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fils de Dieu, qui a été tellement embrasé de l'amour du genre humain que non seulement il n'a pas hésité, en prenant notre nature, à vivre au milieu de nous, mais qu'il a aussi aimé à se donner le nom de Fils de l'homme, en attestant qu'il s'était mis en rapport avec Nous pour « noncer aux captifs la délivrance », et afin que, affranchissant le genre. humain de la pire des servitudes, qui est celle du péché, « il renouvelât << toutes choses en lui, et ce qui est au ciel et sur la terre » et rétablit ainsi dans sa dignité première toute la race d'Adam, précipitée dans la ruine de la faute commune. Saint Grégoire-le-Grand a dit opportunément à ce sujet : « Puisque notre Rédempteur, auteur de toute créature, << a voulu dans sa clémence revêtir la chair humaine, afin que, par la « grâce de sa divinité, le lien de notre servitude étant brisé, il nous « rendit l'antique liberté, c'est faire chose salutaire de rendre, par le << bienfait de l'affranchissement, à la liberté dans laquelle ils sont nés, << les hommes que la nature a faits libres dès l'abord et à laquelle le « droit des gens a substitué le joug de la servitude. »

Il convient donc, et c'est bien le propre de Notre ministère apostolique, de seconder et de favoriser puissamment tout ce qui peut assurer aux hommes, soit pris séparément, soit en société, les secours aptes à soulager leurs nombreuses misères, dérivées, comme le fruit d'un arbre gâté, de la faute des premiers parents; et ces secours, de quelque genre qu'ils soient, sont non seulement très efficaces pour la civilisation, mais ils conduisent aussi convenablement à cette rénovation intégrale de toutes choses que Jésus-Christ, Rédempteur des hommes, s'est proposée et a voulue.

Or, au milieu de tant de misères, il faut vivement déplorer celle de l'esclavage auquel une partie considérable de la famille humaine est assujettie depuis bien des siècles, gémissant ainsi dans la douleur et l'abjection, contrairement à ce que Dieu et la nature ont d'abord établi.

En effet, l'Auteur suprême de toutes choses avait décrété que l'homme eût à exercer comme une sorte de domination royale sur les animaux des bois, des mers et des airs, et non que les hommes eussent à exercer cette domination sur leurs semblables: « Ayant créé l'homme raison<nable à son image, dit saint Augustin, Dieu a voulu qu'il ne fût le << maître que des créatures dépourvues de raison; de telle sorte que a l'homme eût à dominer non pas les autres hommes, mais les animaux. « D'où il suit que l'état de servitude se comprend avec raison comme << imposé au pécheur. Aussi le nom de l'esclave n'a pas été employé par «l'Ecriture avant que le juste Noé eût puni par ce nom le péché de son << fils. C'est donc la faute qui a mérité ce nom et non pas la nature. >> De la contagion du premier péché ont dérivé tous les maux, et notamment cette perversité monstrueuse par laquelle il y a eu des hommes qui, perdant le souvenir de l'union fraternelle d'origine, au lieu de pratiquer, sous l'impulsion de la nature, la bienveillance et la déférence mutuelles, n'ont écouté que leurs passions et ont commencé à considérer les autres hommes comme leur étant inférieurs et à les traiter, par conséquent, comme des animaux nés pour le joug. De là, et sans tenir le moindre compte ni de la communauté de nature, ni de la dignité humaine, ni de l'image divine imprimée dans l'homme, il est arrivé, au moyen des querelles et des guerres qui éclatèrent ensuite, que ceux qui se trouvaient l'emporter par la force s'assujettissaient les vaincus et

qu'ainsi la multitude, quoique d'une même race, se partageait graduellement en individus de deux catégories distinctes, c'est-à-dire les esclaves vaincus assujettis aux vainqueurs leurs maîtres.

L'histoire des anciens temps nous montre ce lamentable spectacle jusqu'à l'époque du divin Rédempteur; la calamnité de la servitude s'était propagée chez tous les peuples et tellement réduit était devenu le nombre des hommes libres, qu'un poète de l'empire put proférer cette atrocité, que « le genre humain ne vit que pour le petit nombre ». Cela fut en vigueur chez les nations même les plus policées, chez les Grecs, chez les Romains, où la domination d'un petit nombre s'imposait à la multitude; et cette domination s'exerçait avec tant de perversité et d'orgueil, que les troupes d'esclaves étaient considérées comme des biens, non comme des personnes, mais comme des choses, dépouillées de tout droit et dépourvues même de la faculté de conserver la vie et d'en jouir. « Les serviteurs sont au pouvoir des maîtres, et ce « pouvoir émane du droit des gens, car on peut observer qu'il existe • exactement chez tous les peuples le pouvoir pour les maîtres de disposer de le vie et de la mort des esclaves, et tout ce qui est acquis par l'esclave l'est au profit du maître. » Par suite d'une aussi profonde perturbation morale, il fut impunément et publiquement permis aux maîtres d'échanger leurs esclaves, de les vendre, de les livrer en héritage, de les battre, de les tuer, d'en abuser pour leurs passions et leur cruelle superstition.

