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AU POINT DE VUE

PHILOSOPHIQUE

OU PLUS SPÉCIALEMENT

PSYCHOLOGIQUE

ÉTUDIÉE

CHEZ LE MALADE ET CHEZ L'HOMME EN SANTÉ

Ouvrage couronné par l'INSTITUT.

PAR

Le Docteur PROSPER DESPINE

MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE DE LA GRANDE-BRETAGNE
ET DE LA SOCIÉTÉ AMÉRICAINE DES PRISONS.

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PRÉFACE

L'étude de la Folie au point de vue philosophique, ou plutôt au point de vue psychologique, étude mise au concours en 1867 par la section de philosophie de l'Académie des Sciences morales et politiques, était devenue d'une absolue nécessité. La question de la folie, qui, au point de vue médical, a progressé à pas de géant depuis le commencement de ce siècle, ne devait pas rester arriérée et stationnaire dans sa partie psychologique; d'autant plus que cette partie est la seule qui mérite réellement le nom de folie. Que désigne-t-on, en effet, par ce nom? Sont-ce les phénomènes somatiques? Sont-ce les états organiques anormaux présentés par les fous? Sont-ce les maladies cérébrales dont ils sont affectés ? Non, rien de tout cela ne peut s'appeler folie. Ce qui a reçu ce nom, ce sont les phénomènes psychiques, les manifestations anomales de l'esprit présentées par ces malades. Nous ne voulons point dire par là que la folie soit une maladie de l'esprit, que l'organisme ne soit pour rien dans la folie; bien loin de là. Nous proclamons hautement que la cause de la folie, partout où celle-ci se rencontre, est organique, que cette cause réside dans une activité anomale du cerveau, organe auquel sont dévolues les hautes fonctions de manifester l'esprit et ses facultés. Nous devons donc considérer la folie comme un effet de l'activité anomale du cerveau. Pour nous servir d'une comparaison grossière, à laquelle il ne faudrait pas attribuer une interprétation qui est loin de notre pensée, la folie est aux activités anomales du cerveau ce que le vomisse

ment est aux activités anomales de l'estomac. Mais, tandis que les affections stomacales ne produisent, par la nature des fonctions de l'estomac, que des phénomènes organiques pathologiques, certaines affections du cerveau produisent, par la nature aussi des fonctions de cet organe, des manifestations psychiques anomales, manifestations qui varient beaucoup en essence et en intensité, selon l'état de cet organe, et qui, bien que fort dissemblables les unes des autres, ont cependant toutes été appelées folie. Si l'on ne peut pas dire que le cerveau sécrète les manifestations psychiques, on est en droit d'affirmer, au nom de la science, que ces manifestations n'émanent de l'esprit que telles que le mode d'activité du cerveau permet qu'elles sortent. On est obligé de reconnaître, en effet, que, selon ce mode d'activité, elles sont ou normales, rationnelles, rendant l'homme raisonnable, moralement libre et responsable de ses actes; ou bien elles sont excitées ou déprimées, perverties, bouleversées, plus ou moins anéanties, rendant l'homme irraisonnable, privé de libre arbitre et moralement irresponsable. Si donc la folie réside dans des manifestations anomales de l'esprit, il n'en est pas moins vrai que ces manifestations dépendent de l'état cérébral qui y préside, que le phénomène psychologique anomal a pour antécédent et pour cause une activité cérébrale anomale. Ici, comme à l'égard de tout organe du corps, le symptôme, l'effet, reflète la nature organique de sa cause, et le médecin observateur, jugeant cet état organique par les symptômes manifestés, qui sont, chez les fous, en grande partie psychiques, traite l'affection cérébrale de telle ou de telle manière, selon les symptômes manifestés.

Dans le travail que nous présentons ici, c'est cet effet psychique, ce sont les symptômes psychiques seuls que nous étudierons. Il nous arrivera sans doute de parler de la cause de ces symptômes, des affections cérébrales qui produisent les diverses manifestations folles de l'esprit, mais ce ne sera que d'une manière incidente.

Les deux questions qui intéressent la folie, celle de la cause organique et celle de l'effet psychique, ont été parfaitement spécifiées en ces termes par le professeur Tardieu. « Si l'étude des aberrations des facultés intellectuelles, dit-il, appartient

à la fois au philosophe et au médecin, cette étude ne peut être fructueuse pour l'un et pour l'autre qu'à la condition de bien séparer ce qui est du domaine de chacun, et de ne pas confondre les faits psychologiques avec les observations vraiment médicales. Ce n'est pas le secret de la pensée humaine, de son mécanisme, que le médecin recherche et poursuit, mais bien les désordres de l'organe matériel qui est l'instrument de la pensée, et le dérangement des opérations psychologiques que cet organe doit accomplir . » Disons toutefois que, s'il ne faut pas confondre les deux questions de la folie, il est nécessaire, pour apprécier sainement l'état des fous dans les différentes phases que présente la folie, de posséder des connaissances approfondies, autant sur la psychologie qui s'occupe de l'effet, que sur les sciences médicales qui s'occupent de la cause.

Si parfois, dans le cours de notre travail, nous nous trouvons en désaccord avec les éminents aliénistes qui ont fait si rapidement progresser la partie médicale de la folie, et dont les travaux nous inspirent la plus profonde admiration; si nous combattons quelques-unes de leurs manières de voir, ce n'est qu'au point de vue psychologique. Nous reconnaissons aussi que, tout en regardant les idées que nous émettrons comme constituant un progrès notable dans la question si délicate de la psychologie de la folie, nous ne les considérons que comme représentant, non la vérité absolue à ce sujet, mais comme une vérité relative plus avancée, plus vraie; nous considérons ces idées comme ouvrant une voie nouvelle au progrès, non-seulement à l'égard de la question de la folie, mais encore à l'égard de la psychologie normale; nous considérons ces idées comme contribuant à établir la psychologie, science encore fort arriérée, sur des bases scientifiques.

Plusieurs philosophes modernes se sont occupés de la psychologie de la folie. En comparant leurs efforts à celui que nous tentons aujourd'hui, les hommes de science pourront juger lequel, ou du médecin psychologue, ou du psychologue

1 Étude médico-légale sur la folie.

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