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vent d'origine françoise ou latine; je les ai translatés par le vieux mot françois, en respectant la langue rhythmique et son caractère de vétusté. Je ne crois pas que ma traduction soit plus longue que le texte; je n'ai pourtant rien passé.

Je me suis servi pour cette traduction d'une édition du Paradis perdu, imprimée à Londres, chez Jacob Tonson, en 1725, et dédiée à lord Sommers, qui tira le fameux poëme d'un injurieux oubli. Cette édition est conforme aux deux premières, faites sous les yeux de Milton et corrigées par lui: l'orthographe est vieille; les élisions des lettres, fréquentes; les parenthèses, multipliées; les noms propres, imprimés en petites capitales.

J'ai maintenu la plupart des parenthèses, puisque telle étoit la manière d'écrire de l'auteur: elles donnent de la clarté au style. Les idées de Milton sont si abondantes, si variées, qu'il en est embarrassé; il les divise en compartiments, pour les coordonner, les reconnoître et ne pas perdre l'idée mère dont toutes ces idées incidentes sont filles.

J'ai aussi introduit les petites capitales dans quelques noms et pronoms, quand elles m'ont paru propres à ajouter à la majesté ou à l'importance du personnage, et quand elles ont fait disparoître des amphibologies. Pour le texte anglois imprimé en regard de ma traduction, on s'est servi de l'édition de sir Egerton Brydges, 1835 : elle est d'une correction parfaite et convient mieux aux lecteurs de ce temps-ci.

Enfin j'ai pris la peine de traduire moi-même de nouveau jusqu'au petit article sur les vers blancs, ainsi que les anciens arguments des livres, parce qu'il est probable qu'ils sont de Milton. Le respect pour le génie a vaincu l'ennui du labeur; tout m'a paru sacré dans le texte, parenthèses, points, virgules: les enfants des Hébreux étoient obligés d'apprendre la Bible par cœur depuis Bérésith jusqu'à Malachie.

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écrit cet Essai qu'à l'occasion du Paradis perdu. J'analyse ses divers ouvrages; je montre que les révolutions ont rapproché Milton de nous; qu'il est devenu un homme de notre temps; qu'il étoit aussi grand écrivain en prose qu'en vers: pendant sa vie la prose le rendit célèbre, la poésie, après sa mort; mais la renommée du prosateur s'est perdue dans la gloire du poëte.

Je dois prévenir que, dans cet Essai, je ne me suis pas collé à mon sujet comme dans la traduction: je m'occupe de tout, du présent, du passé, de l'avenir; je vais çà et là: quand je rencontre le moyen âge j'en parle; quand je me heurte contre la Réformation, je m'y arrête; quand je trouve la révolution angloise, elle me remet la nôtre en mémoire, et j'en cite les hommes et les faits. Si un royaliste anglois est jeté en geôle, je songe au logis que j'occupois à la Préfecture de police. Les poëtes anglois me conduisent aux poëtes françois; lord Byron me rappelle mon exil en Angleterre, mes promenades à la colline d'Harrow, et mes voyages à Venise; ainsi du reste. Ce sont des mélanges qui ont tous les tons, parce qu'ils parlent de toutes les choses; ils passent de la critique littéraire élevée ou familière, à des considérations historiques, à des récits, à des portraits, à des souvenirs généraux ou personnels. C'est pour ne surprendre personne, pour que l'on sache d'abord ce qu'on va lire, pour qu'on voie bien que la littérature angloise n'est ici que le fond de mes stromates ou le canevas de mes broderies; c'est pour tout cela que j'ai donné un se

cond titre à cet Essai.

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COMME SOURCE DES LANGUES DE L'EUROPE LATINE.

Lorsqu'un peuple puissant a passé ; que la langue dont il se servoit n'est plus parlée, cette langue reste monument d'un autre âge, où l'on admire les chefsd'œuvre d'un pinceau et d'un ciseau brisés. Dire comment les idiomes des peuples de l'Ausonie devinrent l'idiome latin; ce que cet idiome retint du caractère des tribus sauvages qui le formèrent; ce qu'il perdit et gagna par la conversion d'un gouvernement libre en un gouvernement despotique, et plus tard par la révolution opérée dans la religion de

Qui s'inquiète aujourd'hui de tout ce que je viens de dire? qui s'avisera de suivre une traduction sur le texte? qui saura gré au traducteur d'avoir vaincu une difficulté, d'avoir pâli autour d'une phrase des journées entières? Lorsque Clément mettoit en lumière un gros volume à propos de la traduction des Géorgiques, chacun le lisoit et prenoit parti pour ou contre l'abbé Delille: en sommes-nous là? Il peut arriver cependant que mon lecteur soit quelque vieil amateur de l'école classique, revivant au souvenir de ses anciennes admirations, ou quel-l'État; dire comment les nations conquises et conque jeune poëte de l'école romantique allant à la chasse des images, des idées, des expressions, pour en faire sa proie, comme d'un butin enlevé à l'ennemi.