Bien plus, ceux qui étaient réputés les plus sages parmi les gentils, des philosophes insignes très versés dans le droit, se sont efforcés de se persuader eux-mêmes et les autres, par un suprême outrage au sens commun, que la servitude n'est autre chose que la condition nécessaire de la nature; et ils n'ont pas rougi d'enseigner que la race des esclaves le cède de beaucoup, en faculté intellectuelle et en beauté corporelle, à la race des hommes libres; qu'il faut, partant, que les esclaves, comme des instruments dépourvus de raison et de sagesse, servent en toutes choses aux volontés de leurs maîtres. Cette doctrine inhumaine et inique est souverainement détestable et telle qu'une fois acceptée, il n'est plus d'oppression, si infâme et barbare soit-elle, qui ne se soutienne impudemment avec une certaine apparence de légalité et de droit.

L'histoire est pleine d'exemples du grand nombre de crimes et de pernicieux fléaux qui en ont résulté pour les nations; la haine en a été excitée dans le cœur des esclaves, tandis que les maîtres se sont vus réduits à vivre dans une appréhension et une crainte perpétuelle; les uns préparaient les torches incendiaires de leur fureur, les autres persistaient de plus en plus dans leur cruauté; les Etats étaient ébranlés et exposés à tout moment à la ruine par la multitude des uns et par la force des autres; de là, en un mot, les tumultes et les séditions, le pillage et l'incendie, les combats et les massacres.

La foule des mortels était opprimée par cette profonde abjection d'autant plus misérablement qu'elle était plongée dans les ténèbres de la superstition, alors que, dans la plénitude des temps marquée par la sagesse divine, une admirable lumière resplendit du haut du ciel et la grâce du Christ Sauveur, se répandit abondamment sur tous les hommes; en vertu de ce bienfait, ils furent tirés de la fange et de l'accablement de

la servitude, et tous sans exception ils furent rachetés du dur servage du péché et élevés à la très noble dignité de fils de Dieu.

Aussi les Apôtres, dès l'origine de l'Eglise, eurent-ils soin d'enseigner et d'inculquer, entre autres préceptes d'une vie très sainte, celui qui plus d'une fois a été écrit par saint Paul aux hommes régénérés par l'eau du baptême: « Vous êtes tous enfants de Dieu par la foi dans le Christ « Jésus ; vous tous, en effet, qui êtes baptisés au nom du Christ lui« même. Il n'y a ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, ni mâle, « ni femelle, vous êtes tous une même chose dans le Christ Jésus. Il n'y «a ni Gentil, ni Juif, ni circoncis, ni incirconcis, ni barbare, ni Scythe, << ni esclave, ni maître, mais il y a en toutes choses et pour tous le << Christ. En vérité, nous avons tous été baptisés dans un même esprit << et dans un même corps, aussi bien les Juifs que les Gentils, les « esclaves que les hommes libres, et tous nous avons été abreuvés en « un même esprit. »

Enseignements bien précieux, honorables et salutaires, dont l'efficacité a non seulement rendu et accru au genre humain sa dignité, mais a aussi amené les hommes, quels que soient leur pays, leur langue, leur condition, à s'unir très étroitement par les liens d'une affection fraternelle. Cette charité du Christ dont saint Paul était vraiment embrasé, il l'avait puisée dans le cœur de Celui qui s'était fait miséricordieusement le frère de tous et de chacun des hommes, et qui les avait tous, sans en excepter ou en oublier un seul, tellement ennoblis de sa propre noblesse qu'il les avait admis à participer à la nature divine. Par cette charité même, se formèrent et furent définitivement agrégées les races qui se constituèrent d'une manière admirable pour l'espoir et le bonheur public, alors que, dans la suite des temps et des événements et grâce à l'oeuvre persévérante de l'Eglise, la société des nations put se constituer sous une forme chrétienne et libre, renouvelée à l'instar de la famille.

