligérants n'ont souvent pas d'autres moyens de punir les neutres qui ont violé un blocus, n'est pas sérieux, parce qu'il suppose que le blocus n'est pas réel. Le délit, comme dit Hautefeuille II, p. 233, se borne au cas où le navire, aperçu au moment de la violation du blocus, a été poursuivi à vue par un des bâtiments bloquants. Dans ce cas le délit dure aussi longtemps que la poursuite à vue pourra être continuée.] Extension forcée du droit de blocus. § 157. Il y a des peuples maritimes dont la pratique ne s'est pas même renfermée dans les limites que nous venons de tracer et qui, à diverses époques, ont cherché à donner au droit de blocus une extension encore moins conforme à son caractère naturel et généralement adopté.') Ils ont prétendu mettre de vastes côtes en état de blocus par un simple ordre de cabinet, en établissant quelques croisières dans leur voisinage et en portant le blocus à la connaissance des peuples neutres. Déjà en 1560 la Suède, dans sa guerre contre la Russie, se servait d'un pareil blocus. Plus tard ce furent les Hollandais qui en firent usage contre la Grande-Bretagne (1652), et ces deux puissances réunies en 1689 contre la France.1) Depuis c'est la coalition qui a déclaré en 1793 toutes, les côtes de la France en état de blocus, sous prétexte que les lois internationales ne pouvaient pas être appliquées à ce pays dans la situation où il se trouvait. En 1798 la Grande-Bretagne déclare en état de blocus tous les ports et les embouchures de la Belgique.2), Ces mesures, réputées d'abord exceptionnelles, ont causé aux États neutres des pertes considérables et ont provoqué en partie le système de la neutralité armée. Il ne restait qu'un pas à franchir: on commençait à déclarer en état de blocus des territoires, des îles entières, sans disposer en aucune manière des forces nécessaires pour le maintenir; et l'on appliquait aux contrevenants sur lesquels on pouvait mettre la main, les dispositions relatives au blocus réel, en lui substituant le blocus fictif; de cabinet; sur papier; par croisière, per notificationem. Qu'il nous soit permis de transcrire ici comme 1) [G. Déjà Édouard III publia un édit arrêtant que tout vaisseau étranger qui tenterait d'entrer dans un port français serait pris et brûlé.] Un document très-important pour la manière d'envisager le droit de blocus maritime est l'édit hollandais de 1630, commenté par Bynkershoek dans ses Quaest. jur. publ. I, 11, dans lequel on rencontre déjà les éléments de la jurisprudence anglaise postérieure. [G. Il n'introduisait aucune innovation dans la pratique suivie jusqu'alors, mais codifiait les abus du blocus fictif.] V. Wheaton, Histoire p. 86. éd. fr. II, 163. Hautefeuille II, ch. 5. tit. 9. Nys. p. 52 suiv. 2) Dumont, Corps diplom. VII, part. 2. p. 238. Wheaton, Histoire part. I, § 16 et II, § 31 (p. 284 suiv.). Ortolan II, p. 325. [G. Par le traité de 1801 l'Angleterre reconnut pourtant en principe l'inadmissibilité de cette espèce de blocus (§ 155).] traité. Les règles par nous retracées suffiront pour les faire résoudre. 1) Effets des traités de paix à l'égard de tiers. § 184. En thèse générale les traités de paix comme toutes les autres conventions (§ 94) ne sont obligatoires qu'entre les parties contractantes et en suite pour ceux qui dépendent de la volonté souveraine des contractants, 1) à savoir pour leurs États et sujets ainsi que pour leurs successeurs constitutionnels. *) C'est la nécessité reconnue en dernière instance de mettre fin à la guerre qui impose aux dites personnalités l'obligation 4) Sur la question de savoir: Si les traités de paix perdent leur validité par la reprise des hostilités? v. J. J. Moser, Vermischte Abhandl. no. 1 et P. C. A. Leopold, De effectu novi belli quoad vim obligandi pristinarum obligationum. Helmstädt 1792. [G. L'exécution effective prend souvent beaucoup de temps. Si les stipulations du traité sont violées par une des parties, avant qu'elles ne soient effectivement et complètement entrées en vigueur, la partie lésée est en droit de considérer tout le traité comme nul. C'est ainsi qu'au cours des négociations des plénipotentiaires de l'Autriche, de la France et de la Sardaigne à Zurich, relatives à l'exécution des préliminaires de Villafranca, il se passa en Italie, avec la coopération de la Sardaigne, des faits qui rendirent impossible de prime abord l'exécution du traité de paix. L'Autriche était autorisée ipso facto à regarder ce traité (un traité forme toujours un tout) comme nul, et même à recommencer la guerre; si elle ne l'a pas fait, c'était affaire de convenance politique. A l'exécution des traités se rattachent aussi les garanties que l'une ou l'autre partie droit devoir exiger, surtout en continuant à occuper à titre de gage une partie du territoire, jusqu'à l'exécution complète des clauses du traité, en vertu d'une stipulation expresse. Mais cette occupation n'a plus le caractère d'une mesure de guerre, par conséquent toute réquisition en argent ou en nature dans les districts occupés est interdite. (Art. 4 des préliminaires de Versailles du 20 févr. 1871 confirmé par l'art. 8 du traité du 10 mai.)] 1) [G. Il faut insister sur le pluriel, car dans aucun État constitutionnel le souverain seul ne peut décider d'une cession de territoire ni assumer des charges pour le pays sans la représentation nationale. C'est là-dessus que se basait précisément la protestation des états généraux contre la cession de la Bourgogne par François Ier à la paix de Madrid.] 2) Cette règle est reconnue par H. Grotius II, 14, 10. III, 20, 6. Les exceptions qu'il admet, suivant sa distinction des États en patrimoniaux et usufruitiers, et dans quelques autres cas, ne sont pas fondées. Le droit international moderne a trouvé son expression dans Kent, Commentaries I, 165. 