Au reste, je parle fort au long de Milton dans l'Essai sur la littérature angloise, puisque je n'ai

quérantes apportèrent une foule de locutions étrangères à cet idiome; comment les débris de cet idiome formèrent la base sur laquelle s'élevèrent les dialectes de l'ouest et du midi de l'Europe moderne, seroit le sujet d'un immense ouvrage de philologie.

Rien en effet ne pourroit être plus curieux et plus

:

instructif que de prendre le latin à son commence- | son temps, la langue latine changeoit dans tous les ment, et de le conduire à sa fin à travers les siècles pays: regionibus mutatur; Festus, au cinquième et les génies divers. Les matériaux de ce travail sont siècle, se plaint de l'ignorance où l'on est déjà tombé déjà tout préparés dans les sept traités de Jean Ni-touchant la construction du latin; saint Grégoire colas Funck de Origine linguæ latinæ tractatus; le Grand déclare qu'il a peu de souci des solécismes de Pueritia latinæ linguæ tract.; de Adolescentia et des barbarismes; Grégoire de Tours réclame latinæ linguæ tract.; de virili Ætate latinæ linguæ l'indulgence du lecteur pour s'être écarté, dans le tract.; de imminenti latinæ linguæ Senectute tract.; style et dans les mots, des règles de la grammaire de vegeta latinæ linguæ Senectute tract.; de inerti dont il n'est pas bien instruit: non sum imbutus ; les serments de Charles le Chauve et de Louis le et decrepita latinæ linguæ Senectute tractatus. Germanique nous montrent le latin expirant; les hagiographes du septième siècle font l'éloge des évêques qui savent parler purement le latin, et les conciles du neuvième siècle ordonnent aux évêques de prêcher en langue romane rustique.

La langue grecque dorique, la langue étrusque et osque des hymnes des Saliens et de la Loi des Douze Tables dont les enfants chantoient encore les articles en vers du temps de Cicéron, ont produit la langue rude de Duillius, de Cæcilius et d'Ennius; la langue vive de Plaute, satirique de Lucilius, grécisée de Térence, philosophique, triste, lente et spondaïque de Lucrèce, éloquente de Cicéron et de Tite - Live, claire et correcte de César, élégante d'Horace, brillante d'Ovide, poétique et concise de Catulle, harmonieuse de Tibulle, divine de Virgile, pure et sage de Phèdre.

Cette langue du siècle d'Auguste (je ne sais à quelle date placer Quinte-Curce) devint, en s'altérant, la langue énergique de Tacite, de Lucain, de Sénèque, de Martial; la langue copieuse de Pline l'Ancien, la langue fleurie de Pline le jeune, la langue effrontée de Suétone, violente de Juvénal, obscure de Perse, enflée ou plate de Stace et de Silius Italicus.

Après avoir passé par les grammairiens Quintilien et Macrobe; par les épitomistes Florus, Velléius Paterculus, Justin, Orose, Sulpice Sévère; par les Pères de l'Église et les auteurs ecclésiastiques, Tertullien, Cyprien, Ambroise, Hilaire de Poitiers, Paulin, Augustin, Jérôme, Salvien; par les apologistes, Lactance, Arnobe, Minutius Félix; par les panégyristes, Eumène, Mamertin, Nazairius; par les historiens de la décadence, Ammien Marcellin, et les biographes des l'Histoire auguste; par les poëtes de la décadence et de la chute, Ausone, Claudien, Rutilius, Sidoine Apollinaire, Prudence, Fortunat: après avoir reçu de la conversion des religions, de la transformation des mœurs, de l'invasion des Goths, des Alains, des Huns, des Arabes, etc., les expressions obligées des nouveaux besoins et des idées nouvelles; cette langue retourna à une autre barbarie dans le premier historien de ces Francs qui commencèrent une autre langue, après avoir détruit l'empire romain chez nos pères.

