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A l'extrême gauche.

M. MARCEL Sembat. mêler les questions.

Et l'affaire Lorando?

Nous allons en parler, mais il importe de ne pas

M. le ministre veut bien me répondre en ce qui concerne le traité franco-siamois. Il était certain d'avance que le gouvernement siamois protesterait. Ces protestations-là ne se refusent pas et il aurait été singulièrement incorrect que le gouvernement siamois ne protestât pas.

et

Nous ne sommes ici ni pour donner notre garantie à des cancans, à des on-dit, à des ouï-dire, ni pour nous contenter de la présentation de pièces plus ou moins diplomatiques. Nous sommes ici gens de bonne foi je n'adresse personnellement aucun reproche sur ce point à M. le ministre des affaires étrangères, cela va sans dire nous sommes, je le repète, des gens de bonne foi qui cherchons la vérité. Je demande à M. le ministre des affaires étrangères s'il s'est préoccupé de ces bruits et ce qu'il en pense, c'est-à-dire s'il croit, sincèrement, qu'il y a eu réellement des distributions d'argent, ou s'il est vraiment persuadé que tout est faux dans les bruits qui ont couru.

Si M. le ministre des affaires étrangères est persuadé qu'il n'y a pas làdedans l'ombre de vérité, nous enregistrons ses déclarations. Nous passerons alors au second ordre de fait, les faits Lorando el Courmes.

Ici, il n'y a pas de contestation possible; aucun gouvernement ne dément, aucun des adversaires qui plaident devant la cour d'appel ne conteste les faits en question.

Les héritiers Lorando reconnaissent parfaitement qu'ils avaient passé un contrat d'association avec M. Courmes pour les manoeuvres et les négociations dont celui-ci se chargeait. D'autre part M. Courmes, non seulement reconnaît, mais affirme et raconte toutes les négociations qu'il a menées il explique qu'il rédigeait les articles qu'ensuite il faisait insérer dans les journaux ; que c'était lui par conséquent le grand chef de la campagne. Donc, de ce côté, je le répète, pas de contestation possible.

Et, en troisième lieu, nous voici encore en face d'une puissance étrangère intéressée. Les héritiers Lorando d'une part, et M. Courmes de l'autre, disent que si l'on a mené cette campagne, c'est parce qu'une autre campagne était menée par l'ambassade de Turquie.

Ce n'est pas la première fois qu'un bruit pareil et une accusation de ce genre viennent à nos oreilles. Vous n'ignorez pas qu'au moment des massacres d'Arménie, à maintes et maintes reprises le bruit a couru que si l'opinion publique française ne se soulevait pas, si on ne la tenait pas mieux au courant des atrocités qui se passaient là-bas, c'était parce que la Turquie faisait le nécessaire pour que la France et le public français ne fussent pas trop bien, ni trop complètement informés.

M. le ministre, évidemment, va nous répondre : « Que voulez-vous que j'y fasse? Je suis désarmé. » Je réponds: Monsieur le ministre, vous vous trouvez heureusement dans un cas où vous pouvez non seulement faire justice, mais encore empêcher absolument tout l'effet nuisible de ces manœuvres criminelles, sans avoir besoin de recourir à une poursuite judiciaire ou criminelle. C'est l'idéal, n'est-ce pas ? Nous n'avons pas besoin de recourir à la justice répressive, car il suffit, pour paralyser ces manœuvres, qu'on parle franchement, clairement et que le Gouvernement les dénoncé publiquement.

A partir du moment où le public français saura qu'il y a des gens qui

distribuent de l'argent pour créer une fausse opinion publique française, dès qu'il saura quels sont les corrupteurs et quels sont les corrompus, les distributions d'argent perdront tout effet utile.

D'ailleurs, il n'est pas vrai que nous soyons tout à fait désarmés. Si nous sommes dépourvus de sanctions judiciaires et sans recours devant la justice criminelle, nous avons en revanche le droit de présenter des observations diplomatiques. S'il est exact qu'une puissance se livre, chez nous, à des manoeuvres de ce genre, nous ne devons pas le tolérer.

