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chrétienne résignée, Catherine, en vraie reine, en reine espagnole, proteste une dernière fois contre son divorce, et réclame une sépulture digne de son rang:

<<< Mes yeux s'obscurcissent. Adieu, milord; adieu, Griffith... >> Non, mes amis, vous ne devez pas encore me quitter! >> Je veux qu'on me conduise à mon lit. Appelez mes autres » femmes..... Quand je serai morte, je veux qu'on me traite >> avec honneur, qu'on répande sur mon cercueil des fleurs >> virginales, afin que tout le monde connaisse que je fus >> une femme chaste jusqu'à mon tombeau; qu'on m'embaume » avant de m'ensevelir; et, quoique reine détrônée, cepen» dant qu'on m'ensevelisse comme une reine et comme fille » de roi. >>

Infortunée princesse! si lâchement abandonnée, le ciel te réservait mieux que tous ces vains honneurs: chrétienne, tu reçus parmi les bienheureux la couronne de ton dernier songe; reine outragée, la muse de Shakspeare réhabilita ta mémoire ici-bas, devant la fille même de ta rivale. »

AMÉDÉE PICHOT.

Shakspeare nous a présenté dans Catherine une reine et une heroine, qui, par-dessus tout, est une femme bonne. En nous l'offrant ainsi, et en assurant l'effet de sa tragédie par l'emploi de la vérité et de la vertu, il nous a donné une preuve sublime de son génie.

Nous ajoutons ici le portrait biographique d'Anne Boleyn par madame la princesse de Craon, dont le talent, à la fois gracieux et profond, a répandu tant de lumières sur l'histoire d'une époque que les écrivains protestants salariés ou à préjugés ont représentée sous les couleurs les plus fausses.

<<< Shakspeare, dont le génie tour à tour énergique et gracieux étudiait la nature et demeurait fidèle à la vérité, avait, en écrivant sous le règne d'Élisabeth le drame de la vie de Henri VIII, une tâche difficile à remplir. Bien différent cependant des auteurs dramatiques de nos jours, qui se croient en droit de n'emprunter à l'histoire que les noms de leurs héros, il s'est contenté de rejeter dans l'ombre les faits qu'il ne pouvait dire,

et de placer dans le cœur d'Anne Boleyn une pitié dont elle ne fut jamais touchée. L'action d'ailleurs s'arrête à la naissance d'Élisabeth; et le poëte, après avoir rendu un hommage éclatant aux vertus de la reine Catherine, enveloppe l'avenir de la fille d'Anne Boleyn dans un nuage de poésie délicatement flatteuse. Selon quelques-uns, cette pièce fut représentée pour la première fois en 1601, probablement en présence d'Élisabeth. On admire surtout le rôle de Wolsey et celui de Catherine. Rien en effet de plus touchant au quatrième acte que cette scène calme, mélancolique et pleine d'une céleste espérance, comme l'àme du juste qui revole au ciel, après les émotions de cette pompe bruyante et mondaine du couronnement de la jeune reine. Shakspeare mettait sur le théâtre la vie humaine telle qu'elle est faite, sans se préoccuper du temps nécessaire à sa course. Néanmoins ses tragédies trouveront toujours le chemin du cœur, parce qu'elles imitent et reproduisent tous les mouvements qui agitent l'âme. L'art et le talent exigent diverses concessions, et il ne faut pas trop leur contester les moyens qu'ils emploient pour plaire, lorsqu'ils y réussissent.

Si la beauté possède l'heureux don d'exciter le dévouement et l'admiration, trop souvent elle éveille les passions égoïstes. et violentes. Anne Boleyn offre un exemple frappant de cette triste vérité. Elle reçut le jour d'Elisabeth, fille de Thomas, duc de Norfolk, et de sir Thomas Boleyn; sa famille comptait de nobles alliances, et quoiqu'elle ne fût âgée que de sept ans lorsque le roi de France Louis XII épousa Marie d'Angleterre, elle fut attachée au service de la princesse et la suivit au delà des mers.

