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vancé leur siècle pour lui montrer par des modèles de perfection impérissables la marche vers le parfait et le sublime.

Grands et dignes d'admiration paraissent tous ceux, qui en aspirant à l'idéal, se bornent à imiter ces modèles originaux parfaits et qui en se montrant les meilleurs de leur temps satisfont ainsi aux meilleurs de tous les temps et contribuent en même temps de leur part à ennoblir l'humanité.

La France littéraire du siècle de Louis XIV et de celui de Louis XV a pris pour modèles, comme nous l'avons dit, les chefs-d'oeuvre des Anciens, convaincus que nulle part qu'ici se trouvent les lois éternelles de la poésie dramatique véritable en première ligne. Mais les grands auteurs classiques du 17. siècle imitaient-ils réellement les chefs-d'oeuvre des grands auteurs grecs et romains? Est-ce que leur imitation reposait véritablement sur une étude exacte et profonde et sur une connaissance parfaite de la poésie des Anciens? C'est ce qu'il nous faut nier décidément. Cette imitation n'était qu'imaginaire; car il n'y avait que très-peu d'écrivains qui, comme Corneille et Racine, eussent étudié à fond le théâtre grec, et de plus l'activité de la plupart des poètes contemporains et des successeurs de Racine et de Corneille n'était généralement autre chose qu'une imitation des modèles établis par ces deux grands héros du classicisme français. Cette imitation était d'autant plus arbitraire qu'on l'avait jugé nécessaire d'accorder parmi les passions représentées dans les pièces dramatiques à l'amour une rôle importante; croyant même qu'on ne pouvait pas s'en passer impunément on l'introduisit même dans des pièces les plus hétérogènes sous ce rapport suivant la nature de leur sujet.

Aristotèle était le législateur pour tout ce qui regardait les qualités nécessaires et indispensables à un bon drame >>classique. C'était à lui que le classicisme français devait d'après son opinion la loi sévère des trois unités, loi qui avait été tirée de passages tout-à-fait mal-entendus des écrits de ce grand philosophe et qui, se présentant plutôt comme le produit des préjugés des écrivains français, devait régler selon eux la marche de la pièce par rapport à l'unité du lieu, du temps et de l'action, mais qui par-là, au lieu de devenir un avantage pour le drame, devint plutôt, sous ce rapport, la source de beaucoup d'inconvénients. grand tribunal du goût littéraire au temps de splendeur du >> Classicisme«, tribunal qu'aucun poète n'avait le droit de négliger impunément, tribunal qui prescrivait les idées aux écrivains, et qui leur donnait l'inspiration en se faisant le grand et infaillible controlleur de leurs oeuvres: c'était la cour, assemblée brillante de gentilshommes et de femmes élégants

Le

et pleins d'esprit qui entouraient le roi et dont l'Hôtel de Rambouillet était l'organe le plus subtil.

Tout cela nous prouve que le théâtre français classique repose uniquement sur l'art et que la poésie dramatique du >> Classicisme << est pleinement artificielle; elle ne prend les sujets propres à être représentés ni de la vie réelle, ni de la propre histoire mais du monde mythologique, et de plus elle n'accorde pas au poête de s'adonner à la force productive de son originalité ou de donner à son héros le mouvement et la liberté répondant à sa vue libre et indépendante: les idées, les héros, les sentiments, le langage, tout est de pure convention et sujet au goût de la cour et de la bonne société du 17. siècle.

Chose étrange! pendant que le classicisme français étendit son empire sur l'Europe centrale et en première ligne sur l'Allemagne qui lui portait son ovation pleine d'admiration en considérant comme une haute gloire l'honneur d'imiter les modèles français: nous voyons l'Angleterre toute libre de l'influence littéraire des Français. La littérature des Anglais nous montre au contraire le développement libre et énergique de cette grande nation. Ce fut de longs combats sanglants que sortit son indépendance; cette dernière s'affermit en suite de révolutions terribles. Bientôt le parlement est devenu le tribunal de la souveraineté du peuple et le roi en est le premier serviteur. L'Angleterre est le pays de la liberté, et le théâtre, miroir fidèle de la culture d'une nation, en est le reflet. Mais la poésie dramatique anglaise qui dans W. Shakespeare semble avoir touché pour tous les temps au comble de perfection, célébrait son âge doré déjà un siècle avant que la France y arrivât; et elle nous prouve d'une manière évidente qu'elle ne repose pas sur l'art, mais sur la nature; que ce n'est pas l'antiquité seule à laquelle elle doit la matière dont elle a créé ses chefs-d'oeuvre: c'est plutôt la vie réelle de l'humanité, c'est la propre histoire de la nation anglaise qui fournit à sa poésie dramatique la matière en première ligne; et ce n'est nullement la haute société de la cour qui forme le tribunal du goût littéraire mais le génie du poète. Le théatre classique anglais n'est pas crée pour le plaisir de la haute classe mais pour l'édification et l'instruction morale de tout le peuple. Il résulte de ces remarques que nécessairement il devait y avoir un contraste profond entre ces deux systèmes d'art dramatique et leurs conséquences.