Vous avez bien su, lorsque s'est produit le dernier incident avec la Turquie, lui dire : « Vous entretenez chez nous une police occulte; nous ne voulons plus qu'on surveille à Paris, à l'aide d'une police dont nous ne sommes pas responsables, les jeunes Turcs ou les sujets ottomans coupables de rêver pour leur pays, un meilleur régime que la domination du sultan Abdul-Hamid. » Vous avez ainsi empêché les policiers turcs de continuer leur métier. Je ne sais pas s'ils l'ont repris depuis ; mais vous pourriez présenter des observations de même genre si des manœuvres, avérées celles-là, et qui semblent prouvées, étaient ourdies chez nous par une puissance avec laquelle nous sommes en relations diplomatiques.

Ne croyons pas, messieurs, que ce soit là un sujet peu important; c'est, certes, un sujet délicat, difficile à trancher, mais prenez garde qu'il ne recèle en lui les éléments d'un péril terrible. Il peut arriver qu'une puissance étrangère, chez vous, malgré vous, sous vos yeux, sans que vous osiez agir, parce qu'à cette heure les évènements peut-être seraient graves et la tension des rapports diplomatiques aiguë, prépare ainsi l'opinion publique contre vous, parce que vous n'auriez pas pris des précautions pendant la période de pleine paix. Que feriez-vous donc si, dans une heure grave, s'exerçait une telle action sur l'opinion publique à l'encontre des visées de la diplomatie française, et contre les prétentions que vous soutiendriez au nom du pays? Que feriez-vous quand, restés peut-être d'accord avec la Chambre, vous cesseriez d'être appuyés par l'opinion publique, faussée et systématiquement égarée ? Ce jour-là vous auriez laissé grandir le plus grave péril et le plus difficile à conjurer.

Je vous demande d'ouvrir les yeux pendant qu'il est aisé de le faire, et je suis certain que, désormais, vous veillerez de près, lorsque vous entreprendrez, au nom de la France, une action aussi grave que celle que vous avez entreprise en envoyant la flotte à Mitylène; que vous veillerez soigneusement à empêcher que les intérêts particuliers n'entrent en jeu, et qu'ils n'essaient de faire marcher la France et les vaisseaux français, pour je ne sais quelles créances plus ou moins suspectes, et à l'aide de manœuvres, sinon punissables, tout au moins profondément répugnantes.

M. LE PRÉSIDENT. La parole est à M. Deloncle.

M. FRANÇOIS Deloncle. Je ne retiendrai pas longtemps l'attention de la Chambre, si elle veut bien me l'accorder. Je comprends qu'elle soit impatiente d'entendre la réponse de M. le ministre des affaires étrangères aux orateurs qui m'ont précédé. Je me bornerai donc à poser à M. le ministre des questions précises et limitées sur certains points qui intéressent plus particulièrement la route de l'Indo-Chine.

Je ne parlerai pas du Siam. Le traité du 7 octobre dernier a été renvoyé à une commission. Lorsque cette commission aura terminé ses travaux, et après les nouvelles négociations engagées par M. le ministre des affaires.

étrangères pour la conclusion d'un nouveau traité, un débat digne du sujet, s'engagera devant la Chambre; nous nous réservons pour ce débat. Je ne parlerai pas non plus de l'Ethiopie; mon honorable ami, M. Brunet, a annoncé sur ce sujet une demande d'interpellation qui, je l'espère, sera inscrite à un ordre du jour prochain; nous nous réservons également pour ce débat.

En tête des questions que j'ai à poser, se place celle qui intéresse plus particulièrement la Chine, dont l'honorable M. Sembat vient lui-même de dire quelques mots.

M. le ministre des affaires étrangères peut-il nous renseigner au sujet des craintes d'une reprise des troubles dans l'empire chinois ?

A la séance du 8 mars, de la Chambre des communes, M. le comte Cranborne, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, a annoncé comme à peu près certains de nouveaux troubles du côté du Kan-Sou et du SeTchouen. Le Gouvernement a-t-il connaissance de ces informations?

A la fin de décembre dernier, les troupes françaises et, en général, toutes les troupes internationales, ont évacué Shanghaï, le dernier poste que nons ayons occupé en Chine depuis l'évacuation de Pékin ; faut-il voir un lien entre le retrait de nos troupes et les mouvements annoncés au Kan-Sou, et sur le haut Yang-Tsé?