Les auteurs ont noté eux-mêmes les altérations successives du latin de siècle en siècle : Cicéron affirme que dans les Gaules on employoit beaucoup de mots dont l'usage n'étoit pas reçu à Rome : verbà non trila Roma; Martial se sert d'expressions celtiques et s'en vante; saint Jérôme dit que, de

C'est donc du septième au neuvième siècle, entre ces deux époques précises, que le latin se métamorphosa en roman de différentes nuances et de divers accents, selon les provinces où il étoit en usage. Le latin correct qui reparoît dans les historiens et les écrivains à compter du règne de Charlemagne, n'est plus le latin parlé, mais le latin appris. Le mot latin ne signifia bientôt plus que roman, ou langue romane, et fut pris ensuite pour le mot langue en général : les oiseaux chantent en leur LATIN.

Une langue civilisée née d'une langue barbare diffère, dans ses éléments, d'une langue barbare émanée d'une langue civilisée : la première doit rester plus originale, parce qu'elle s'est créée d'ellemême, et qu'elle a seulement developpé son germe; la seconde (la langue barbare), entée sur une langue civilisée, perd sa séve naturelle et porte des fruits étrangers.

Tel est le latin relativement à l'idiome sauvage qui l'engendra; telles sont les langues modernes de l'Europe latine, par rapport à la langue polie dont elles dérivent. Une langue vivante qui sort d'une langue vivante, continue sa vie; une langue vivante qui s'épanche d'une langue morte, prend quelque chose de la mort de sa mère; elle garde une foule de mots expirés: ces mots ne rendent pas plus les perceptions de l'existence que le silence n'exprime le son.

Y a-t-il eu, vers la fin de la latinité, un idiome de transition entre le latin et les dialectes modernes, idiome d'un usage général de ce côté-ci des Alpes et du Rhin? La langue romane rustique, si souvent mentionnée dans les conciles du neuvième siècle, étoit-elle cette langue romane, ce provençal parlé dans le midi de la France? Le provençal étoit-il le catalan, et fut-il formé à la cour des comtes de Barcelone? Le roman du nord de la Loire, le roman wallon ou le roman des trouvères qui devint le françois, précéda-t-il le roman du midi de la Loire ou le roman des troubadours? La langue d'Oc et la langue d'Oil empruntèrent-elles le sujet de leurs chansons et de leurs histoires à des

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La langue romane rustique se divisa donc en deux branches : la langue d'Oc et la langue d'Oil. Quand les Normands se furent emparés de la province à laquelle ils ont laissé leur nom, ils apprirent la langue d'Oil: on parloit celle-ci à Rouen; on se servoit du danois à Bayeux. Guillaume porta les idiomes françois en Angleterre, avec les aventuriers accourus des deux côtés de la Loire.

Mais dans les siècles qui précédèrent, tandis que les Gaules formoient leur langage des débris du latin, la Grande-Bretagne, d'où les Romains s'étoient depuis longtemps retirés, et où les nations du Nord s'étoient successivement établies, avoit conservé ses idiomes primitifs.

Ainsi donc, l'histoire de la langue angloise se divise en cinq époques :

1° L'époque anglo-saxonne de 450 à 780. Le moine Augustin, en 570, fit connoître en Angleterre l'alphabet romain;

2o L'époque danoise-saxonne de 780 à l'invasion des Normands. On a principalement de cette époque les manuscrits dits d'Alfred et deux traductions des quatre évangélistes;

3° L'époque anglo-normande commencée en 1066. La langue normande n'étoit autre chose que le neustrien, c'est-à-dire la langue françoise de ce côté-ci de la Loire, ou la langue d'Oil. Les Normands se servoient, pour garder la mémoire de leurs chansons, de caractères appelés runstabath; ce sont les lettres runiques: on y joignit celles qu'Éthicus avoit inventées auparavant, et dont saint Jérôme avoit donné les signes;

4° L'époque normande-françoise: lorsque Éléonore de Guienne eut apporté à Henri II les provinees occidentales de la France, depuis la Basse-Loire jusqu'aux Pyrénées, et que des princesses du sang de saint Louis eurent successivement épousé des monarques anglois, les États, les propriétés, les familles, les coutumes, les mœurs, se trouvèrent si mêlés, que le françois devint la langue commune

