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IV.

Fragment d'une lettre du Baron de Breteuil, Ministre de France près la Cour d'Autriche, à M. de Vergennes, Ministre des af faires extérieures de France, en date du 24 mars 1778.

J'ai dit à M. de Kaunitz que j'avais ordre de lui lire une dépêche qui renfermait les déterminations auxquelles le Roi s'était fixé irrévocablement après les plus mûres réflexions de S. M. et de son conseil. M. le Prince de Kaunitz plaça alors devant lui une feuille de papier et son crayon. Je commençai la lecture de votre dépêche. Le Ministre m'a écouté en grand silence jusqu'à la fin de la phrase qui déclare que le Roi ne veut embrasser que le parti de la neutralité dans la guerre qui pourrait éclater en Allemagne. M. le Prince de Kaunitz m'a prié de lui relire ce passage intéressant. Je l'ai repris à la phrase, il nous reste à désirer que la Cour de Vienne ait écouté la voix de l'amitié et de la justice, et j'ai continué jusqu'à la fin des termes qui renferment la déclaration de la neutralité. M. le Prince de Kaunitz, après cette seconde lecture, m'a prié de lui permettre d'écrire cette déclaration dans les termes qui l'expriment. Je la lui ai dictée mot à mot.

Quand le Ministre autrichien a eu fini d'écrire, j'ai repris ma lecture au mot, elle est convaincue par l'examen le plus attentif, etc. Lorsque j'ai eu prononcé que le Roi ne peut reconnaître le casus fœderis dans la conjoncture présente, M. de Kaunitz, en prenant son crayon avec colère, a barré çe qu'il venait d'écrire, et m'a dit : Ce que je viens d'écrire est inutile; je ne puis entendre. plus long-temps cette lecture, ni rendre compte à l'Impératrice de ce qu'elle renferme, ni de ce. que je viens d'écrire. Je n'en ferai sûrement aucun usage, à moins que vous ne me donniez cette déclaration par écrit.

J'ai répondu que je n'avais point d'ordre de la donner par écrit.-En ce cas l'Impératrice l'ignorera, a continué M. de Kaunitz avec fureur. - Ce n'est pas à moi, lui ai-je dit, à vous prescrire l'usage que vous devez faire de ce que j'ai l'honneur de vous dire au nom du Roi pour l'Impératrice; mais comme je ne connais que vous à qui je doive tenir le langage qui m'est ordonné, vous trouverez bon que je continue ma lecture. Ce raisonnement a fait reprendre tranquillité à M. de Kaunitz, et il a consenti à m'écouter jusqu'au bout. Quand ma lecture a été achevée, le Ministre m'a dit avec beaucoup de flegme: Il faut voir, avant de parler sur tout cela, ce qu'aura produit sur votre ministère mon dernier cour

rier à M. de Mercy 1. Tout ce que je désire seulement, c'est que la même déclaration que vous venez de me faire n'ait pas été prononcée à l'Ambassadeur de LL. MM. II. avant qu'il ait reçu les différens papiers que je lui ai adressés pour faire preuve de notre confiance dans l'amitié du Roi. Je craindrais, a ajouté le Ministre, que si cette déclaration a été faite à M. de Mercy avant l'arrivée de ces papiers, il ne crût superflu de les remettre. - J'ai dit que l'Ambassadeur, instruit que j'en avais eu communication entière, ne pourrait sûrement pas prendre sur lui de ne pas la faire au ministère du Roi. M. de Kaunitz, après un instant de silence, m'a dit: Il est inutile de faire des traités, si l'explication de leurs engagemens devient arbitraire. J'ai été de son avis; mais en lui articulant sèchement que cette réflexion sans doute n'était pas faite pour nous. Enfin, a dit M. de Kaunitz, il est inutile de parler sur tout ceci avant le retour de mon courrier. Je crois au reste, a-t-il ajouté, qu'il vous conviendra autant qu'à moi, que nous ayons l'air, en attendant, d'être ensemble comme à notre ordinaire. J'ai répondu que j'espérais que nous en aurions aussi le jeu de très-bonne foi, parce que cette

Le Comte de Mercy-Argenteau était Ambassadeur de l'Impératrice-Reine près du Roi.

circonstance particulière ne pouvait rien changer au fond des sentimens ni des principes de nos 'maîtres.

J'ai quitté le cabinet du Ministre après cette expression de ma part, et j'ai passé dans son salon pour diner avec lui, etc.

V.

Extrait d'une dépêche au Roi de Suède de M. le Baron de Lagerbjelke, Ministre de Suède à Paris, en date du 26 octobre 1820.

Malgré toutes les prévenances personnelles dont je venais d'être l'objet, il m'avait été facile de me préparer à une scène peu agréable. La nature de mes conférences avec le Duc de Cadore, le départ précipité de M. Czernicheff, la catastrophe dont la Suisse s'était vue menacée pour affaires de commerce, les avantages remportés dans le Portugal, dont on voudrait sans doute profiter pour accabler les Anglais sur tous les points à la fois; toutes ces circonstances réunies m'avaient assez fait juger quel serait l'objet de l'audience; mais j'avoue que je ne m'attendais pas à une explosion aussi violente. Jamais je n'avais vu l'Empereur en colère, et cette fois-ci il l'était à un point qui surpasse toute imagination.

Je fus introduit un peu après neuf heures du matin. Je trouvai le Duc de Cadore avec l'Empereur, et la présence de ce tiers me fit d'abord juger que j'étais appelé pour entendre une déclaration officielle, mais que la discussion ne me serait point permise. Je n'en résolus pas moins de répondre à chaque occasion où je pourrais placer un mot.

Il m'est impossible de rendre compte à V. M. de tout ce que l'Empereur a dit pendant cinq quarts d'heure au moins, parce que son agitation était si forte, son discours si coudé, ses répétitions si fréquentes, qu'il était trop difficile de tout classer dans la mémoire. Je débutai par la présentation de la lettre de V. M. Savez vous, dit l'Empereur, quel est le sujet de cette lettre? Je l'exprimai en ajoutant un compliment. Sans y répondre, l'Empereur continua : (chaque reprise du discours de l'Empereur fera suffisamment connaître à V. M. le genre des courtes réponses que je tâchai de placer dans les intervalles.) Ah ça, M. le Baron, cessera-t-on enfin de croire en Suède que je ne suis qu'une dupe? Pense-t-on que je puisse m'accommoder de cet état mixte ou métis?-Oh! point de sentimens: c'est par les effets qu'on fait ses preuves en politique. Voyons ces effets. Vous signâtes la paix avec moi au commencement de l'année; vous vous engageâtes à

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