Une chose me rassure un peu : c'est que ce retrait n'est pas définitif. Dans une lettre écrite, le 6 août 1902, à notre ambassadeur à Londres, M. le ministre des affaires étrangères, en donnant lui-même son assentiment à l'évacuation de Shanghai, réservait pour la France, au cas où les circonstances le rendraient nécessaire, et si nous le jugions nécessaire, le droit d'y renvoyer des forces. La Chine est donc prévenue; au premier mouvement sérieux menaçant nos nationaux ou nos protégés, nos troupes seraient prêtes à reprendre la route de Shanghaï, et il faut espérer que la perspective de cette éventualité inspirera quelque sagesse aux promoteurs des insurrections. Je ne suis pas, en effet, d'accord avec l'honorahle M. Sembat, sur la meilleure politique à suivre en Chine pour prévenir les catastrophes.

Je ne vois qu'un bon moyen, en présence des intrigues qui s'agitent sans cesse à Pékin, c'est de garder, tout à proximité de l'empire Chinois, sinon en Chine même, un corps de troupes solides prêt à intervenir à la première occasion. Je souhaiterais que ce corps existât d'ores et déjà en Indo-Chine, mais ce n'est malheureusement pas encore la réalité.

Quoi qu'il en soit, les puissances n'ont qu'à montrer dès maintenant de l'énergie, à marquer leur volonté commune de ne pas laisser massacrer leurs ressortissants, et à prendre nettement position: le gouvernement chinois fera lui-même le nécessaire pour que les Boxers ne bougent pas.

Les affaires de Chine ont montré, en ces dernières années, toute l'importance de l'ouverture de routes, courtes et rapides, vers l'Extrême-Orient. Vous n'ignorez pas qu'à cette heure, grâce à l'oeuvre du transsibérien merveilleusement construit en dix ans par la Russie, Shanghaï ne se trouve plus qu'à dix-huit jours de France. Le succès de cette œuvre a ranimé le courage de tous les promoteurs d'autres projets de chemins de fer transasiatiques, au premier rang desquels se place le groupe allemand qui, ayant reçu le projet du chemin de fer de Bagdad des mains d'ingénieurs français, en a recherché pendant de longues années, la concession à Constantinople.

Le chemin de fer de Bagdad a fini par être concédé, il y a près de deux ans, à un consortium allemand, français et belge, et, il y a quelques jours, des accords ont été conclus, admettant les Anglais au consortium, de telle manière que Anglais, Français et Allemands pour 30 p. 100 chacun, et Belges pour 10 p. 100, sont maintenant associés pour la construction et l'exploitation du premier tronçon de ce chemin de fer, la ligne de Konia à Eregli.

On assure même que les capitaux français seront sollicités de prendre une participation dépassant le 30 p. 100 convenu; on a besoin de 300 millions au moins et c'est au marché de Paris que l'on compte principalement faire appel. Je comprends fort bien que l'on se soit souvenu des grands intérêts financiers que nous avons en Turquie, où nous sommes déjà engagés pour plus de deux milliards, que l'on n'ait pas oublié combien nous sommes intéressés aux lignes de Mondania à Brousse, de Mersine-Adana, de Beyrout-Damas-Hauran, et qu'on nous ait demandé de faire les sacrifices d'argent nécessaires pour acquérir un lot d'influence important dans la construction et l'exploitation du chemin de fer de Bagdad.

Mais il conviendrait de savoir si les accords ainsi conclus réservent en même temps à la France le droit de fournir un matériel proportionné à sa contribution financière, une portion convenable du personnel de l'exploitation, et surtout une participation utile, sérieuse et garantie aux conseils et à la direction de la compagnie.

Le projet a son importance, car de l'autre côté des Vosges, on ne craint pas d'annoncer, de publier que la construction de ce chemin de fer créera à l'Allemagne une situation pour ainsi dire prépondérante dans la Mésopotamie.

Des brochures sont distribuées dans les villages qui engagent les paysans à se préparer d'ores et déjà à émigrer là-bas pour y coloniser; et c'est devenu une opinion qui n'est plus seulement aujourd'hui une opinion allemande : partout, sur les marchés de l'Allemagne, en Autriche, en Russie et même dans les Balkans, et même à Constantinople, on est persuadé que l'Allemagne ne tient si fort à la construction du chemin de fer que pour s'établir elle-même dans la vallée de l'Euphrate.