La France littéraire, pénétrée de la perfection du »Classicisme«, était persuadée, que par là elle avait posé pour tous les temps le vrai modèle ainsi que la mésure unique en faveur du développement du théâtre et que négliger

les lois du système classique n'était autre chose que de tomber en barbarie. Ces maximes restaient encore en vigueur au 18. siècle, malgré que les drames de Shakspeare et de quelques-uns de ses contemporains fussent déjà connus en France et que quelques écrivains français eussent commencé à attaquer ouvertement quelques faiblesses dont souffrait le système classique. Mais comme les ouvrages faibles de ces auteurs n'étaient en aucune proportion avec ce qu'on devait en attendre en suite de leurs attaques ils perdirent bientôt la sympathie qu'on leur avait présentée d'abord; le Classicisme parut plus affermi que jamais.

Voltaire, le plus fort génie du 18. siècle, était le soutien du classicisme. Egalement craint et admiré par ses contemporains aussi bien que par la postérité, honoré par tous les souverains de l'Europe il combattait par tous les moyens de raillerie et de satire et par des pamphlets pleins de saillies tout ce qu'il appelait préjugé« en religion, science et vie; mais il n'osait jamais toucher au bâtiment sublime du classicisme; il le regardait plutôt comme la plus haute gloire d'être appelé en vertu de ses drames digne disciple de Racine et de Corneille. Car lui aussi était gouverné par la conviction que le classicisme fondé, d'après l'opinion de tous ceux qui le représentaient dans la littérature française, sur le système d'art et de composition qui régnait dans les chefsd'oeuvre du théâtre des grecs et des Romains, avait posé pour tous les temps les règles et les modèles d'après lesquels chaque drame aurait à se composer et sur lesquels reposerait uniquement la marche et le développement de l'art dramatique.

Un séjour de deux ans à Londres lui donna pleinement occasion de connaître le théâtre des Anglais et leur poésie dramatique, en première ligne celle de leur plus haut génie W. Shakespeare. Il sentait bientôt le profond contraste qui s'élévait entre le théâtre anglais et le théâtre français; il reconnut facilement la richesse de vie, de liberté et de mouvement répandue abondamment sur le drame anglais; il vit bien que ce n'étaient pas les caprices d'une brillante société qui donnaient l'inspiration aux poètes, mais que c'était plutôt la nature, le coeur humain avec ses passions, la vie des nations et l'histoire; la fertilité de la poésie anglaise lui prouvait que l'originalité du poète n'avait pas à craindre la barrière tirée devant elle par la critique et par le point de vue étroit de la mode.

Voltaire avait en effet découvert dans la richesse de vie et d'originalité du drame anglais une source fertile en matières et fort propre à en enrichir le théatre français. Il traduisit même quelques épisodes de, l'un et de l'autre des

drames de Shakspeare, il écrivit quelques pièces où il imita le grand William; mais dans tout cela il ne vit point d'obstacle de ne pas donner la préférence au classicisme français même le plus décidément; de plus, ses remarques dispersées ça et là dans ses écrits ainsi que dans quelques unes de ces lettres où il prononce ses opinions et ses jugements sur les pièces dramatiques de Shakspeare nous prouvent assez clairement que Voltaire ne savait faire rien de plus important que de se montrer le plaideur éloquent en faveur du »Classicisme«< c. a. d. de Corneille et de Racine contre tous ceux de ses contemporains qui admiraient déjà la poésie de Shakspeare. Il semblait même se repentir dans sa vieillesse d'avoir révélé à son pays la valeur du théâtre de ce grand héros du Parnasse anglais, lorsque le nombre des adorateurs de Shakspeare augmenta.

