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les mœurs des autres peuples de l'Europe, non par motif de religion, mais parce qu'elles contrariaient leurs habitudes et leurs anciens usages. Les strélitz, qui étaient assez puissants pour disposer du trône, formaient un corps isolé au milieu de la nation, attendu que les jeunes russes capables de porter les armes n'étaient pas tous affiliés à cette corporation militaire. Le clergé, fort de l'ignorance du peuple, n'avait que l'influence que donnent les fonctions sacerdotales, et trouvait constamment des amis du trône dans les magistrats chargés de la justice, et quelquefois parmi les boyards, intéressés par devoir à défendre l'État et les prérogatives de la couronne. Les paysans serfs n'avaient d'autre volonté que celles des maîtres dont ils dépendaient.

Pierre-le-Grand put donc trouver dans sa nation un soutien contre le clergé et les strelitz; mais la position du sultan Sélim III, qui avait formé la résolution de l'imiter, était bien différente. Nous verrons, dans le récit des dernières révolutions de Constantinople, et dans les obser

vations qui le précèdent, que, même en supposant que ce prince eût possédé la force physique et morale de Pierre-le-Grand, comme il avait ses bonnes intentions et une partie de son génie, il n'aurait jamais trouvé dans sa nation un appui et des moyens suffisants pour renverser l'antique pouvoir des janissaires et des oulémas, et pour mettre les Osmanlis, en les civilisant, au niveau des plus grandes nations de l'Europe.

DE

CONSTANTINOPLE

EN 1807 ET 1808.

PREMIÈRE PARTIE.

Observations sur le Grand-Seigneur et la dynastie Ottomane, sur le corps ecclésiastique et judiciaire des Oulémas, sur les Janissaires et les autres corps militaires, sur la marine, les finances, le commerce, la population et le régime actuel de l'Empire Ottoman.

TROIS grandes révolutions ont agité l'empire ottoman durant les années 1807 et 1808. En moins de deux ans deux empereurs ont été déposés et étranglés; cinq grands visirs ont été destitués, décapités ou empoisonnés ; plusieurs ministres subalternes ont été mis en pièces par la populace de Constantinople; les nouvelles milices régulières dites des nizam gedittes et des seymen, ont été dissoutes et en partie exterminées. Tous ces grands événements, qui se sont

succédé avec une rapidité extraordinaire, ont été regardés en Europe comme des révolutions effrayantes, dont les conséquences funestes devaient se faire sentir pendant un très-grand nombre d'années. Mais les Turcs n'y ont vu que le résultat heureux d'une résistance ordinaire contre un gouvernement novateur, qui voulait changer les lois civiles et militaires de l'empire. Le calme a succédé aux plus affreux orages et le même peuple, alternativement souverain et esclave, a repris avec tranquillité ses fers sous un nouveau sultan. Tel est l'effet des lois et surtout des usages, qui gouvernent l'empire ottoman.

Mais le simple récit de ces grandes révolutions ne pourrait présenter qu'une énigme continuelle et difficile à débrouiller; j'ai cru qu'il convenait de le faire précéder par un exposé de la constitution actuelle de la Turquie, et par quelques détails et observations sur la force, les revenus, le commerce et la population de cet empire.

Plusieurs voyageurs célèbres ont écrit sur l'empire ottoman. Mais la plupart d'entre eux n'ont cherché à trouver dans cette terre classique que des restes mutilés d'anciens monuments, et n'ont parlé que légèrement et avec mépris des barbares qui gouvernaient ces fertiles contrées. Quelquesuns des écrivains, qui ont voulu approfondir la

constitution et les lois des Turcs, ont parlé avec emphase de l'autorité indéfinie du Grand-Seigneur et de la dépendance servile des sujets, parce qu'ils n'avaient parcouru cet empire que dans des moments de calme, lorsque rien ne paraissait pouvoir entraver la volonté du souverain regardé comme le lieutenant de la Divinité (1).

L'ambassadeur Porter et le chevalier d'Ohson, sont les auteurs qui ont le mieux écrit sur les lois politiques et religieuses de l'empire ottoman. Mais le premier s'est trompé en cherchant dans les lois existantes, et non dans les usages successivement introduits une force capable de balancer l'autorité souveraine. Le second nous a peint les Turcs, dans sa laborieuse et savante compilation, non tels qu'ils sont, mais tels qu'ils seraient, si les anciennes institutions politiques et religieuses étaient encore en vigueur, et si les lois seules gouvernaient les peuples.

Les voyageurs, qui ont visité la Turquie dans des temps difficiles et qui ont été témoins des trois dernières révolutions, peuvent avoir conçu une idée exacte de cet empire, parce que les principaux corps de l'état et les différentes classes

(1) Les Turcs appellent leurs empereurs Zilullah, miroir ou image de Dieu.

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