Dès l'origine, en effet, l'Eglise consacra un soin tout spécial afin que le peuple chrétien reçût et observât, comme de juste, dans une question si importante, la pure doctrine du Christ et des Apôtres. Désormais, grâce au nouvel Adam, qui est le Christ, il subsiste une union fraternelle des hommes et des peuples entre eux; de même qu'ils ont tous une seule et même origine dans l'ordre surnaturel, ils ont tous une seule et même origine de salut et de foi; tous sont également appelés à l'adoption d'un seul Dieu leur Père à tous, en tant qu'il les a tous rachetés lui-même à grand prix; tous sont membres d'un même corps; tous sont admis à participer au divin banquet; à tous sont offerts les bienfaits de la grâce et ceux de la vie immortelle.

Cela posé comme base et fondement, l'Eglise s'est efforcée, en tendre mère, d'apporter quelque soulagement aux charges et à l'ignominie de la vie servile; et elle a efficacement défini et inculqué les droits et les devoirs réciproques entre les maîtres et les serviteurs, conformément à ce que les Apôtres avaient affirmé dans leurs épîtres.

Voici, en effet, les avertissements que les princes des Apôtres donnaient aux esclaves qu'ils avaient gagnés au Christ: « Soyez soumis en << tout respect non seulement aux bons et aux humbles, mais aussi aux « méchants. Obéissez à vos maîtres selon la chair avec crainte et res«pect, comme au Christ lui-même; ne servant pas pour l'apparence, « comme pour plaire aux hommes, mais comme des serviteurs du

Christ, accomplissant de tout cœur la volonté de Dieu, servant avec « bon vouloir comme si vous serviez le Seigneur et non pas les hommes; « sachant d'ailleurs que chacun, qu'il soit libre ou esclave, recevra de Dieu ce qu'il aura fait de bon. » C'est encore saint Paul qui dit à Timothée: «Que tous ceux qui sont sous le joug de la servitude << retiennent leurs maitres pour dignes de tout honneur; ceux qui ont « pour maitres des fidèles, loin de les mépriser, qu'ils les servent mieux « encore, parce que ce sont des frères et des fidèles bien-aimés qui « participent des mêmes bienfaits. Voilà ce qu'il vous faut enseigner et < recommander. » Il écrivait de même à Titus d'enseigner aux serviteurs à être soumis à leurs maitres, à leur plaire en toutes choses, à « ne pas les contredire, à ne pas leur nuire, mais à montrer en toute « chose la bonté de leur foi afin que la doctrine de Dieu notre Sauveur « resplendisse en tous.

Aussi ces premiers disciples de la foi chrétienne comprirent-ils fort bien que cette fraternelle égalité des hommes dans le Christ ne devait absolument pas amoindrir et négliger le respect, l'honneur, la fidélité et les autres devoirs auxquels ils étaient tenus envers leurs maitres; et il en résulta de nombreux bienfaits de nature à rendre plus sûr l'accomplissement de ces devoirs en même temps qu'à en alléger la pratique devenue plus douce, et à produire enfin des fruits abondants pour mériter la gloire céleste. Ils professaient en effet le respect envers leurs maîtres et ils les honoraient comme des hommes revêtus de l'autorité de Dieu, de qui dérive tout pouvoir; ils n'étaient pas mus en cela par la crainte des châtiments ou par l'astuce ou par le sentiment du gain, mais par la conscience de leur devoir, par l'ardeur de leur charité.

Réciproquement, les justes exhortations de l'Apôtre s'adressaient aux maitres, afin qu'ils traitassent avec bonne grâce les serviteurs en retour de leurs bons services. « Et vous, maîtres, agissez-en de même envers « eux, ne les menacez pas, sachant bien que le Seigneur qui est aux « cieux est aussi le leur que le vôtre et qu'il n'y a pas devant lui d'acaception de personnes. » Ils étaient exhortés pareillement à considérer que, de même qu'il n'est pas juste pour le serviteur de se plaindre de son sort, puisqu'il est « l'affranchi du Seigneur », de même aussi il ne saurait être permis à l'homme libre, car il est le « serviteur du Christ », de faire preuve d'un esprit hautain et de commander avec orgueil. Par là il était ordonné aux maitres de reconnaître la dignité humaine dans leurs serviteurs et de les traiter convenablement, les considérant comme n'étant pas d'une nature différente, mais égaux à eux par la religion et par la communauté de servitude envers la majesté du commun Seigneur. Ces lois si justes et si propres à harmoniser les diverses parties de la société domestique furent pratiquées par les Apôtres eux-mêmes. Bien remarquable à ce propos est l'exemple de S. Paul, lorsqu'il écrivit plein de bienveillance en faveur d'Onésime, l'esclave fugitif de Philémon, qu'il renvoya à celui-ci avec cette tendre recommandation: «Accueille-lé comme mon bien-aimé... non pas comme un esclave, mais comme « un frère chéri et selon la chair et selon le Seigneur; que s'il t'a nui << en quelque chose ou s'il est ton débiteur, impute cela à moi-même. Pour peu que l'on compare l'une et l'autre manière d'agir, celle des païens et celle des chrétiens, envers les esclaves, on voit aisément que l'une était cruelle et pernicieuse, l'autre pleine de douceur et d'huma