J'ai là le Journal officiel du ministère des finances de l'empire russe du mois de décembre 1901, qui traite abondamment la question du chemin de fer de Bagdad. L'organe de M. de Witte annonce tout d'abord qu'une part de 40 p. 100 de la concession attribuée au consortium a été offerte au Gouvernement russe, ou plutôt à des sujets russes ou à des personnes d'autre nationalité en Russie ayant des relations commerciales avec la Turquie et voici ce qu'ajoute ce document :

Vous

« La ligne de Bagdad, allant du Bosphore, par l'Asie mineure, vers le golfe Persique, a une certaine importance universelle à titre de voie conduisant de l'Europe aux Indes. Elle a, en outre, une importance particulière pour l'Allemagne, en ce qu'elle contribuera à placer une grande partie de l'Asie mineure dans la sphère d'influence allemande... » entendez bien, messieurs, c'est un journal officiel russe qui parle ainsi « ....... et ouvrira un débouché aux céréales de l'Asie mineure qui feront ainsi une sérieuse concurrence aux produits similaires russes et américains. Dans l'un et l'autre cas, la ligne ne saurait donc guère répondre à nos intérêts. La voie naturelle la plus courte de l'Europe vers la frontière de l'Inde n'est nullement celle qui passerait par le Bosphore, mais bien

les pos

une ligne traversant nos possessions asiatiques russes... » sessions asiatiqurs russes, c'est-à dire le Turkestan. «... Le grand transsibérien, continue le journal, nous a coûté beaucoup de peine et d'argent. On est en train de tracer par Orenbourg, Taschkend et Kouschk, la voie la plus directe vers la frontière de l'Inde.

« Est-il admissible — continue à se demander le Journal officiel du ministère des finances que maintenant, où la ligne traversant l'Asie sur toute sa longueur est terminée et la construction de l'autre voie ferrée proche de sa réalisation, que le gouvernement russe, sans tenir compte des conditions géographiques et contrairement à des vœux traditionnels, dépense de l'argent pour la construction d'une ligne destinée à nous faire. concurrence et qui se dirigera vers l'Inde en passant sur un territoire étranger ? »

Et ici l'organe officiel de M. de Witte n'hésite pas à faire une déclaration d'un intérêt considérable :

« Il y a là, dit-il, une objection qu'on fait à la construction d'une ligne vers l'Inde, au delà des limites de la Russie. On affirme qu'une pareille ligne nous placerait face à face avec l'Angleterre, ce qui pourraît être la source de grands dangers et de complications. Mais cette objection, plus surannée que justifiée, est plutôt basée sur une méfiance traditionnelle réciproque avec l'Angleterre que sur la réalité exempte de préjugés. La Russie et l'Angleterre ne sont quant à présent pas des concurrents l'une à l'égard de l'autre sur le marché universel. et il n'existe presque nulle part entre elles des intérêts qui ne puissent être délimités. Dans le domaine universel du commerce et de l'industrie, l'Angleterre a plutôt à craindre la concurrence de l'Allemagne. Quant à la Russie et à l'Angleterre, c'est plutôt de loin qu'elles se semblent réciproquement dangereuses, parce qu'elles se connaissent peu l'une et l'autre. De près, le jour où les frontières des deux puissances seront mises en contact par une ligne traversant Hérat, et quand auront été établies, au moyen de ce chemin de fer, des relations de frontière, le brouillard des anciens malentendus et des appréhensions sera promptement dissipé et le nœud gordien de la méfiance réciproque, qui gît maintenant dans le Pamir, sera tranché. »

Ainsi donc, ce document nous fait connaître d'une manière officielle que le chemin de fer de Bagdad est mal accueilli en Russie ; qu'il est contraire aux intérêts russes; que, plutôt que d'aider à la construction de ce chemin de fer, la Russie est prête à faire avec l'Angleterre les accords nécessaires au sujet de l'Afghanistan et de la Perse, pour la jonction des lignes du Turkestan russe et de l'Inde, par une jonction traversant Hé

rat.

Dans ces conditions, je viens demander au gouvernement comment il compte concilier les obligations de la solidarité de l'alliance qui nous lie à la Russie, avec les accords conclus récemment sous ses propres auspices et par lesquels les finances françaises ont pris des engagements si étendus dans la construction du chemin de fer de Bagdad.

Quoi qu'il en soit, ce qu'il importe de retenir tout de suite ici, c'est que, du jour où nos intérêts dans la vallée de l'Euphrate vont prendre corps sous la forme d'une contribution d'une centaine de millions au moins à la construction de ce chemin de fer, nous avons à nous préoccuper plus activement que par le passé, des conditions politiques de cette vallée, des affaires de Mossoul, Bagdad, Bassorah et de Koueit, le point terminus, et du golfe Persique enfin, où cette grande ligne va apporter un trafic

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