Bientôt cependant Louis XII mourut. « Car, dit un auteur ancien, pour plaire à sa jeune femme, le bon roi avait de tout changé sa manière de vivre. Lorsqu'il voulait dîner à huit heures, il convenait qu'il dinât à midi, et quand il souhaitait de se coucher à six heures du soir, il ne se couchait qu'à minuit; en sorte qu'il mourut promptement. >>

Marie, devenue veuve, oublia qu'elle avait été reine de France; elle s'éprit du duc de Suffolk, l'épousa secrètement et retourna en Angleterre, laissant la jeune Anne auprès de madame Claude, femme de François Ier; en sorte que Boleyn fut élevée à la cour de France jusqu'à l'âge d'environ dix

huit ans. Mais pendant que la jeune fille grandissait paisiblement sous la protection maternelle de cette bonne et vertueuse princesse, les maîtres du monde vivaient dans le trouble, se sentant à l'étroit sur leurs trônes, au sein de leurs v astes États.

Henri VIII, roi d'Angleterre, convoitait la France; François Ier, roi de France, promenait son regard plein de valeur sur l'Italie, et Charles-Quint, retiré dans le sombre palais de l'Escurial, rêvait au fond de l'Espagne la monarchie universelle. Henri VIII, prévoyant que bientôt, aidé par la trahison, il pourrait débarquer ses cohortes destructives sur les côtes de Normandie, se souvint de cette jeune Anglaise abandonnée par sa sœur; il ne voulut point laisser ce chétif otage aux mains de son prochain ennemi; il fit demander Anne Boleyn. On la lui rendit sans peine, et Anne rentra dans cette patrie qu'elle devait couvrir de maux et arroser de son sang. Lorsqu'elle parut pour la première fois à la cour d'Angleterre, tous les regards s'attachèrent sur sa personne. Elle avait cette grâce française que tous les peuples s'efforcent d'imiter sans pouvoir en trouver le secret. Sa danse charmait les yeux, ses chants ravissaient l'ame; la gaieté de sa conversation, la vivacité de son caractère, lui attirèrent de nombreux admirateurs. Heureuse si, parmi tant d'hommages, une jalousie égoïste ne fût venue la priver d'un amour pur et sincère. Percy, fils du comte de Northumberland, la demanda en mariage; mais Henri VIII, séduit, ordonna au comte de Northumberland de marier immédiatement son fils à une autre femme, et un magnifique présent de bijoux vint révéler à la jeune Boleyn qu'elle n'était plus libre. En même temps sa famille reçut de nombreuses marques de la faveur royale, et pendant une année entière Henri renouvela ses promesses d'attachement; mais, soit ruse, soit vertu, car les historiens ne peuvent nous éclairer sur ce point, tant leurs opinions diffèrent, Anne répondait toujours qu'elle s'estimerait heureuse d'être la femme du roi, mais qu'elle ne consentirait jamais à devenir sa maîtresse. Alors germa dans l'esprit de Henri la funeste pensée de ce divorce qui devait retrancher du sein de l'Église, seule, une et véritable, le royaume d'Angleterre, la Merry England, la terre des saints.

Depuis seize années, Catherine d'Aragon donnait sur le

trône l'exemple de toutes les vertus; Henri VIII, sans souvenir d'un amour violent, mais éteint, sans pitié pour une femme qui avait toujours été bonne et fidèle, résolut de lui arracher sa place pour la donner à une autre. La vanité, l'amour du monde et de ses frivoles plaisirs, cachèrent sans doute à Anne Boleyn l'énormité du crime qu'elle commettait, non-seulement en consentant au divorce du roi, mais en y travaillant de concert avec lui.

Une fois entrée dans cette voie, rien ne l'arrêta, ni les douleurs de Catherine, ni les malédictions du peuple, ni les foudres de l'Église. Elle monta enfin sur le trône; elle fut couronnée publiquement, le 1er juin de l'année 1533, en présence de toute la noblesse d'Angleterre. Son passage fut couvert d'arcs, de fontaines jaillissantes, de riches tapis, de fleurs vermeilles.