166, et dans Halleck XXXIV, 13. Treaties of peace made by the competent authorities are obligatory upon the whole nation, and, consequently, upon all succeeding governments, whatever may be their character." de se soumettre aux conditions de la paix. D'un autre côté l'on ne pourra dire que le traité de paix forme une loi pour et contre toute autre personne, notamment à l'égard de tierces puissances, dont les droits ne dépendent nullement des actes des parties belligérantes; les clauses de la paix et leur exécution pourront seulement empiéter de fait sur les droits acquis déjà antérieurement par des tiers, mais ils ne peuvent les anéantir. Dans l'ancien monde on en pensait autrement. L'occupation d'un territoire hostile donnait par elle-même la propriété du pays conquis contre chacun; la conclusion de la paix n'en était que la confirmation. De même les publicistes les plus célèbres de l'ère moderne du droit international ont encore défendu cette opinion, 3) ce qui n'a pas manqué d'influer sur la pratique des gouvernements jusqu'à nos jours. L'Angleterre et l'Union de l'Amérique septentrionale y tiennent toujours. Cependant cette doctrine a été combattue comme contraire au droit commun des peuples Européens, lequel reconnaît un droit de propriété acquise à juste titre et valable envers tous, un droit de propriété non sujette aux dispositions d'autrui sans la concurrence du propriétaire titré. 4) En conséquence celui-ci pourrait encore revendiquer les choses comprises dans sa propriété contre leur détenteur actuel même après la cession à lui faite par un traité de paix. Sans doute le possesseur et ses ayant droit auront alors à se prévaloir des avantages de leur possession acquise par l'effet légitime de la guerre; ils auront à examiner les titres du revendiquant et à contester leur validité; ils pourront peut-être aussi réclamer un dédommagement équitable pour les frais et autres sacrifices de la guerre en compensation des avantages gagnés sans guerre par le véritable propriétaire. En dernier lieu la question 3) H. Grotius III, 6, 7 s. Pufendorf VIII, 6, 20: „jam per adprehensionem bellicam adquiritur jus quod valeat adversus quemcunque tertium pacatum. Sed ut captor adquirat dominium valiturnm etiam adversus eum, cui res erepta est, necessum ut accedat hujus cum altero pacificatio et transactio." Ajoutons Vattel III, 13, 195. de Kamptz, Beiträge z. Staatsund Völkerrecht I, 181 s. Aussi Halleck déclare au chap. XXXIII, 19: When a country which has been conquered is ceded to the conqueror by the treaty of peace, the plenum et utile dominium of the conqueror will be considered as having existed from the beginning of the conquest." 4) Voir J. L. Klüber, Droit des gens mod. § 255. 256, et les dissertations citées au § 255 sous la note de c. G. (de) Martens, Droit des gens § 282. établie la théorie d'après laquelle les neutres, par le transport des objets de contrebande, commettent une infraction envers la partie belligérante qui en souffre, et que les contrevenants peuvent être saisis et punis. Cette théorie, il est vrai, ne s'est complétement développée et n'a été généralement reconnue que depuis l'établissement de marines militaires considérables et l'introduction du système de course, car par là les belligérants acquéraient les moyens nécessaires pour faire respecter leurs prétentions par les peuples pacifiques. Cependant la ligue hanséatique, dans ses jours de grandeur, lorsqu'elle jouait encore un certain rôle politique, réussissait quelquefois à maintenir contre les belligérants la liberté absolue du commerce, même à l'égard des objets de contrebande, et à assurer en même temps à ses alliés la libre navigation dans les eaux des puissances en guerre.") Pendant les trois derniers siècles les États maritimes ont adopté, dans un intérêt commun et réciproque, la règle que les belligérants ont le droit de restreindre la liberté du commerce neutre, en ce qui concerne la contrebande de guerre, et de réprimer les infractions commises à cet égard. Un nombre infini de traités a consacré ce principe d'une manière expresse ou implicite.) Les lois intérieures des nations l'ont sanctionné également. Nous nous contentons de citer l'ordonnance de la marine de 1681 (III. 9. 11), celle de Louis XVI de 1778 et le Code général de Prusse (II. 8. § 2034 et suiv.; I. 9. 116 suiv.). §) Jamais ce droit n'a été sérieusement contesté aux belligérants. I 6) [G. Les prohibitions de l'antiquité s'adressaient aux citoyens, celles du moyen-âge aux fidèles; mais la contrebande de guerre telle que nous la concevons, tire son origine de la neutralité et c'est au neutre que s'adresse la prohibition. L'idée de la neutralité prend pour la première fois une forme plus nette dans les défenses devenues d'usage à partir du 14. siècle, de fournir des munitions et des vivres pendant la durée de la guerre aux adversaires d'un souverain ami. D'un autre côté, le belligérant défendait à ses alliés et amis de livrer des munitions à ses ennemis sous peine de saisie, soit préemption ou confiscation (Ordonnance de François I de 1543), v. pour l'histoire ultérieure de la contrebande: Nys, La guerre maritime. 1881, p. 37 suiv.] 7) On les trouve dans de Steck, loc. cit. p. 194-204 et dans Nau, Völkerseerecht § 156 suiv. Les traités de commerce et de navigation de notre siècle qui contiennent ce principe, seront indiqués par la suite. 8) V. de Pistoye et Duverdy I, p. 392. Hautefeuille II, p. 67. Philli more III, 464. Halleck ch. XXIV. L'ancienne jurisprudence anglaise est indiquée par Wildman II, p. 210. |