nité, et certes nul n'osera frustrer l'Eglise du mérite qui lui revient pour s'être faite l'instrument d'une aussi grande indulgence. On sera d'autant plus convaincu si l'on considère attentivement avec quelle douceur et quelle prudence l'Eglise a extirpé et détruit l'abominable fléau de l'esclavage.

Elle n'a pas voulu, en effet, procéder hâtivement à l'affranchissement des esclaves et à la sollicitude de leur liberté, ce qu'elle n'aurait pu faire évidemment que d'une façon tumultueuse qui eût tourné à leur propre détriment et à celui de la chose publique. C'est pourquoi, s'il arrivait parmi la multitude d'esclaves qu'elle avait agrégés au nombre de ses fils que quelqu'un, alléché par l'espoir de la liberté, eût recouru à la violence et à la sédition, l'Eglise réprouvait et réprimait toujours ces efforts condamnables et elle employait, par le moyen de ses ministres, le remède de la patience. Elle enseignait aux esclaves à se persuader qu'en vertu de la lumière de la sainte foi et du caractère reçu du Christ, ils étaient sans doute de beaucoup supérieurs en dignité aux maîtres païens; mais qu'ils en étaient tenus plus strictement envers l'Auteur et le Fondateur même de la foi, à ne point concevoir contre eux des desseins adverses et à ne manquer en quoi que ce soit au respect et à l'obéissance qui leur était due; du moment d'ailleurs qu'ils se savaient appelés au royaume de Dieu, doués de la liberté de ses fils et appelés à des biens non périssables, ils ne devaient pas s'affliger de l'abjection et des maux de la vie caduque, mais, les yeux et le cœur élevés au ciel, ils devaient se consoler et se confirmer dans leurs saintes résolutions. Ce fut tout d'abord aux hommes réduits en servitude que l'Apôtre S. Pierre s'adressa lorsqu'il écrivit :

« La grâce consiste à supporter par devoir de conscience envers Dieu les afflictions et à souffrir même injustement. C'est en cela, en « effet, que consiste votre vocation, parce que le Christ a souffert pour << nous, vous laissant l'exemple pour que vous en suiviez les traces ». Cette gloire si haute de la sollicitude unie à la modération qui fait resplendir admirablement la divine vertu de l'Eglise, s'accroit encore par la force d'âme on ne peut plus imminente et invincible qu'elle put elle-même inspirer et soutenir parmi tant d'humbles esclaves. C'était un admirable spectacle que l'exemple des bonnes mœurs qu'ils donnaient à leurs maîtres, non moins que de leur extrême patience dans tous les labeurs, sans qu'il fût jamais possible de les induire à préférer les ordres iniques de leurs maîtres aux saints commandements de Dieu; si bien que, d'un esprit imperturbable et d'un visage serein, ils livraient leur vie au milieu des plus atroces tourments. Eusèbe célèbre la mémoire de l'invincible constance d'une vierge d'Arabie qui, plutôt que de céder à la débauche d'un maître impudique, affronta courageusement la mort et au prix de son sang demeura fidèle à Jésus-Christ. On peut admirer d'autres exemples semblables donnés par des esclaves qui résistèrent fermement, jusqu'à subir la mort, à des maîtres qui s'en prenaient à la liberté de leur âme et à la foi qu'ils avaient jurée à Dieu. Quant à des esclaves chrétiens qui, pour d'autres motifs, auraient résisté à leurs maîtres ou trempé dans des conspirations pernicieuses aux Etats, l'histoire n'en cite pas un seul.

Lorsque vint pour l'Eglise l'ère de la paix et de la tranquillité, les saints Pères entreprirent d'exposer avec une admirable sagesse les

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