En 1732 deux ans après son retour d'Angleterre Voltaire écrivit la tragédie »La Mort de César« pièce dans laquelle on découvre facilement l'influence de Shakspeare qu'il a imité dans de nombreux passages même en adoptant les mêmes personnages quoique d'autre part la disposition, la marche et le pathétique de toute la pièce nous prouvent de la manière la plus évidente que Voltaire le poète n'a connu nulle autre gloire que de rester le fidèle disciple du Système classique. Ses admirateurs déclarèrent unanimement qu'il avait corrigé Shakspeare en écrivant ce drame. Quoiqu'il en soit: nous voici placés devant la solution de la question posée par le titre donné à notre discours. Voltaire Shakspeare voilà deux grands génies dont chacun représente une grande époque dans l'histoire de la poésie dramatique.

La pièce de Voltaire est intitulée, comme nous l'avons dit, »La mort de César«, celle du poète anglais »Julius Caesar«. Nous allons donc comparer ces deux pièces célèbres et nous espérons, en les examinant dans leurs détails, pouvoir trouver la vraie source où la poésie doit puiser sa force vitale, force qui doit la mettre à même de remplir sa mission sublime, celle d'aider à travailler à l'éducation morale des nations et de leur apprendre à n'aimer et chercher que le vrai, le bon et le beau. Nous allons voir où l'on trouvera cette vraie poésie unique, si ce sera dans la poésie dramatique du >> Classicisme français fondé sur les règles posées par l'art ou dans celle des Anglais qui nous apprennent que la vraie poésie tire sa force et sa valeur de la vie, du coeur et de l'histoire.

Ce qui nous frappe d'abord, ce sont les titres différents de ces deux drames, circonstance qui nous prouve que les points de vue chez les deux auteurs diffèrent l'un de l'autre en ce qui regarde la conception. La tragédie de Voltaire

se termine par l'assassinat de César, scène à laquelle l'auteur n'ajoute que la harangue séditieuse d'Antoine. Shakspeare ne voit nullement dans la mort de César la fin de la tragédie, car »il sentait bien, que, l'homme disparu, le principe restait toujours debout«; il reconnut bien la nécessité de donner à sa pièce un dénouement réel et satisfaisant. Il fallait donc continuer le drame jusqu'à l'heure où l'un des deux partis l'emporterait sur l'autre; car César vivant était moins fort que César mort, vérité qui n'avait point échappé au génie profond et observateur de Shakspeare; aussi son drame ne s'arrête-t-il dans sa suite qu'au jour, où, dans les plaines de Philippes la liberté succombe avec Brutus et Cassius, ses derniers soutiens«. La vérité de cette idée juste et digne d'exécution paraît d'autant plus évidente que nous y voyons encore d'autres arguments qui la soutiennent. Il ne faut pas oublier que l'idée tragique ne peut pas se contenter, suivant sa nature, d'un crime, même quand il est soutenu par des motifs qui tendent à le justifier; il faut que l'âme du spectateur soit réconciliée d'une manière ou d'autre; car un assassinat peut être justifié par des raisons politiques, mais jamais devant la conscience morale; de plus César, le génie, le bienfaiteur, le héros victorieux qui va porter la guerre vers l'Orient, pour venger Crassus et pour augmenter la gloire de son peuple, ne se montre dans le drame français pas ainsi que son assassinat ne causerait une indignation fort justifiée. Il aurait donc fallu répondre à ce sentiment et ne pas se contenter d'une harangue qui n'en est qu'un dédommagement assez faible. Shakspeare a eu bien égard à cela et a montré dans la mort des deux assassins à Philippes la vengeance du crime exigée par la justice divine violée. D'après lui, comme nous venons de notifier en passant, il fallait démontrer aussi la pleine réalisation du principe républicain c. a. d. la délivrance de la patrie, qui ne pouvait guère être regardée comme accomplie par la mort de César surtout en vue de ses nombreux amis prêts à venger son assassinat, et nous reconnaissons en effet la réalisation de ce principe non pas, il est vrai, dans la victoire de la partie républicaine s'accomplissant au Capitole, mais dans la mort à laquelle ces deux grands républicains se sont voués arbitrairement au champ de bataille en restant fidèles à leur conviction. Shakspeare, en dédaignant ainsi de finir son drame par la mort du »dictateur< prouve par-là qu'il en a mieux saisi que Voltaire l'idée tragique. Si Voltaire s'était borné à déclarer que le théâtre français n'est pas approprié à mettre en scène le champ de bataille et les différents combats de Philippes ainsi que d'autres catastrophes, il aurait donné par-là une raison solide; mais au lieu de

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