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des nobles, des ecclésiastiques, des savants et des commerçants des deux royaumes. Dans le Domesday-Book, carte topographique, et cadastre des propriétés, dressé par ordre de Guillaume le Conquérant, les noms des lieux sont écrits en latin, selon la prononciation françoise. Ainsi une foule de mots latins entrèrent directement dans la langue angloise par la religion, et par ses ministres, dont la langue étoit latine; et indirectement, par l'intermédiaire des mots normands et françois. Le normand de Guillaume le Bâtard retenoit aussi des expressions scandinaves ou germaniques que les enfants de Rollon avoient introduites dans l'idiome du pays frank par eux conquis;

5° L'époque purement dite angloise quand l'anglois fut écrit et parlé tel qu'il existe aujourd'hui. Ces cinq époques se trouveront placées dans les cinq parties qui divisent cet Essai.

Ces cinq parties se rangent naturellement sous ces titres :

1o Littérature sous le règne des Anglo-Saxons; des Danois et pendant le moyen áge;

2o Littérature sous les Tudor;

3o Littérature sous les deux premiers Stuarts, et pendant la république ;

4° Littérature sous les deux derniers Stuarts; 5o Littérature sous la maison d'Hanovre. Lorsqu'on étudie les diverses littératures, une foule d'allusions et de traits échappent, si les usages et les mœurs des peuples ne sont pas assez présents à la mémoire. Une vue de la littérature, isolée de l'histoire des nations, créeroit un prodigieux mensonge en entendant des poëtes successifs chanter imperturbablement leurs amours et leurs moutons, on se figureroit l'existence non interrompuede l'âge d'or sur la terre. Et pourtant, dans cette même Angleterre dont il s'agit ici, ces concerts retentissoient au milieu de l'invasion des Romains, des Pictes, des Saxons et des Danois; au milieu de la conquête des Normands, du soulèvement des ba

rons,

des contestations des premiers Plantagenètes pour la couronne, des guerres civiles de la Rose rouge et de la Rose blanche, des ravages de la Réformation, des supplices commandés par Henri VIII, des bûchers ordonnés par Marie; au milieu des massacres et de l'esclavage de l'Irlande, des désolations de l'Écosse, des échafauds de Charles Ier et de Sidney, de la fuite de Jacques, de la proscription du Prétendant et des jacobites; le tout mêlé d'orages parlementaires, de crimes de cour et de mille guerres étrangères.

L'ordre social, en dehors de l'ordre politique, se compose de la religion, de l'intelligence et de l'industrie matérielle : il y a toujours chez une nation, au moment des catastrophes et parmi les plus grands événements, un prêtre qui prie, un poëte

autres, mais seulement convenus de vivre sous un commun maître autour d'un même autel.

qui chante, un auteur qui écrit, un savant qui mé- | peuples divers sans aucun rapport les uns avec les dite, un peintre, un statuaire, un architecte, qui peint, sculpte et bâtit; un ouvrier qui travaille. Ces hommes marchent à côté des révolutions et semblent vivre d'une vie à part : si vous ne voyez qu'eux, vous voyez un monde réel, vrai, immuable, base de l'édifice humain, mais qui paroît fictif, et étranger à la société de convention, à la société politique. Seulement le prêtre dans son cantique, le poëte, le savant, l'artiste, dans leurs compositions, l'ouvrier dans son travail, révèlent, de fois à autre, l'époque où ils vivent, marquent le contre-coup des événements qui leur firent répandre avec plus d'abondance leurs sueurs, leurs plaintes et les dons de leur génie.

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Le moyen âge offre un tableau bizarre qui semble être le produit d'une imagination puissante, mais déréglée. Dans l'antiquité, chaque nation sort, pour ainsi dire, de sa propre source; un esprit primitif qui pénètre tout et se fait sentir partout, rend homogènes les institutions et les mœurs. La société du moyen âge étoit composée des débris de mille autres sociétés : la civilisation romaine, le paganisme même, y avoient laissé des traces; la religion chrétienne y apportoit ses croyances et ses solennités, les Barbares franks, goths, burgondes, anglo-saxons, danois, normands, retenoient les usages et le caractère propres à leurs races. Tous les genres de propriétés se mêloient; toutes les espèces de lois se confondoient, l'aleu, le fief, la mainmorte, le code, le digeste, les lois salique, gombette, visigothe, le droit coutumier; toutes les formes de liberté et de servitude se rencontroient la liberté monarchique du roi, la liberté aristocratique du noble, la liberté individuelle du prêtre, la liberté collective des communes, la liberté privilégiée des villes, de la magistrature, des corps de métiers et des marchands, la liberté représentative de la nation; l'esclavage romain, le servage barbare, la servitude de l'aubain. De là ces spectacles incohérents, ces usages qui paroissent se contredire, qui ne se tiennent que par le lien de la religion. On diroit de

