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donc. Il en coûteroit peu à la Porte pour gagner la confiance de la Pologne et des Vénitiens. Il est aisé de faire aimer la paix à des puissances qui ne peuvent pas faire la guerre heureusement. Que le grand seigneur ne viole pas le territoire de ces deux républiques, qu'il favorise leur commerce dans ses états, et elles ne rompront jamais avec lui, tant qu'il ne porterà la guerre que sur le Danube. Ce seroit une folie à la Porte de vouloir traiter en ennemis, les Vénitiens et les Polonais, parce que ce sont ses voisins. les moins puissans et les plus faciles à accabler; ne sent-elle pas qu'elle ne peut les attaquer, sans que la Russie et la cour de Vienne n'aillent à leurs secours ours?

La cour de Pétersbourg même verroit sans inquiétude les progrès des Turcs en Hongrie, si elle étoit sûre qu'ils n'abusassent pas de ces avantages, pour se porter dans les provinces Méridionales de sa domination. Qu'en coûteroit-il à la Porte pour inspirer cette sécurité à la Russie? Elle ne seroit point obligée de faire de sacrifice. Ce que le grand seigneur peut conquérir sur les Russes, aujourd'hui qu'Asoff est démoli, ne le dédommageroit pas des frais immenses que lui

coûteroit cette guerre. Ses frontières, reculées dans quelques déserts, ne seroient pas. plus en sûreté qu'elles le sont actuellement; et d'ailleurs, il n'ajouteroit rien à la considération qu'il recherche.

Pour jetter les fondemens de l'amitié dont je parle, la Porte n'auroit qu'à paroître ne pás ignorer ses intérêts, et vouloir ne les pas abandonner. Il ne s'agiroit que de favoriser le commerce des Russes, en augmentant les priviléges dont ils jouissent dans l'empire Ottoman; de retenir les Tartares dans leur devoir, ou de les châtier avec rigueur, dès qu'ils auroient exercé leur brigandage, et fait quelque course sur les terres de la Russie. On m'objectera sans doute, que l'étroite alliance qui règne entre la cour de Vienne et celle de Pétersbourg est un obstacle insurmontable à ce que je propose.

Mais qu'on y fasse réflexion, ces deux puissances ne sont étroitement unies que par la mauvaise politique de la Porte, qui, jusqu'à présent les ayant également menacées, ne leur a donné qu'un même intérêt. Tant que leur alliance leur sera également utile, il ne faut pas douter qu'elle ne soit inviolable,

à quelques distractions près, auxquelles tontes les cours sont sujettes. Mais si les Russes parviennent à croire que les Turcs ne veulent pas s'agrandir à leurs dépens, dès-lors, ils sentiront moins la nécessité de se ménager une diversion du côté de la Hongrie; et par conséquent, ils n'auront plus pour la cour de Vienne, les égards qu'ils lui ont témoignés dans toutes les occasions.

Il est vraisemblable que la Porte continuera long-temps à se conduire par ses anciennes maximes; c'est-à-dire, à ne consulter que ses caprices, et à n'avoir qu'un but vague d'agrandissement. Embrassant trop d'objets à la fois, son ambition tiendra tous ses voisins réunis contr'elle; elle donnera quelquefois les preuves les plus fortes de son amour pour la paix, sans qu'on cesse de la moins redouter. La Porte ignore ce qui se passe en Europe, ou n'en est instruite que par le rapport infidelle des ambassadeurs qui y résident, et de quelques commerçans peu éclairés sur les affaires d'état. Son gouvernement est sujet à trop de révolutions pour suivre avec constance les mêmes principes. La mort ou la chûte d'un sultan, et la disgrace d'un visir, changent la politique toujours subordonnée

à l'insolence des janissaires et aux caprices du sérail. Il faut ménager une milice inçapable de raisonner, qui fait les forces de l'empire, que ses succès ont enhardie, et qui n'obéit à ses chefs, qu'en sachant qu'elle est la maîtresse de leur vie. A l'égard des cabales et des intrigues du sérail, on ne s'en fcroit qu'une image imparfaite, en les comparant à celles qui règnent dans les cours des princes chrétiens. Dans le palais du grand seigneur, tout est mystère. Des femmes, des esclaves invisibles; voilà les ressorts qui font tout mouvoir, et que souvent un grand visir luimême ne-connoît point en leur obéissant.

Avant que de rendre compte des traités que la Porte a passés avec les princes chrétiens, je dois dire un mot sur la manière dont elle envisage ces sortes d'engagemens ; et je ne puis mieux traiter cet article qu'en rapportant ce que dit Ricaut, écrivain aussi instruit de la politique que de la religion des Turcs. Lorsque l'ambassadeur d'Angleterre, dit-il, se plaignoit des contraventions. que l'on faisoit quelquefois à nos traités, et qu'il alléguoit que le grand seigneur ne pouvoit pas rompre par un simple commandement, une paix qu'il avoit solennellement

jurée, il falloit que le truchement déguisât ces paroles, qu'il prît la chose d'une autre manière, et qu'en la tournant du côté du point d'honneur, il representât qu'il étoit de la sagesse, de la prudence et de la justice de sa hautesse, de faire exécuter ce qu'elle avoit promis, et d'entretenir la paix avec le roi d'Angleterre. Il ne faut pas être en ces rencontres, moins réservé à parler de sa puissance, qu'on l'est parmi nous, à parler de celle de Dieu.

Les plus savans docteurs des Turcs ne donnent point d'autres bornes à la puissance de l'empereur, que l'observation des choses religieuses, contenues dans la loi de Mahomet: ils soutiennent même que sa loi est arbitraire dans les choses civiles et politiques, et qu'elle n'a point d'autre juge, ni d'autre interprête que sa seule volonté. Quelques docteurs vont encore plus loin; car, quoique l'empereur soit obligé d'exécuter la loi de Mahomet, cette même loi ne laisse pas de dire que l'empereur en est l'oracle et l'interprête infaillible, et de le revêtir du pouvoir d'en changer et d'en annuller les règles les mieux établies, ou du moins de Ten dispenser et de passer par-dessus, quand elles sont con

traires

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