Mais ce fut le seul jour de triomphe accordé à cette grande iniquité. Le lendemain de cette pompe bruyante, quand les acclamations arrachées à la crainte ou poussées par l'intérêt et l'ignorance, eurent fait place au silence, Anne Boleyn put déjà comprendre que le bonheur ne s'était point assis avec elle sur un trône usurpé. Le roi souhaitait avec emportement un héritier male, elle ne lui donna qu'une fille. Il en témoigna un vif déplaisir, et il commença à parcourir cette sanglante carrière dont la reine dut se reconnaître et s'accuser comme la cause première.

Sans cesse assiégé par les plus noirs soupçons, Henri VIII ne pouvait goûter aucun repos; torturé par sa conscience, à la moindre rumeur il tremblait pour sa vie. Les prisons se remplirent. Une jeune femme, nommée Élisabeth Barton, et six clercs, furent accusés de haute trahison pour avoir cru à des prédictions défavorables au roi; ils périrent tous. Bientôt on arrêta aussi le vénérable évêque de Rochester et l'illustre Thomas Morus. Leur crime était d'avoir blåmé le divorce et d'être restés fidèles à l'Église romaine. Après une année de souffrance, ils eurent la tête tranchée. Catherine, enfin, mourut de chagrin dans l'exil, où son rang même n'était pas respecté. Dès lors la mesure fut comblée; en vain Anne Boleyn essaya-t-elle de se réjouir de la fin de cette souveraine, qui, disait-elle, la laissait sans rivale. Le temps de l'expiation était venu; déjà les regards de Henri VIII s'étaient arrêtés sur la

belle Seymour. Un an après la mort de Thomas Morus et quatre mois seulement après celle de la reine Catherine, les portes de la Tour s'ouvrirent pour recevoir une nouvelle victime. Cette fois, c'était Anne Boleyn, âgée de vingt-neuf ans, qui descen. dait du trône dans ces sombres cachots. Elle remarqua avec douleur qu'on lui faisait suivre la même route par laquelle on l'avait conduite la veille de son couronnement; et lorsqu'on lui apprit qu'elle était accusée d'avoir déshonoré le lit du roi, son désespoir fut si violent que sa raison parut l'abandonner. Tantot elle versait des torrents de larmes, tantôt elle poussait des éclats de rire immodérés, ou bien elle tombait dans une noire mélancolie, suivie d'accès de délire. Mais quand la justice de Dieu éclate sur la tête du coupable, la miséricorde se tient à son côté pour qu'il ne périsse pas entièrement. Au fond de sa prison, Anne Boleyn sentit bientôt se réveiller dans son ame les sentiments de la foi chrétienne. Elle devint calme, ne s'occupa plus que d'exercices de piété, et demanda à recevoir les sacrements. Cependant la commission des pairs nommée pour la juger s'assembla, et Anne fut amenée à la barre le 3 mai 1536. Là elle fut accusée publiquement d'adultère, d'inceste et de trahison envers le roi, dont elle avait, disait-on, souhaité la mort. Ses complices étaient lord Rocheford, son frère, Norris, Brereton, Weston et Smeaton, tous officiers de sa chambre.

Elle se défendit avec éloquence et modestie; néanmoins les lords, présidés par son oncle, le duc de Norfolk, la déclarèrent coupable et la condamnèrent à être brûlée ou décapitée, selon la volonté du roi. En entendant prononcer cette sentence, l'infortunée s'écria que Dieu savait qu'elle ne méritait pas un si cruel châtiment, et qu'elle avait toujours été pour le roi une femme loyale et fidèle.

A peine l'eut-on emmenée, que son frère prit sa place et fut condamné à perdre la tête et à être coupé en morceaux. Les quatre roturiers furent envoyés à la cour du banc du roi. Smeaton se reconnut coupable, les autres nièrent obstinément; tous furent exécutés à Tyburn. Mais la vengeance de Henri VIII n'était pas encore satisfaite. Le lendemain du jugement de la cour des pairs, il manda l'archevêque Cranmer, et lui enjoignit de proclamer nul le mariage contracté entre lui et Anne, et de déclarer illégitime l'enfant qui en était provenu. Deux jours

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