:

Jusque dans son apparence extérieure, l'Europe offroit alors un tableau plus pittoresque et plus national qu'elle ne le présente aujourd'hui. Aux monuments nés de notre religion et de nos mœurs, nous avons substitué, par affectation de l'architecture bâtarde romaine, des monuments qui ne sont ni en harmonie avec notre ciel, ni appropriés à nos besoins; froide et servile copie, laquelle a introduit le mensonge dans nos arts, comme le calque de la littérature latine a détruit dans notre littérature l'originalité du génie frank. Ce n'étoit pas ainsi qu'imitoit le moyen âge; les esprits de ce temps-là admiroient aussi les Grecs et les Romains, ils recherchoient et étudioient leurs ouvrages; mais au lieu de s'en laisser dominer, ils les maîtrisoient, les faconnoient à leur guise, les rendoient françois, et ajoutoient à leur beauté par cette métamorphose pleine de création et d'indépendance.

Les premières églises chrétiennes dans l'Occident ne furent que des temples retournés : le culte païen étoit extérieur, la décoration du temple fut extérieure; le culte chrétien étoit interieur, la décoration de l'église fut intérieure. Les colonnes passèrent du dehors au dedans de l'édifice, comme dans les basiliques où se tinrent les assemblées des fidèles quand ils sortirent des cryptes et des catacombes. Les proportions de l'église surpassèrent en tienne s'entassoit sous la voûte de l'église, et que étendue celles du temple, parce que la foule chréla foule païenne étoit répandue sous le péristyle du temple. Mais lorsque les chrétiens devinrent les maîtres, ils changèrent cette économie, et ornèrent aussi du côté du paysage et du ciel leurs édifices.

Et afin que les appuis de la nef aérienne n'en déparassent pas la structure, le ciseau les avoit tailladés; on n'y voyoit plus que des arches de ponts, des pyramides, des aiguilles et des statues.

Les ornements qui n'adhéroient pas à l'édifice se marioient à son style les tombeaux étoient de forme gothique, et la basilique, qui s'élevoit comme un grand catafalque au-dessus d'eux, sembloit s'être moulée sur leur forme. Les arts du dessin participoient du goût fleuri et composite sur les murs et sur les vitraux étoient peints des paysages, des scènes de la religion et de l'histoire nationale.

Dans les châteaux, les armoiries coloriées, encadrées dans des losanges d'or, formoient des plafonds semblables à ceux des beaux palais du cinque cento de l'Italie. L'écriture même étoit dessinée; Phiéroglyphe germanique, substitué au jambage rectiligne romain, s'harmonioit avec les pierres sépulcrales. Les tours isolées qui servoient de vedettes sur les hauteurs; les donjons enserrés dans les bois,

vautours; les ponts pointus et étroits jetés hardiment sur les torrents; les villes fortifiées que l'on rencontroit à chaque pas, et dont les créneaux étoient à la fois les remparts et les ornements; les chapelles, les oratoires, les ermitages, placés dans les lieux les plus pittoresques au bord des chemins et des eaux; les beffrois, les flèches des paroisses de campagne, les abbayes, les monastères, les cathédrales: tous ces édifices que nous ne voyons plus qu'en petit nombre, et dont le temps a noirci, obstrué, brisé les dentelles avoient alors l'éclat de la jeunesse; ils sortoient des mains de l'ouvrier: l'œil, dans la blancheur de leurs pierres, ne perdoit rien de la légèreté de leurs détails, de l'élégance de leurs réseaux, de la variété de leurs guillochis, de leurs gravures, de leurs ciselures, de leurs découpures, et de toutes les fantaisies d'une imagination libre inépuisable. Dans le court espace de dix-huit ans, de 1136 à 1154, il n'y eut pas moins de onze cent quinze châteaux bâtis dans la seule Angleterre.

