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décidé vis-à-vis de la Russie; le premier, c'est de regarder cette puissance comme une alliée indirecte et accessoire, de s'en tenir à ce point de vue, de ne point rechercher avec elle une union plus intime, et de n'attendre d'elle que des secours relatifs à l'alliance en général, sans compter qu'elle puisse nous être d'aucune utilité particulière et personnelle. En embrassant ce système d'indifférence, nos négociations à Pétersbourg deviennent fort simples et peu intéressantes. C'est à la Cour de Vienne, uniquement intéressée à cette alliance, à éclairer la conduite de la Russie; et nos ministres ne sont que les adjoints de ceux de l'ImpératriceReine pour le fait de l'alliance.

Le second, c'est de nous attacher cette puissance par des liens directs, et de faire avec elle des traités, au lieu d'accéder réciproquement à ceux de la Cour de Vienne. Ces traités ne peuvent avoir que deux objets celui du commerce que nous pouvons faire en Russie, et celui des affaires du Continent; car il ne faut pas croire qu'il s'y mêle jamais des objets maritimes ni des intérêts que nous pourrions avoir à débattre dans les autres parties du monde. Avant de se déterminer pour ce dernier système, et de se lier directement avec la Russie, il convient d'en exposer mûrement les avantages et les inconvéniens.

Les avantages ne paraissent pas douteux du côté

du commerce. Tous les négocians en tombent d'accord, et l'on sait que les Anglais y font des profits considérables. Ainsi, en partageant ce commerce avec eux, la France ferait certainement un bon marché.

Le côté politique est d'un examen plus étendu et plus difficile. Il se présente d'abord une première objection: savoir, qu'une alliance avec la Russie pourrait nous brouiller avec la Porte. Nous avons déja éprouvé que notre position avec la cour de Vienne a beaucoup diminué notre crédit à Constantinople.

Il est vrai que nous ne manquerions pas de stipuler une exception en faveur de la Cour de Constantinople; mais alors la Russie demanderait réciproquement une pareille exception en faveur de l'Angleterre, et il faut convenir que nous ne serions guère fondés à la refuser. D'ailleurs cette exception, en prévenant la rupture entre la Porte et la France, n'empêcherait peut-être pas les Turcs de prendre de l'ombrage de nos liaisons avec la Russie; et pour une alliance nouvelle, douteuse, et dont les avantages ne sont pas bien décidés, nous pourrions nous exposer à en perdre une ancienne, solide, et dont nous éprouvons depuis long-temps l'utilité. Cependant, avec de la dextérité et de la droiture tout à la fois, on ne croit qu'il fût impossible de concilier les deux alliances.

pas

Une seconde objection, c'est l'ambition que développe la Cour de Pétersbourg, qui pourrait par la suite nous donner de l'embarras vis-à-vis de nos alliés. On pourrait prévenir ces inconvéniens stipulant dans le traité une garantie de maintenir le Nord dans l'état où il est aujourd'hui, ainsi que le gouvernement de la Pologne, et la liberté de la ville de Dantzick.

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Une troisième, est l'instabilité du gouvernement russe, qui peut retomber dans la barbarie d'un moment à l'autre par une révolution; ou tout au moins dont les principes peuvent changer à la mort de l'Impératrice régnante. Passons à présent aux avantages de cette alliance.

En considérant d'abord l'état de faiblesse où se trouve à présent la Suède, l'on peut penser qu'il serait de l'intérêt de la France d'acquérir un allié prépondérant dans le Nord. En second lieu, l'Impératrice-Reine serait bien plus dans notre dépendance si nous étions liés directement avec la Russie, et que nous eussions à Pétersbourg l'influence que nous pourrions nous y procurer. La Cour de Vienne alors, au lieu d'être comme aujourd'hui le centre de cette triple alliance, et de disposer des forces de ses alliés pour ses seuls intérêts, se trouverait gênée dans sa politique, bornée dans ses projets, et subordonnée à leur volonté.

II y a même sur cet article une observation importante à faire. C'est qu'en supposant notre union avec la Russie une fois établie, consolidée et affermie par les traités, par le temps et par la confiance, nous aurions bien moins d'occasions de refroidissement et d'altercations avec cette Cour qu'avec celle de Vienne, puisque nous n'avons point d'intérêt à démêler avec la première, et qu'au contraire la proximité de nos possessions, les affaires de l'Allemagne, et la jalousie de prépondérance dans l'Empire, et d'influence dans les affaires de l'Europe, sont des matières toujours existantes de tracasserie et de discussion avec la seconde.

En troisième lieu, il est probable qu'en maintenant une alliance directe avec chacune des deux Impératrices, nous pourrions établir dans le Nord et dans l'Allemagne un système politique qu'aucune puissance ne serait en état de troubler; et il nous serait aisé de modérer les vues d'agrandissement de ces deux puissances, en tempérant l'ambition de l'une par celle de l'autre. Enfin s'il arrivait jamais (ce qui n'est pas à présumer) que la Cour de Vienne eût envie de renouer avec les Anglais, notre influence à Pétersbourg serait capable de la retenir, parce que l'alliance avec la Russie est fondamentale et nécessaire pour elle; au lieu qu'elle peut opter, suivant les circons

tances, entre la nôtre et celle de l'Angleterre. Il s'ensuit de cette discussion, que la conduite que nous avons à tenir avec la Cour de Pétersbourg est assez délicate, et qu'il n'appartient qu'aux lumières supérieures du Roi et de son conseil de résoudre ce problème. Il paraît cependant que l'on pourrait, sans inconvénient, tenter de faire une alliance et un traité de commerce avec la Russie, pourvu qu'on ne s'y livre qu'avec beaucoup de circonspection. Il paraît même, par tout ce qui nous revient de nos ministres en cette Cour, qu'elle le désire, qu'elle en serait flattée, et qu'elle compte par-là augmenter son crédit et sa considération dans l'Europe; mais on ne craint pas de dire que l'état mixte où nous sommes aujourd'hui, entre l'indifférence parfaite et une alliance réelle, est un système vicieux qui peut avoir des inconvé niens, sans aucun objet d'utilité.

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