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La population en mouvement autour des édifices, est décrite dans les chroniques et peinte dans les vignettes. Les diverses classes de la société et les habitants des différentes provinces, se distinguoient, les uns par la forme des vêtements, les autres par des modes locales. Les populations n'avoient pas cet aspect uniforme qu'une même manière de se vêtir donne à cette heure aux habitants de nos villes et de nos campagnes. La noblesse, les chevaliers, les magistrats, les évêques, le clergé séculier, les religieux de tous les ordres, les pèlerins, les pénitents gris, noirs et blancs, les ermites, les confréries, les corps de métiers, les bourgeois, les paysans, offroient une variété infinie de costumes: nous voyons encore quelque chose de cela en Italie. Sur ce point, il s'en faut rapporter aux arts que peut faire le peintre de notre vêtement étriqué, de notre petit chapeau rond et de notre chapeau à trois cornes?

La chrétienté élevoit à frais communs, au moyen des quêtes et des aumônes, les cathédrales dont chaque État particulier n'étoit pas assez riche pour payer les travaux, et dont presque aucune n'est achevée. Du douzième au quatorzième siècle, le paysan Dans ces vastes et mystérieux édifices se gravoient et l'homme du peuple portèrent la jaquette ou la en relief et en creux, comme avec un emporte- casaque grise liée aux flancs par un ceinturon. Le pièce, les parures de l'autel, les monogrammes sa- sayon de peau, le pélicon d'où est venu le surplis, crés, les vêtements et les choses à l'usage des prê-étoit commun à tous les états. La pelisse fourrée tres. Les bannières, les croix de divers agencements, et la robe longue orientale enveloppoient le chevales calices, les ostensoirs, les dais, les chapes, leslier quand il quittoit son armure : les manches de capuchons, les crosses, les mitres dont les formes se retrouvent dans le gothique conservoient les symboles du culte en produisant des effets d'art inattendus. Assez souvent les gouttières et les gargouilles étoient taillées en figures de démons obscènes ou de moines vomissants. Cette architecture du moyen âge offroit un mélange du tragique et du bouffon, du gigantesque et du gracieux, comme les poemes et les romans de la même époque.

Les plantes de notre sol, les arbres de nos bois, le trèfle et le chêne, décoroient aussi les églises, de même que l'acanthe et le palmier avoient embelli les temples du pays et du siècle de Périclès. Au dedans, une cathédrale étoit une forêt, un labyrinthe dont les mille arcades, à chaque mouvement du spectateur, se croisoient, se séparoient, s'enlaçoient de nouveau. Cette forêt étoit éclairée par des rosaces à jour incrustées de vitraux peints, qui ressembloient à des soleils brillant de mille couleurs sous la feuillée : en dehors, cette même cathédrale avoit l'air d'un monument auquel on auroit laissé sa cage, ses arcs-boutants et ses échafauds.

cette robe couvroient les mains; elles ressembloient au cafetan ture d'aujourd'hui; la toque ornée de plumes, le capuchon ou chaperon, tenoient lieu de turban. De la robe ample on passa à l'habit étroit, puis on revint à la robe, qui fut blasonnée. Les hauts-de-chausses, si courts et si serrés qu'ils en étoient indécents, s'arrêtoient au milieu de la cuisse ; les bas-de-chausses étoient dissemblables; on avoit une jambe d'une couleur, une jambe d'une autre couleur. Il en étoit de même du hoqueton, mi-parti noir et blanc, et du chaperon mi-parti bleu et rouge. Et si estoient leurs robes si estroites à vestir et à « despouiller qu'il sembloit qu'on les escorchast. Les << autres avoient leurs robes relevées sur les reins « comme femmes, si avoient leurs chaperons decou« pés menuement tout en tour. Et si avoient leurs « chausses d'un drap et l'autre de l'autre. Et leur « venoient leurs cornettes et leurs manches près de << terre, et sembloient mieux estre jongleurs qu'au<< tres gens. Et pour ce ne fut pas merveilles si « Dieu voulut corriger les mefaits des François par « son fleau (la peste). »

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Par-dessus la robe, dans les jours de cérémonie, on attachoit un manteau tantôt court, tantôt long. Le manteau de Richard Irétoit fait d'une étoffe à raies, semé de globes et de demi-lunes

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